Il était une fois, une petite fille qui fit sa
rentrée scolaire dans une nouvelle école. Les élèves l’accueillirent
chaleureusement mais non sans amusement. C’était une petite africaine au
sourire timide et aux yeux clairs charmants. Mais ce qui marqua les enfants,
c’était les cheveux de la fille : elle avait une coupe afro très spéciale et
très impressionnante. Ses cheveux étaient beaucoup plus imposants en hauteur
qu’en largeur. À la récréation, tous lui firent des commentaires. La Petite
Fille aux Cheveux Fouillis rirent de bon cœur avec les enfants qui
plaisantaient avec elle, mais était triste quand d’autres se moquèrent
méchamment. Tout le monde parlait de ses cheveux. Tous… sauf un Petit Garçon
qui n’arrêtait pas de l’observer au loin. Il ne prêta que très peu d’importance
à ses cheveux, il préférait voir son regard. Un regard magnifique, pleine de
joie, mais il y décerna également une grande émotion puissante, profondément
enfouie en elle : la tristesse.
Pendant plusieurs semaines, le Petit Garçon, trop
timide, n’osa pas lui parler. Il continuait à l’observer, fasciné. Malgré le
chagrin qu’elle cachait aux yeux de tous, la Petite Fille aux Cheveux Fouillis
restait pleine de vie et à l’apparence toujours joyeuse et sans prise de tête.
Sa joie était contagieuse. Même les professeurs n’osèrent pas la gronder quand
elle rêvassait. Elle avait un air d’insouciance et d’innocence. Toutes ces
petites choses charmèrent le Petit Garçon et, un jour, il prit son courage à
deux mains et décida de lui parler.
Le Petit Garçon s’était inquiété pour rien. Leur
première conversation s’était bien passée, même très bien passée. La Petite
Fille aux Cheveux Fouillis était de nature très curieuse et elle lui posait
pleins de questions sur sa vie. Leurs discussions étaient rapides et intenses.
Ils se répondaient du tac au tac et rigolaient aux mêmes moments. Bientôt, les
deux enfants furent inséparables.
Les jours passèrent et le Petit Garçon tenta pour la
première fois de parler du chagrin que la Petite Fille aux Cheveux Fouillis
enfouissait au fond de son cœur. Quand il aborda le sujet, elle lui répondit
tristement :
« Mes parents et moi, on vient de loin. On a
déménagé de village en village. Mais à chaque fois, il y a eu des massacres… on
est les seuls survivants. »
Choqué, le Petit Garçon resta sans voix. Il n’avait
pas du tout imaginé tout cela. Il ne savait pas quoi faire, que répondre. La
Petite Fille aux Cheveux Fouillis reprit tout à coup la parole.
« Je me sens terriblement coupable. »
Puis les larmes commencèrent à couler sur ses joues.
Sans réfléchir, le Petit Garçon l’a pris dans ses bras pour la réconforter. Ils
restèrent un long moment comme cela.
La vie reprit son cours. Les deux enfants
continuèrent à se parler à chaque récréation, et même un peu trop souvent durant
les cours. S’ils ne parlèrent plus de ce qu’a vécu la Petite Fille aux Cheveux
Fouillis, le Petit Garçon sentit qu’il y avait toujours de la tristesse en
elle, et de la culpabilité. Il songea qu’elle avait le symptôme de la
culpabilité du survivant (oui, ce petit garçon a déjà entendu parler de ce
genre de choses !). Cependant, il n’osa plus réaborder ce sujet délicat.
L’hiver arriva gentiment. Juste avant les vacances,
le Petit Garçon apprit avec grand effroi que la Petite Fille aux Cheveux
Fouillis et sa famille ne fêtaient pas Noël. Il lui donna alors rendez-vous
dans la grande cabane la veille de Noël.
Ce jour-là, le Petit Garçon arriva en avance, prêt.
Quand la Petite Fille aux Cheveux Fouillis arriva, ils commencèrent à papoter,
avec avidité comme à leurs habitudes. Puis le Petit Garçon sortit de son sac
une peluche en forme de lapin. Il la donna à la Petite Fille en lui disant :
« Il s’appelle Titi. C’est ma peluche. Quand je suis
triste, je lui fais un câlin très fort et je me sens mieux après. Je te le
donne. Joyeux Noël ! »
Très émue, la Petite Fille aux Cheveux Fouillis prit
avec soin son premier cadeau de Noël. Puis, elle aussi prit un objet de son
sac. C’était un petit flacon, mais elle ne le donna pas au Petit Garçon. Elle
lui dit :
« Je voudrais te révéler un secret. Mais tu me
promets que tu ne le dis à personne, d’accord ? Surtout pas à mes parents !
C’est très important. Et, il ne faut pas non plus que mes parents sachent que
je suis ici. Je n’ai pas le droit de sortir dehors toute seule. Tu promets que
tu ne diras rien ? »
Très sérieux, le Petit Garçon jura. Il était tout à
coup très curieux. La Petite Fille aux Cheveux Fouillis ouvrit le flacon puis
laissa tomber le liquide au-dessus de sa tête. Ses cheveux bouclés devinrent
tout à coup lisses et plats… et alors le Petit Garçon pouvait voir que quelque
chose se cachait derrière ses cheveux fouillis : elle avait deux grandes cornes
noires ! Il la regarda avec des yeux ronds. Elle, elle le regarda timidement,
attendant sa réaction. Il finit par dire, complètement sincère :
« Tu es magnifique ! »
La Petite Fille cria de joie et de soulagement. Elle
sauta sur le Petit Garçon et l’embrassa sur la joue, totalement épanouie et
heureuse. Insouciant, les deux enfants restèrent un moment dans la cabane à
discuter de choses et d’autres avant d’aller faire une promenade dehors. Cette
fois, contrairement à leurs habitudes, ils marchèrent silencieusement tout en
se regardant. Ils ne se rendirent pas compte que les rues étaient étrangement
calmes et vides. Et pour cause, les deux enfants avaient omis quelque chose
d’essentiel : ils avaient oublié de dissimuler les cornes de la Petite Fille !
Quand les gens les virent, ils prenaient la fuite ou se cachaient
précipitamment. Les enfants, eux, ne se soucièrent de rien. Ils ne se doutèrent
pas des conséquences de leur négligence. Pour eux, plus rien d’autre n’avait
d’importance que d’être ensemble, à se regarder, à s’aimer.
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