Alors que les mages étaient en route, par cette
froide nuit étoilée, vers Bethléem pour adorer le Roi Sauveur, munis, comme
chaque année, de leurs traditionnels présents – l’or, l’encens et la myrrhe –
un ange du Seigneur leur apparut pour les informer que l’Enfant ne désirait
plus recevoir ces cadeaux. Melchior, Gaspard et Balthazar furent à la fois
surpris et attristés :
Melchior : Mais pourquoi ? Mon or ne plaît-il plus à
mon Sauveur ?
Gaspard : Ni mon encens ?
Balthazar : Ni ma myrrhe ?
L’Ange : Non pas que vos cadeaux ne lui plaisent
plus, mais il en a assez reçu et demande à ce qu’ils soient offerts, cette
fois-ci, à ceux qui en auront besoin. Le meilleur cadeau que vous puissiez lui
faire, c’est d’offrir vos présents aux plus petits de ses frères.
Gaspard : Mais il fallait nous prévenir à l’avance !
Nous sommes en route et nous ne pouvons retourner en ville pour faire don de
ces cadeaux ! Il est tard et nous ne voulons pas rater ce merveilleux
rendez-vous annuel !
L’Ange : Désolé, je n’y peux rien. Vous êtes les
bienvenus à la crèche sans cadeaux.
Et l’Ange disparut. Les mages étaient fort
perplexes, ne sachant que faire de ces présents. Ils ne pouvaient balancer des
cadeaux si précieux dans la nature ! Ils décidèrent, toutefois, de poursuivre
leur chemin en se fiant à leur bonne étoile. Tout comme la nuit, la marche
porte conseil, se dirent-ils. Au lieu de prendre le raccourci habituel, ils
firent un détour pour prolonger leur temps de réflexion.
Et voici qu’en cheminant, ils tombèrent sur un
voyageur en détresse, victime d’une malencontreuse chute qui lui avait causé
une blessure profonde. Ils étaient tout interdits, ne sachant que faire,
lorsque Melchior eut l’idée de proposer à Balthazar de verser sa myrrhe sur la
plaie du blessé.
Balthazar : Tiens ! Quelle bonne idée ! Et dire que
j’étais sur le point d’arroser les plantes avec !
Et il embauma avec soin, de sa précieuse résine, la
blessure qui se referma plus vite que prévu. Les mages étaient autant soulagés
que le blessé du bon usage de ce cadeau. Le voyageur les remercia
chaleureusement et poursuivit son chemin, en rendant grâce à Dieu.
Les trois se remirent en route et, pendant qu’ils
traversaient un endroit brumeux et obscur, virent surgir un désespéré qui se
mit à hurler à leur endroit, les accusant d’être des démons. Les mages furent
saisis de frayeur et leurs montures s’agitèrent dangereusement. Armé de foi et
de sang-froid, Balthazar demanda à Gaspard de brûler au plus vite son encens et
d’agiter son encensoir en direction du forcené. « Il est loin de Dieu ! Parfume-le de Sa présence ! » S’écria-t-il. Et Gaspard
de s’exécuter illico presto, trouvant l’idée tout aussi géniale. Enfumé par
l’encens, le malheureux s’apaisa, et ses traits se détendirent pour afficher un
sourire. De malheureux, il était devenu, comme par miracle, heureux, les salua
fraternellement et poursuivit son chemin, désormais illuminé. Heureux à leur
tour d’avoir fait un converti par ce cadeau, les mages poursuivirent leur
voyage. Il ne leur restait plus qu’un cadeau à faire… auquel Melchior tenait
fermement, espérant ne pas avoir à s’en défaire de sitôt.
Mais, pour sa malchance, ils rencontrèrent en chemin
une famille misérable, vivant dans une hutte délabrée, grelottant de froid dans
cette nuit chaleureuse. Les mômes avaient, cependant, des yeux aussi brillants
que l’or… de Melchior. La mère et le père ressemblaient, à s’y méprendre, aux
parents de l’Enfant qu’ils allaient adorer. Gaspard lorgna du côté de Melchior,
qui frémit :
Melchior : Ah ! Ne me demande pas de leur offrir mon
or ! Cela dépasse, et de loin, leurs besoins ! Nous pouvons leur donner
volontiers de nos vêtements et de notre nourriture, mais l’or aussi ?
Gaspard : Tu sais bien que nous ne pouvons garder
cet or, qu’il nous faut arriver les mains vides ! Quoi de mieux que cette
opportunité ? Cette famille, si sainte, saura le partager. La mère tombe du
ciel et le père est appelé à y monter.
Rendu à l’évidence et à l’Espérance, Melchior céda
son précieux trésor. Et les trois offrirent ce qui était, en la circonstance,
plus précieux et vital encore: des vêtements, des couvertures et de la
nourriture.
Après avoir laissé ce reflet de la Sainte Famille,
ils remontèrent, allègrement, vers la source. Arrivés sur les lieux saints, ils
furent agréablement surpris par l’accueil qui leur était réservé, contre toute
attente. Eux qui étaient gênés à l’idée de débarquer les mains vides, ils n’en
revenaient pas. C’est comme s’ils apportaient avec eux des présents
inestimables ! La Sainte Famille était plus enchantée que jamais de les
recevoir… et surtout l’Enfant, qui leur faisait un signe lumineux de sa petite
main. Joseph et Marie, rayonnants, les invitèrent à s’approcher encore plus de
la mangeoire pour adorer l’Enfant de tout près. Les bergers, leurs moutons,
l’âne et le bœuf se pressèrent affectueusement contre eux. Ils étaient reçus
comme des rois ! Quant à l’Ange, perché au haut de la crèche, il contemplait la
scène avec fierté. Les mages reconnurent le messager qui leur était apparu en
chemin. Ils comprirent, par son air entendu, qu’ils avaient fait de leurs
présents le meilleur usage. Comme le souhaitait l’Enfant.
R.B.
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