“Il y eut un soir, il y eut un matin.
Et Dieu vit que cela était très bon.”
Parmi les innombrables merveilles grandes et petites jaillies de son
coeur; il y en avait une qui faisait briller tout particulièrement le regard de
Dieu. Minuscule ou immense, trouble ou cristalline, faible ou puissante, elle
chantait sur toute l’étendue de la planète la joie de son Créateur. Dame l’eau,
vous l’avez certes reconnue, avait établi sa demeure dans les moindres replis
du sol. Chaude et rafraîchissante au brillant soleil des tropiques ou glissante
et frissonnante sous l’aurore boréale de l’Arctique, elle avait construit sa
maison. Bien adaptée au terrain qui l’avait accueillie, elle faisait la joie
des alentours.
Il y avait entre autre la source, le ruisseau, le
lac et la rivière.
La petite source coulait à l’orée d’un petit
village. Les femmes venaient chaque matin puiser le précieux liquide
indispensable à leurs tâches quotidiennes. Les habitants des bois, du moineau à
l’ours, connaissaient aussi très bien l’endroit.
Le gai ruisseau poursuivait sa course folle à
travers bois et vallées tout en irriguant au passage les champs et les jardins.
Il savait même garder son calme pour réfléchir le visage réjouie d’une jeune
amoureuse..
Le lac était gentiment niché au creux d’une
magnifique montagne aux neiges éternelles. Des familles avaient construit leur
maisons tout autour de son miroir et de partout on venait s’y reposer. Sa
légendaire beauté invitait les poètes et les peintres à oser les rêves les plus
fous.
La puissante rivière portait fièrement les bateaux
et leur chargement à bon port et accueillait avec joie les pêcheurs les
conduisant vers des courants fourmillant de poissons.
Et c’est ainsi qu’un beau mardi matin, la source, le
ruisseau, le lac et la rivière reçurent chacun et chacune une invitation. La
missive se lisait ainsi: “Je t’attends aux premières lueurs du jour, dimanche,
chez moi.” signé ton Père. Quelle surprise et quelle joie! La semaine parut
bien plus longue qu’à l’accoutumée mais elle s’acheva pourtant comme toutes les
autres et le jour tant attendu arriva. Chacun et chacune avait revêtu ses plus
belles couleurs et préparé sa plus belle chanson.
L’accueil du Créateur fut amoureusement chaleureux
mais il y avait dans l’air un brin de timidité et de crainte devant l’inconnu,
la différence de l’autre. On craignait un peu de ne pas être à la hauteur. Dieu
qui se rendait bien compte du malaise entreprit de faire lui-même les
présentations et demanda à chaque invité de partager un peu de son vécu et de
ses rêves. Quelle découverte! Jamais la
source n’aurait pu imaginer la force de la rivière. La rivière demeura bouche bée devant les
richesses du lac. Le lac à son tour n’en revenait pas de la joie exubérante du
ruisseau et le ruisseau ne tarissait pas d’éloge devant la sagesse de la
source. Chaque créature s’émerveillait de la beauté de l’autre. Ensemble ils se
découvraient différents oui mais aussi combien semblables.
Et puis Dieu voyant qu’un climat de confiance
régnait, donna aussi la chance à qui le voulait bien, de partager ses craintes
et ses mésaventures. Au début, il y eut un long silence et puis la source se
lança et les autres suivirent. Chacun et chacune se reconnaissait si bien dans
les malheurs de l’autre. Au fond, ils se rendaient bien compte que les rêves
étaient les même, que partout il y avait des jours de plein soleil et des
orages parfois bien violents mais que chacun faisait de son mieux avec beaucoup d’amour et c’est ça qui était
important.
Les heures passèrent trop vite bien trop vite et le
coucher du soleil annonça la fin de la rencontre. À l’heure des “au revoir”
chacun et chacune s’aperçut qu’ils avaient noué des liens si forts et si doux
que plus jamais rien ne saurait les séparer. Leur partage fraternel avait fait
éclater les frontières de leur petit monde. Ils avaient découvert au fond d’eux-
mêmes un jardin caché, où ils pourraient toujours se retrouver; un lieu de
communion immense comme la mer et profond comme l’abîme où au-delà de leur
diversité la présence même de leur Père les rejoindrait toujours et les
rendaient frères et soeurs, une même famille pour l’éternité.
Le coeur vibrant d’un arc-en-ciel d’Alléluia, plus
grands et plus riches de la solidarité qu’ils avaient commencé à construire,
ils prirent le chemin du retour; tout à la joie de vivre la mission que le Père
leur avait confié “sous son regard dans l’Amour.”
Monique Bigras MIC