lundi 23 juillet 2018

Le conte du petit Tatou : par Joyce


Il était une fois un petit tatou qui vivait au beau milieu de la forêt. Son terrier était installé sous un grand et magnifique arbre et, tout autour, plantes et arbustes fournissaient facilement de quoi se nourrir. Mais le petit tatou était malheureux.
" Que me manque-t-il pour être heureux ?" se demandait-il souvent.
Un jour qu’il se lamentait ainsi sur son sort, il entendit la voix du héron bleu. Le bruit courait dans la jungle que cet oiseau connaissait le secret des dieux, le secret du bonheur.
- Tu manques de quelque chose petit tatou ?
- Vas-tu me dire ton secret ? " répondit-il intrigué.
Le bel oiseau secoua la tête.
- Tu n’es pas prêt à l’entendre.
Le petit tatou déçu continua à se lamenter :
- De toute façon, je n’ai jamais ce que je veux. Personne ne m’aime. Si au moins j’étais beau, mais mes écailles sont toutes petites comparées à celles des autres tatous. Je n’ai vraiment pas de chance…Ah ! Si seulement j’avais… un manteau de fleurs. Cela m’irait tellement bien. 
Alors le petit tatou se mit à travailler dur, très dur. Il passa des journées entières au boulot pour s’offrir ce précieux manteau.
Alors il le revêtit, il se sentit très fier de sa belle parure.
Le lendemain son enthousiasme avait un peu baissé. Trois jours plus tard, il n’y pensait même plus. Il se retrouva, là, devant son terrier, et se lamenta.
- Que me manque-t-il pour être heureux ?
Et il entendit la voix du héron bleu, qui murmurait :
- Tu manques de quelque chose, petit tatou ?
- Vas-tu me dire le secret des dieux ? demanda-t-il.
- Tu n’es pas prêt, répondit l’oiseau.
Vexé, le petit tatou rentra dans son terrier. Qu’il était sombre, qu’il était inconfortable et froid. Alors le tatou se mit à rêver de confort. Il se mit à désirer un tapis de mousse dans laquelle il pourrait se blottir.
Mais la mousse était rare. Alors il passa des journées entières à en cueillir ça et là pour la
rapporter chez lui et reconstituer un grand tapis recouvrant le sol.
Les premiers temps il apprécia son nouveau confort, puis il s’y habitua et n’y fit plus attention.
Beaucoup d’animaux lui enviaient son manteau de fleurs et son tapis de mousse, mais lui ne se sentait pas pour autant aimé. Il se mit à avoir peur de se les faire voler.
- Que me manque-t-il pour être heureux ? se lamenta-t-il, un soir de désespoir.
Et le héron bleu, du haut de sa branche, lui dit :
- Tu manques de quelque chose petit tatou ?
- Tu ne veux toujours pas me confier ton secret ? murmura-t-il.
Le bel oiseau se pencha vers lui.
- Es-tu prêt à abandonner ton manteau et ton tapis pour connaître ce secret ?
- Abandonner mes biens ? s’écria le tatou. Je me suis donné trop de mal pour les avoir…
- Tu t’es donné du mal ? S’étonna le héron. Alors pourquoi n’y renonces-tu pas pour recevoir du bien ?
Le tatou haussa les épaules et rentra dans son terrier. Personne ne le comprenait. Personne ne le respectait. Si seulement… Si seulement il parvenait à en imposer un peu plus, à montrer sa valeur aux yeux de tous…Alors, là, peut-être le respecterait-on. Soudain, une idée lui traversa l’esprit. Il se précipita dehors et rejoignit le ruisseau qu'il suivit sur des kilomètres, à la recherche des plus beaux cailloux cachés au fond de la rivière et de magnifiques branches de manguier, un arbre rare dans la région. Avec tout cela, il aménagea la sortie de son terrier. Il en fit un espace magnifique et imposant que tout le monde pouvait admirer en passant. Nul terrier n’était plus grandiose que le sien.
Pendant quelque temps le tatou se sentit plus important. Mais au fond de lui il était toujours aussi malheureux. Un jour qu'il se lamentait sur son sort, il entendit la voix du héron et leva les yeux vers lui.
- Tu croix manquer encore de quelque chose, petit tatou ?
Le tatou ne savait plus quoi penser. Il se rendait compte que tous ses efforts n’avaient pas changé grand-chose.
- Veux-tu connaître le secret des dieux ? demanda l’oiseau. Es-tu prêt à te défaire de tout ce que tu possèdes pour recevoir ce secret ?
Le petit tatou resta un long moment silencieux, Puis, sachant sa situation désespérée, il finit
par acquiescer lentement. Alors le héron sauta de sa branche et, d’un coup d’ailes, vint se poser près de lui.
- Même quand tu n’as rien, petit tatou, tu disposes d’un trésor extraordinaire, un trésor d’une valeur inouïe. La vie. Et la vie, petit, elle aime celui qui aime et elle oublie ceux qui oublient d’aimer.
Elle aime celui qui aime…, répéta le tatou, songeur. Mais qui aime… quoi ?
L’oiseau bleu sourit.
- Rappelle-toi : n’est-ce pas l’amour qui est à l’origine de ta propre vie ? L’amour, petit, est l’essence de la vie. Sans amour, il n’y a pas de vie.
- Mais quel est le rapport avec ma situation ?
- Si tu poses ton regard sur la beauté du monde, l’amour que tu ressentiras illuminera ta vie.
Le petit tatou fronça les sourcils.
- Où la trouverai-je, la beauté du monde ? Où se cache-t-elle ?
- Tu ne la vois pas car tu as perdu l’habitude de la regarder, mais elle est là, en ce moment, tout autour de toi.
Le tatou surpris, se retourna et scruta les alentours.
- Où ça ?
- Dans la goutte de pluie qui s’attarde sur une feuille, dans la coccinelle qui grimpe le long d’un brin d’herbe, dans les nuages cotonneux et le tronc sculpté des arbres, dans le parfum d’une fleur ou le chant d’un oiseau, dans la douceur de l’air que tu respires et la lumière qui te baigne, dans la pulpe d’un fruit charnu et le son cristallin de l’eau, dans les yeux des animaux et dans ceux des hommes, dans les rides des vieillards et les rires des enfants. La beauté est partout et tu ne la vois pas, occupé que tu es à courir après des illusions.
Le petit tatou resta un long moment silencieux, interpellé par ces paroles. Puis il s’apprêta à réunir ses possessions et tenir ainsi sa promesse.
- Tu peux les laisser où elles sont, dit alors le héron, maintenant que tu sais qu’elles ne valent rien…
Le petit tatou se tourna vers lui. Le héron reprit :
- Souviens-toi : le secret, c’est d’aimer. Aime ta vie sans rien désirer que tu n’aies déjà et tu goûteras la sérénité des dieux. Et si de plus tu parviens à aimer tout ce qui est autour de toi, à t’aimer toi-même et à aimer tous ceux que tu vois, alors non seulement tu goûteras la sérénité des dieux, mais aussi tu partageras leur extase.
Le bel oiseau bleu prit son envol, et en quelques battements d’ailes disparut dans le ciel.
Conte du petit tatou avec quelques raccourcis tiré du roman de Laurent Gounelle :
Le philosophe qui n'était pas sage.
Un joli conte pour commencer la semaine, n'est-ce pas ?
Très belle semaine à vous !

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