Il était
une fois un homme qui exerçait un bien curieux métier. Un métier qu’il avait
inventé au mitan d’une vie mouvementée et qu’il pratiquait au quotidien de ses
rencontres. Un métier rare qui consistait à semer des rêves de vie chez les
personnes qu’il croisait.
Oh !
Ne croyez pas qu’il imposait quoi que ce soit, pas du tout ! Dans une
rencontre, après quelques échanges, il déposait quelques mots, une phrase, une
image ou une métaphore, et son interlocuteur repartait, ensemencé d’un rêve qui
allait développer en lui dans les semaines, les mois ou les années à venir. Car
il y a des rêves qui ont besoin de beaucoup de temps pour mûrir, se développer
et un matin ou un soir éclore au grand jour de la vie d’un homme ou d’une
femme.
Vous
allez me demander bien sûr comment il procédait, comment il arrivait à trouver
ces mots, ces petites phrases qu’il déposait chez ceux qu’il rencontrait.
De
la façon la plus simple. Tout d’abord il écoutait. Tout simplement il écoutait.
Il écoutait avec ses yeux, il regardait avec la totalité de son corps. Il
appelait cela labourer le terrain, pour le préparer. Puis il disait :
– Dans ce
que vous venez de dire, voici ce que j’ai entendu…
Et à
ce moment-là il répétait au plus près ce que vena
it d’énoncer l’autre devant
lui.
Il
redonnait ainsi simplement, respectueusement, à la personne ce qu’elle venait
de lui dire. Il appelait cela débroussailler, élaguer. Et le plus souvent il y
avait, entre ce que la personne avait exprimé et ce qu’il renvoyait, un léger
décalage, un espace ouvert pour une écoute nouvelle. L’homme qui semait des
rêves de vie savait que la véritable écoute est celle qui permet à celui qui
parle d’entendre enfin ce qu’il dit.
Cet
homme-là faisait peu de demandes, posait peu de questions, il y avait en lui
comme une sorte de pudeur à dépendre de la réponse de l’autre. On sentait
parfois en lui la trace, le souvenir de déceptions, et même de blessures
anciennes. Dans les premiers contacts, sa vulnérabilité étonnait et peut-être
cela permettait-il aussi à ceux qu’il rencontrait d’ose se dire en confiance,
dans un lâcher-prise libérateur.
J’en
sais plus d’un et même plus d’une chez lesquels il a semé l’envie d’exister
plus fort, plus pleinement. J’en connais qui lui doivent quelques-unes de leurs
plus belles naissances. Je crois qu’ils sont nombreux à apprécier de ne se
sentir en rien redevables de ces instants de liberté où un rêve s’éveilla en
eux et commença de transformer leur vie; si vous-mêmes êtes attentifs,
présents à l’imprévisible d’une rencontre, vous allez certainement croiser le
chemin d’un semeur de rêves. Ils sont plus nombreux que vous ne l’imaginez.
Extrait
du livre de Jacques Salomé « Contes à aimer Contes à s’aimer »
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