As-tu déjà rencontré une perle, une vraie de vraie?
Moi oui, et mon Dieu qu'elle était belle et plus encore parce qu'elle ne le
savait pas. Mais, croyez-moi, ça n'avait pas toujours été comme ça.
Dans un petit coin d'eau bien propre, avec un léger
courant, un mollusque coulait des heures paisibles sous un climat agréable et
un ciel dégagé. Jusqu'au jour où, sans avertir, un étranger s'introduisit dans
sa maison. Sans attendre, la coquille mit en branle son système défensif contre
cette malencontreuse intrusion.
Tout se passait bien et semblait
n'avoir eu aucune fâcheuse conséquence. Mais, un beau matin de plein soleil,
encore toute enveloppée de sommeil, la petite huître remarqua qu'il y avait
dans sa demeure quelque chose de différent, de nouveau. Un peu de nacre
commençait à se former. Jour après jour, un petit corps tout rond se creusait
un nid au coeur du mollusque qui se prit à aimer ce petit être fragile et
joufflu qu'il nomma affectueusement Perlinette. Les jours se succédaient
paisibles et heureux jusqu'à cette heure que toutes deux n'ont plus jamais
oubliée.
Il faisait beau, tout était calme, quand soudain
sans crier gare, une main vint les arracher à leur petit paradis aquatique.
Elles se retrouvèrent hors de l'eau dans une barque où un homme, avec un
terrible couteau s'acharnait à forcer la porte de leur demeure. La résistance
fut bien inutile!
Une main s'empara aussitôt de la perle et, malgré
les efforts déployés par l'huître pour l'en empêcher, son amie lui fut
brutalement enlevée. La petite perle était si belle sous les rayons du soleil.
Un arc-en-ciel luisait à sa surface lisse et satinée. Sans égard pour l'amitié
qui liait l'huître et la perle, le pêcheur rejeta la coquille à la mer. Chacune
sentit mourir un coin de son coeur mais elles n'y pouvaient rien et la vie
devait continuer.
La petite perle était bien curieuse
d'explorer ce monde si nouveau. Malgré sa tristesse et la perte de son amie, un
goût d'aventure naissait en elle, attrayant et fascinant. Le pêcheur la traita
avec égard et douceur. Elle fut bien vite vendue à un bijoutier qui la
métamorphosa en un splendide bijou. Dans la vitrine de la bijouterie elle
rayonnait, confortablement installée dans son écrin de velours. Un matin, une
dame entra et s'extasia devant cette perle splendide dotée d'un royal
arc-en-ciel. Perlinette fut bien surprise du montant que la dame était prête à
débourser pour la porter à son cou. Un insidieux sentiment d'orgueil prit
racine en son coeur.
Pour notre petite amie débuta une vie de rêve :
fêtes, soirées mondaines, concerts la ravissaient. Elle se faisait belle et
scintillait de tous ses feux. Elle capturait le moindre rayon de lumière et
répétait sans cesse : "Regardez comme je suis belle!" Son humble coin
de mer lui semblait maintenant bien fade et sans intérêt.
Les jours, les mois passèrent et imperceptiblement,
au coeur de Perlinette, le souvenir oublié d'une amitié sincère refaisait
surface. Cette vie de pacotille et brillantine, tout cet apparat de lumière et
de richesse lui parut soudain bien vide et inutile. Une solitude s'installa et
le souvenir d'une coquille au fond de la mer devint de plus en plus insistant.
Un jour, sa propriétaire se rendit à une fête
organisée sur un bateau en pleine mer. Les odeurs de sel et de varech ravivaient
la mémoire de Perlinette et le désir de retrouver son amie se fit de plus en
plus intense. À un certain moment la dame se pencha au-dessus de l'océan et
Perlinette attirée par l'appel irrésistible du monde marin tira, tira de toutes
ses forces. La chaîne se brisa enfin et Perlinette échappa de justesse à la
main qui se tendit pour la rattraper.
Le hasard faisant parfois bien les
choses, elle était tombée tout près de sa maison natale. Il y avait si
longtemps, les choses avaient changé et Perlinette erra quelque temps avant de
retrouver le chemin de son ancienne demeure. À demie enfouie sous le sable, une
coquille lui sembla familière. Elle s'approcha doucement, silencieusement.
Malgré toutes ces précautions, l'huître détecta une présence qui fit remonter
en surface des souvenirs enfouis. D'un seul coup, elle ouvrit grande la porte
faisant sursauter la petite perle. Les deux amies se reconnurent immédiatement
et s'enlacèrent affectueusement.
La suite, vous vous en doutez bien, fut une longue
suite de cris de joie, un merveilleux temps de retrouvailles. Elles en avaient
tant à se raconter! Il est des liens que rien ne peut rompre et peuvent
attendre même longtemps le moment béni où ils pourront enfin se renouer.
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