LA PARABOLE DU RICHE INSENSÉ.
Du milieu de
la foule, un homme demanda à Jésus : " Maître, dis à mon frère de partager
avec moi notre héritage. " Jésus lui répondit : " Qui m'a établi pour
être votre juge ou pour faire vos partages ?" Puis, s'adressant à la foule
: " Gardez-vous bien de toute âpreté au gain ; car la vie d'un homme,
fût-il dans l'abondance, ne dépend pas de ses richesses. " Et il leur dit
cette parabole : " Il y avait un homme riche dont les terres avaient
beaucoup rapporté. Il se demandait : Que vais-je faire? Je ne sais pas où
mettre ma récolte. Puis il se dit : Voici ce que je vais faire : je vais
démolir mes greniers, j'en construirai de plus grands et j'y entasserai tout
mon blé et tout ce que je possède. Alors je me dirai à moi-même : Te voilà avec
des réserves en abondance pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois,
jouis de l'existence. Mais Dieu lui dit : Tu est fou : cette nuit même, on te
redemande ta vie. Et tout ce que tu auras mis de côté, qui l'aura ?" Voilà
ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d'être riche en vue de
Dieu.
Accumuler pour rien
Par Daniel Cadrin,
o.p.
L’évangile de ce dimanche offre une réflexion de sagesse sur
nos rapports aux biens. C’est une question qui est bien développée en Luc. Dans
son Évangile et dans les Actes, il souligne de diverses manières l’importance
du partage des biens et de vivre l’aujourd’hui de la grâce de Dieu.
Le texte comprend un dialogue, puis une parabole. Un homme
demande à Jésus de régler une affaire de famille : un conflit à propos
d’un héritage. Jésus refuse de jouer un rôle de légiste, de servir d’arbitre
dans ce litige. Son apport n’est pas de cet ordre. Il propose plutôt une
perspective sur l’enjeu de fonds. L’abondance de biens n’assure pas la vie et
le bonheur. Jésus appelle à voir autrement, à demeurer vigilants dans notre
quête matérielle.
La parabole explicite son propos. Elle présente un homme qui
a réussi mais qui entre tout-à-fait dans une logique d’accumulation et de
sécurité afin de mieux profiter de la vie. Tout est centré sur lui-même :
on peut noter dans ses paroles l’omniprésence du je, me, moi, mon, mes… Autrui
est complètement absent de son horizon, ainsi que Dieu, source de tous les
biens. Il a fait de lui-même son propre trésor, et tout cela pour rien, car la
mort l’emporte et il perd tout.
Jésus le traite d’insensé : voici une manière de penser
et de vivre qui n’a pas de sens. Elle ne prend pas en compte la précarité et
des biens et de notre existence. Elle place l’essentiel de la vie dans
l’acquisition de biens et non dans les relations, le vrai trésor qui demeure.
On ne peut vivre un détachement des biens, libéré de l’appât
du gain, sans vivre d’abord un attachement premier. C’est à cause de celui-ci,
de ce qui est vraiment important pour nous, qu’on peut alors être plus libre
face à d’autres réalités. Ce trésor, dans l’évangile, est lié à l’amour de Dieu
et du prochain et à la bonté de la création. Les biens sont bons, ils ne sont
pas à rejeter, mais, comme Luc le souligne dans son œuvre, ils sont faits pour
être partagés et non possédés de façon exclusive.
En écoutant l’homme de cette parabole, on a l’impression
d’entendre une publicité dans un média. Je veux ceci, je l’aurai, j’assure ma
sécurité, tout est prévu, je profiterai de la vie, etc. En fait, plusieurs
publicités ressemblent étrangement à cette parabole mais dans un sens contraire
à celui de l’évangile et des valeurs qu’il propose. Elles prennent le point de
vue de l’homme riche. Insensés ! nous dirait Jésus. Réveillez-vous.
Qu’est-ce qui est vraiment important dans vos vies ? Quel projet vous
habite ? Pour qui ?
La vigilance à laquelle Jésus nous appelle ne demande pas de
faire l’impossible. Il s'agit de changer le regard, de porter attention à ce
qui inspire nos vies, à ce qui leur donne une qualité. Et de ne pas nous
laisser embarquer dans ce qui n’est pas un vrai trésor.
Quelle quête dans ma vie me semble insensée? Dans la vie de
mon milieu ?
Quel est mon vrai trésor ? Qu'est-ce qui compte pour
moi ?
Comment pourrais-je devenir un peu plus libre ?
Oeuvre de Eugène Burnand, Les Paraboles, Paris,
Berger-Levrault, 1908 Image
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