Il était une fois une
petite fleur de montagne qui n'avait pas d'amies.
Elle était si
petite, si modeste et si pâle qu'elle n'attirait ni le regard ni la sympathie
des autres végétaux. Elle vivait, tête baissée, comme une pénitente dans un
confessionnal.
Il faut
dire que, chez les plantes comme chez les humains, on ne s'intéresse bien aux
autres que s'ils peuvent être utiles ou s'ils ont quelque chose à offrir :
le lierre aime les arbres qui l'aident à s'élever, le gui aime la branche qui
le nourrit et le rapproche des oiseaux semeurs de graines, les fleurs aiment le
vent qui disperse leur pollen et les insectes qui les fécondent.
Mais notre petite fleur
en peine d'amitié n'avait hélas rien à offrir.
Elle enviait le parfum suave du lilas ou du muguet, l'élégance de la tulipe et de la rose, la vive couleur des jonquilles, la paresse ensommeillée des colchiques, l'aristocratie des orchidées.
Les soucis l'accablaient, les pensées ne pensaient pas à elle et, contrairement à ceux de la reine-marguerite, ses six pauvres pétales ne plaisaient même pas aux amoureux à qui elle annonçait toujours le désamour.
Les herbes des
prés, qui poussaient plus vite qu'elle, la masquaient trop rapidement aux yeux
fureteurs des abeilles pollinisatrices que son pauvre parfum et sa couleur trop
pâle n'attiraient pas et, sans leur aide, avait bien du mal à donner naissance
aux bébés-graines de sa survie.
Aussi,
année après année, pour tenter de devancer la pousse exubérante des herbes
folles, elle avait pris l'habitude de se réveiller de plus en plus tôt, et même
un jour, elle décida, au grand dam de la nature tout entière qui pensait que
cela ne se faisait pas, elle décida donc de pousser sous la neige !
Alors, quand le premier
soleil de février commença à dissiper les nuages et à fondre le blanc manteau
des basses pentes de la montagne, elle offrit aux yeux incrédules des abeilles
affamées le charme et le pollen de la première fleur de l'année.
Les humains de
la vallée, étonnés de découvrir une fleur en carême et de ravis de croire au
printemps en plein cœur de l'hiver s'intéressèrent enfin à elle et, faute
d'imagination probablement, l'appelèrent... perce-neige !
Daniel
Déjardin
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