Un jour, dans une lointaine contrée, naquit la princesse Tita. Ses
parents voulurent en faire une princesse modèle et lui offrirent tout ce qu’il
est de plus beau et de plus précieux. Des mets les plus délicieux aux vêtements
les plus somptueux en passant par les meilleurs professeurs du royaume qui lui
prodiguèrent une éducation exemplaire. Cette enfant couverte d’or n’avait
plus rien à attendre de l’existence qui l’avait tant gâtée.
Arrivée à la majorité, la jeune Tita
voulut sortit de sa prison dorée et supplia ses parents de partir à l’aventure
découvrir le monde. Une princesse n’abandonne pas son royaume. Le couple royal
s’opposa fermement à cette folle envie. Mais la princesse Tita ne pouvait
réprimer sa curiosité. Elle insista tant et plus jusqu’à ce qu’un jour, la nuit
venue, elle fit arnacher deux beaux chevaux princiers qu’elle chargea d’or, de
vivres et d’étoffes précieuses avant de s’échapper à pas de loup du palais.
Elle partit ainsi sur les chemins, de village en village, demandant
l’hospitalité qu’on lui accordait volontiers, bien que l’on lise dans les
regards une surprise non dissimulée à la vue d’une princesse ainsi livrée à
elle- même sans protection. À chaque arrêt la princesse remerciait ses hôtes
grassement en leur offrant de l’or, de l’encens des habits somptueux.
Au bout de deux mois, elle atteignit une ferme à l’autre bout du
royaume. Lorsque vint le moment de quitter les lieux, elle s’aperçut qu’elle
n’avait plus rien à offrir. Elle proposa donc au fermier l’un de ses deux
chevaux en gage de reconnaissance. Malheureusement, les deux étalons étaient
frères et il lui fut impossible de les séparer. La princesse abandonna donc sa
monture au fermier et s’apprêtât à repartir vêtue d’une simple robe de lin avec
pour seul moyen de locomotion, ses deux jambes et ses deux pieds… Devant tant
de générosité, le fermier ne put laisser la jeune femme reprendre sa route sans
rien. Il lui offrit un petit sac rempli de graines.
– MERCI, DIT TITA. À QUOI VONT DONC ME SERVIR CES GRAINES MAINTENANT QUE
J’AI PERDU LA TRACE DU PALAIS ET QUE JE N’AI PLUS AUCUN BIEN. – SÈME ET TU
VERRAS, RÉPONDIT LE JEUNE AGRICULTEUR.
Alors la princesse poursuivit son chemin. Plus personne ne l’identifiait
comme une princesse et elle dut travailler pour pouvoir se nourrir et demander
le logis dans les fermes alentours. Malgré tout, à chaque
endroit, pour remercier ses hôtes, elle semait l’une des graines offertes
par le fermier. Lorsqu’on lui demandait ce qu’elle faisait, Tita répondait
qu’elle honorait sa parole. On lui avait demandé de semer ces graines, elle
tenait son engagement.- Mais comment veux-tu t’enrichir, pauvre misérable, si
le peu que tu as, tu le sèmes à tout vent ! Maugréaient les paysans. A cela
Tita ne répondait pas et, dans un grand éclat de rire, s’en allait vers
d’autres contrées une fois la semence en terre. L’hiver fut vite venu, et
il ne restait plus qu’une graine en poche à la jeune femme. Plus aucun fermier
ne voulait l’accueillir, le travail de la terre étant en sommeil pendant les
froids. Tita commença à avoir froid, et à se demander quelle folie l’avait
poussée à abandonner son palais. Ses pieds nus se craquelaient, elle n’avait
plus rien à manger. Dans ses rêves, ses regrets se mettaient en scène.
Elle finit par trouver une grotte à flanc de montagne où s’abriter et
n’ayant d’autre ressource ni d’autre lien au monde que sa petite graine, elle
décida de la planter à l’entrée du refuge, dans un recoin abrité, avec
l’espoir que, peut-être, il en naisse quelques fruits. Cette graine était sa
seule chance et elle ignorait ce qui pouvait en sortir. A sa grande surprise,
au bout de quelques jours à peine, une magnifique plante commença à germer.
Tita n’en avait jamais vues de telles auparavant. Au bout d’une semaine, la
plante offrit un gros kaki gorgé de nutriments et de sucre, ce qui combla la
jeune princesse de joie. Sept jours encore s’écoulèrent et la plante donna
trois pommes de terre et l’hiver passa ainsi sans que la jeune femme ait à se
soucier de se nourrir.
Le printemps venu, son premier réflexe fut de retrouver le fermier qui
lui avait offert ces graines magiques. Quelle ne fut pas sa surprise, en
rebroussant chemin, de trouver en chaque endroit où elle avait, après un
dur labeur, semé une graine, des habitants heureux et comblés car l’arbre
qui en était sorti leur avait apporté tantôt les fruits, tantôt le coton,
tantôt le complément de récolte manquant pour nourrir toutes les bouches.
LES GRAINES DE TITA N’ÉTAIENT PAS DES GRAINES ORDINAIRES. ELLES
COMBLAIENT LES SOUHAITS ET BESOINS DE CHACUN SELON L’ENDROIT OÙ ELLES
POUSSAIENT.
C’est ainsi que le voyage retour de Tita fut parsemé de présents et
d’offrandes. Rapidement la nouvelle se répandit dans tous le royaume et
tous ceux qui avaient rencontré la jeune femme sur son chemin voulurent la
remercier. Un grand rassemblement fut organisé pour donner à Tita le titre
honorifique de reine du royaume. Lorsque la rumeur parvint jusqu’aux
oreilles de la cour, le roi en personne se déplaça pour connaître l’origine de
tant d’engouement et mettre fin à ce mouvement du peuple pour
finalement découvrir que celle que l’on voulait sacrer Reine l’était déjà
depuis longtemps…
C’est ainsi que Tita devint véritablement reine, non par naissance
mais par les qualités de bravoure, de confiance et de persévérance qu’elle
développa sur son chemin. On dit que, quelques années plus tard, elle épousa le
jeune fermier qui lui avait procuré la semence et que, des siècles durant la
corne d’abondance, coula à flots dans le royaume rebaptisé le
« Titan » en hommage à la princesse vertueuse.
Ainsi, notre richesse ne vient pas de
ce que nous croyons posséder mais de combien nous donnons sans attentes. Comme
Tita nous ignorons souvent le trésor que nous avons entre nos mains lorsque
nous semons autour de nous l’indulgence, la bienveillance, la reconnaissance et
la patience. Semer, c’est offrir, c’est vivre et partager avec la source. Celui
qui donne ne connaîtra pas la misère car l’univers le lui rendra en mille. Il
est fou celui qui n’a plus rien et danse sous la pluie. Il est fou celui qui
n’a plus rien et continue à remercier, partager et honorer. Il est fou
celui qui brave sa peur de l’inconnu et ne se fie qu’à son coeur. Mais il
est sage surtout.
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