lundi 15 janvier 2018

L'ETRANGER

Quand il vint au village, personne ne fit attention à lui. Il y avait tant et tant d'étrangers qui descendaient des pâturages, qu'on ne faisait plus que détourner le regard quand il en passait un. Pourtant, celui-ci, il avait quelque chose de différent. Oh ! bien sûr, comme tout le monde il portait son costume de travail ; un long manteau lui descendait jusqu'aux pieds et, si l'on regardait de près, l'homme ne devait pas être très propre ou pas très bien rasé ! Une chose était sûre, il n'était pas riche du tout. D'ailleurs, vous avez déjà vu un vrai étranger riche ?

Il portait un petit sac dans lequel se trouvaient son pain et son fromage et un litre de vin aussi !

Il avait dû gagner sa nourriture en travaillant quelques heures chez un fermier des environs.

Il y avait pourtant chez lui quelque chose de différent, quelque chose d'étrange, à la fois un peu effrayant et attirant. Il n'aurait pas fallu grand- chose pour courir vers lui, pour lui serrer la main ! Il n'aurait pas fallu grand-chose pour qu'on l'invite à partager le repas du soir. Son visage rayonnait d'une sorte de joie, joie mystérieuse et grave, joie dont on aurait cru qu'il voulait la partager avec d'autres. Et puis, il y avait ses mains, elles paraissaient animées d'une vitalité extraordinaire. Sitôt que quelqu'un croisait son chemin, il faisait un grand signe de la main, même si son signe restait sans réponse... Jamais, il ne paraissait découragé, toujours il criait : " Bonjour " aux passants et faisait un grand signe de la main.

Au village, même si chacun avait remarqué en lui ce quelque chose de sympathique, personne ne lui avait parlé, personne n'avait fait signe de la main. " Chez nous, chacun est bien trop occupé par son travail. On n'en sort déjà pas comme ça, alors, s'il fallait dire bonjour à tous les étrangers qui passent... ! "

Chez nous, au village, on vivait heureux ! Les uns cultivaient leur petit lopin de terre, les autres travaillaient dans un bureau, beaucoup construisaient de belles maisons de toutes les couleurs : des magasins, des cinémas, des habitations, des rues, des tas de choses qui étaient utiles à tout le monde. Les enfants allaient à l'école comme partout ailleurs et, les jours de congé, une magnifique plaine de jeux les accueillait. Dans ce parc, tout respirait le bonheur.

Les magasins étaient remplis de produits, mêmes rares, pas chers du tout ! Chez nous, la faim n'existait pas ! En outre, ayant beaucoup de pelouses et d'arbres dans notre village, nous refusions la pollution et les usines salissantes. Nous avons voulu un village bien propre, bien beau où nous nous sentons vraiment à l'aise, vraiment chez nous.

Dans ces conditions, c'est clair qu'on n'avait pas le temps de s'occuper de l'étranger. Lui, pendant que tout le monde s'activait et travaillait d'arrache-pied, il ne faisait rien, il regardait.
C'était un étranger curieux ! Pendant plusieurs jours, il nous a observés, passionné par ce que nous faisions, se faisant expliquer comment on construisait les routes, pourquoi on construisait un stade sportif. Il admirait les outils du charpentier, du maçon ; il s'émerveillait devant les étalages des commerçants et n'avait d'yeux que pour les gens du village. C'est alors que se produisit un événement que personne n'oubliera jamais, car depuis lors, la vie des villageois fut transformée. Ca s'est passé pendant une nuit ; ça devait être au mois de mai, ça devait être...

A l'entrée du village, plus de clôtures ou de murs, mais partout de grandes plaques où l'on avait écrit en très grand " Bienvenue à toi ! " Devant chaque maison, l'étranger avait fait placer des pancartes avec des phrases comme celles-ci :

- Ici habite le charpentier, il aime son métier et travaille bien.

- Mon pain est bien fabriqué, il y en a pour tous.

- Si vous n'avez pas de toit, je construis de belles maisons.

- Si vous voulez parler à quelqu'un, moi je suis là pour vous écouter.

Ainsi l'étranger avait observé tous les habitants et pour chacun, il avait trouvé des talents. Il avait mis le temps, mais il avait trouvé pour chacun ce qu'il fallait.

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