Il était une fois, une goutte d'eau qui avait manqué
son nuage. C'est du moins ce que devait penser ses amies parties la veille.
Chaque automne, avec son groupe aquatique, elle s'embarquait sur un nuage en
partance pour le sud et ne revenait qu'aux beaux jours du printemps.
Mais voilà…, cette fois, Gotita (ainsi l'appelaient
ses amies), était restée. Il y a longtemps qu'elle y pensait. Chaque année, au
moment du départ, elle se redisait : "Et si je restais!" En ce mois
de novembre, son rêve s'était fait plus insistant et dans l'euphorie du départ
elle en avait profité pour se cacher.
Suspendue à sa feuille dorée elle admirait le soleil
qui disparaissait à l'horizon tout auréolé de rouge. Elle se sentait un peu
seule mais aussi toute excitée à l'idée de cette aventure. Les coloris de
l'automne miroitaient sur la petite goutte et des vagues de joie ravissaient
notre amie. Puis, une à une, l'automne éteignit ses lumières colorées, laissant
la place aux froides lueurs bleutées des glaces.
Un beau matin après une nuit particulièrement froide
et agitée, Gotita fut réveillée par une clarté inhabituelle. Elle ouvrit un
oeil, éblouie le referma aussitôt. Puis, tout doucement elle en ouvrit un et
ensuite l'autre. WOW! Tout était blanc, si étincelant qu'il lui fallait plisser
les yeux pour mieux voir.
"Qu'est-ce que c'est?" s'exclama Gotita.
Pour toute réponse elle entendit une cascade de
rires, comme tout un orchestre de petites clochettes. En y regardant bien, elle
vit que cette couverture blanche était peuplée de centaines et centaines de
petites boules de dentelle aux formes variées.
"Qui êtes-vous?" demanda-t-elle.
"Des cristaux!" répondit timidement une
des petites boulettes blanches.
"Des cristaux de neige" ajouta un autre.
"De la neige...!" s'exclama Gotita toute
excitée, "de la neige...! Enfin! il y a si longtemps que je désirais vous
connaître." ajouta-elle ravie.
"Bienvenue en hiver petite soeur!" dit en
riant un mignon cristal.
"Petite soeur...!" dit Gotita étonnée.
"Suis-nous" répondirent-elles en choeur.
Elles s'approchèrent du lac figé sous son miroir
gelé.
"Regarde-toi", dit un tout petit flocon.
Gotita se pencha vers la surface gelée et, oh
surprise, elle y vit le reflet d'un joli cristal tout brillant.
"C'est moi?" demanda-t-elle incrédule.
"Mais bien sûr! Durant la nuit, le vent et le
froid ont fait de nous et de toi de fragiles sculptures de beauté."
"Que je suis belle et tellement légère!"
dit Gotita en riant aux éclats.
Toute à son enthousiasme, elle s'approcha un peu
trop près d'un tourbillon de vent qui l'attrapa au passage.
"Attention!" lui crièrent ses soeurs de neige mais il était trop
tard. Et ça valse, et ça tourne, tourne, tourne! Rien à faire… malgré tout ses
efforts elle se rendit bien vite à l'évidence qu'elle ne pouvait pas lutter
contre la force qui l'entraînait. Elle n'avait d'autre choix que de
s'abandonner et faire confiance au vent qui la menait loin, de plus en plus
loin.
Après ce qui parut à Gotita un bien long et pénible
voyage, le vent la laissa enfin s'échapper.
"Où suis-je?" se demanda Gotita encore
toute étourdie.
"En ville!" lui répondirent quelques
flocons qui avaient fait le trajet grâce au même transport.
"En ville?"
"Oui, en ville. Tu sais les édifices, le
ciment, le bruit et beaucoup de monde. Ici, nous sommes sur la rue des grands
magasins."
Notre petite goutte d'eau, maintenant flocon de
neige, s'aperçut qu'elle avait atterri tout en haut d'une vitrine de magasin.
On y voyait des hommes et des femmes même des enfants mais tous en plastique et
vêtus chaudement pour affronter les tempêtes. Il y avait aussi une table
dressée pour un festin.
Sur les trottoirs et dans les magasins des lumières,
de la musique et des gens beaucoup de gens qui couraient comme si le temps
allait leur manquer.
"Tout cela est bien étourdissant" dit
Gotita à ses nouveaux amis.
"C'est que Noël arrive bientôt alors il y a les
cadeaux qu'il faut acheter, la visite que l'on attend et tant de choses à
préparer."
Pendants qu'ils parlaient de la ville, du temps des
fêtes de ses joies mais aussi ses lourdeurs et ses larmes, Gotita vit
s'approcher une jolie fillette chaudement vêtue et accompagnée de ses parents.
Ils étaient tellement tout chaud de bonheur que Gotita sentit fondre son coeur
de cristal. Elle se glissa vers l'autre coin de la vitrine craignant de voir
s'évanouir son habit tout neuf. C'est alors qu'elle vit un autre couple avec
leur petit garçon. Le petit collait son nez à la vitrine, les yeux fixés sur la
table couverte de mets appétissants et l'arbre de Noël qui disparaissait sous
les cadeaux. Ses parents le regardaient, bien triste de ne pouvoir réaliser ses
souhaits, Le petit garçon frottait ses mains nues pour les réchauffer.
Gotita regardait ses deux familles à la fois si
semblables et si différentes. C'est alors qu'il lui vint une idée un peu
farfelue mais, pensa-t-elle, ça pourrait peut-être marcher. Elle s'approcha de
la petite fille aux cheveux bouclés, cherchant à attirer son attention. Que
faire pour qu'elle remarque le petit garçon? Je pourrais… ah mais non! je
perdrais mon bel habit de dentelle. Il n'en est pas question... dit-elle tout
en chassant cette idée. Mais son bon coeur finit par céder. Elle se laissa tout
doucement glisser pour atterrir sur le nez tout chaud de la fillette où bien
entendu elle fondit aussitôt. C'est alors que la petite fille en voulant
essuyer de sa mitaine son nez mouillé, tourna un peu la tête et aperçut le
petit garçon.
Sans dire un mot elle s'approcha de lui, retira ses
jolies mitaines et les lui donna. Un peu gêné et surpris le garçonnet sourit et
après un merci tout sourire, se dépêcha d'y enfiler ses petits doigts si
froids. Les deux couples se regardèrent tout émus par ce geste spontané. Les
parents de la petite fille s'approchèrent alors du pauvre couple. Ils parlèrent
longtemps et en ce soir de réveillon, deux familles unies par la générosité
d'une enfant partagèrent la même table. Une toute nouvelle amitié naquit au
coeur de ces gens en ce beau soir de Noël. L'Amour prenait place chez eux.
Un petit flocon de neige redevenu goutte d'eau, du
bout de sa mitaine en pleurait de joie.
Tante Monique
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