Juliette, assise au salon sur les
genoux de son père, regardait les images d'un bien beau livre. À chaque
nouvelle page se trouvait la photo d'une fleur merveilleuse, comme on en voit
dans les pays lointains.
-Et celle-ci, dit-il en montrant une
des plus belles, possède quatre pétales jaunes et un centre noir, doux comme du
velours. On l'appelle là-bas, la fleur Juliette. Elle a le même nom que toi.
-Elle est très jolie. Je vais aller
en cueillir une pour toi, papa.
-Tu n'en trouveras pas, mon trésor,
car cette fleur ne pousse pas dans nos villages.
Notre amie monta à sa chambre. Elle
pensait à la fleur qui porte son nom. Dehors, le soleil illuminait le ciel bleu
et le printemps colorait le jardin de vert, de jaune et de bleu.
-J'aimerais aller chercher une fleur
Juliette, lança tout haut la fillette vers les oiseaux qui chantaient dans la
haie au fond du jardin. Je l'offrirais à mon papa.
Quelques minutes plus tard, on
frappa à la fenêtre de notre amie.
-Toc, toc, toc.
Elle courut voir. Un pic vert! Posé
sur l'appui de fenêtre, il martelait la vitre avec son bec pointu.
-Tu veux aller cueillir une fleur
Juliette, paraît-il ? Viens avec moi. Je vais te conduire chez un ami qui
pourra te mener vers un jardin où on en trouve.
La fillette fit un grand sourire. Le
temps de mettre ses petites chaussures de toile blanche, elle courut dans
l'escalier, ouvrit la porte de la cuisine et entra au jardin. Elle suivit
l'oiseau.
Le pic vert s'arrêta près de la
barrière en bois, au fond de la prairie aux fleurs. Un papillon jaune à lignes
bleues, posé sur un coquelicot rouge attendait.
-Suis-le, dit l'oiseau.
-Merci, fit Juliette en
souriant. À tantôt.
Le papillon ne volait pas droit. Il allait de gauche à droite, au gré du vent, sous la lumière du soleil. Parfois il se posait un instant sur une fleur, parfois sur une autre.
Le papillon ne volait pas droit. Il allait de gauche à droite, au gré du vent, sous la lumière du soleil. Parfois il se posait un instant sur une fleur, parfois sur une autre.
Notre amie marchait derrière lui,
allant elle aussi en zigzag, mais toujours plus loin le long de la lisière du
bois.
Tout à coup, elle entendit l'appel
d'un coucou. Cela venait d'un grand arbre, au coin de la forêt.
Le papillon s'approcha, toujours en
voltigeant, et en fit deux fois le tour. Puis il disparut.
Le coucou s'envola, quittant sa
branche, et se plaça près de la fillette un instant, comme pour lui dire :
-Viens avec moi. Je t'emmène vers la
fleur que tu cherches.
Notre amie accompagna l'oiseau. Elle
ne le voyait plus, mais elle entendait son cri.
-Coucou, coucou, coucou...
Il le répétait sans cesse en
s'enfonçant toujours plus loin vers le milieu des bois.
Juliette marchait à travers tout
pour le suivre sans le perdre.
Elle traversa un massif de fougères,
toutes plus hautes qu'elle. Parfois les picots des ronces la griffaient. Deux
fois elle passa à travers une toile d'araignée. Ses petites sandales blanches
se tachaient de plus en plus de boue.
Enfin, la petite fille arriva dans
une clairière. À cet endroit, elle ne vit plus aucun arbre. L'herbe était
assez haute, verte et douce. Le soleil brillait.
Un grand cerf se dressa.
-Je t'attendais, dit-il. Tu veux aller cueillir une fleur Juliette paraît-il?
-Oui.
-Monte sur mon dos.
Notre amie avait un peu peur du
grand cerf, mais il tourna la tête. Elle vit des doux yeux bruns qui semblaient
lui dire : fais-moi confiance.
Elle se hissa sur son dos.
-Tiens-toi bien à mes bois.
Le grand cerf se leva puis partit
vers le cœur de la forêt. Il bondissait au-dessus des ronces et des fougères.
Il traversa deux petites rivières, éclaboussant la fillette de perles d'eau qui
brillaient dans la lumière.
Enfin, il s'arrêta devant une
clôture de fil de fer barbelé.
-Descends, dit-il. Nous sommes
arrivés. Je t'attends ici. Tu vois ce vieux château ? C'est là que tu dois
aller. À tantôt. Je te reconduirai chez toi.
Juliette s'approcha de l'habitation
en ruine. Elle semblait un peu sinistre et lui faisait peur à cause des
fenêtres sans vitres où pendaient des rideaux déchirés. Le toit était en partie
effondré. Des grosses pierres grises, tombées de vieux murs à moitié écroulés,
jonchaient le sol envahi de ronces et d'orties.
Notre amie passa une porte grande
ouverte. Elle entra. Elle s'arrêta un instant devant un escalier en bois,
couvert de poussière. Il menait à l'étage.
Elle entendit un hululement qui la
fit sursauter.
-Ouh, ouh, ouh...
Un vieil hibou s'approcha.
-Que fais-tu là, petite fille?
-Je cherche une fleur Juliette pour
l'offrir à mon papa. Les animaux qui m'ont conduite ici me disent que je vais
en trouver.
-Elles poussent au fond du jardin,
derrière le château, dit le hibou. Tu en verras quelques-unes.
Juliette traversa l'habitation,
marchant dans la poussière ou les morceaux de peinture écaillée. Elle passa par
un salon dont les fauteuils déchirés montraient leurs ressorts, puis une salle
à manger aux meubles tout cassés et enfin, une affreuse cuisine où pendaient
des toiles d'araignées.
Ces pièces sombres ne sentaient pas
bon. Notre amie sortit du triste logis et entra dans un jardin tout à fait à
l'abandon.
Elle y vit de nombreuses jolies
fleurs. Elles poussaient un peu partout et n'importe comment, mais elle ne
trouva pas celle qu'elle cherchait.
-Je ne la vois pas, lança-t-elle
bien fort.
-Je t'ai dit : au fond du jardin,
répondit le vieil hibou qui regardait par la fenêtre ronde du grenier. Avance
encore. Va près du vieux mur. Tu en trouveras.
Quelle aventure!
Notre amie dut grimper sur des
grosses pierres grises qui s'enfonçaient dans la boue. Elle salit encore plus
ses petites sandales blanches. Tant pis...
Enfin elle aperçut une fleur
Juliette. Elle poussait entre les roseaux qui entouraient une mare d'eau
douteuse. Des grenouilles coassaient en sautant sur des nénuphars verts. On les
entendait chanter.
Notre amie cueillit la fleur aux
quatre pétales jaunes et au centre noir, doux comme du velours, puis elle
revint sur ses pas.
Elle retraversa le château en ruine
et remercia en passant le vieil hibou. Puis elle retrouva le grand cerf qui
l'attendait, et monta sur son dos. Il conduisit la fillette jusqu'à la
clairière.
Le coucou chantait sur une branche
d'arbre.
-Coucou, coucou, coucou...
Il mena Juliette jusqu'à la prairie
où se tenait le papillon jaune à lignes bleues. Il guettait l'arrivée de notre
amie en patientant sur une fleur rouge.
Il vola jusqu'à la barrière située
au fond de son jardin. La fillette ouvrit puis fit un grand signe de la main
pour remercier tous ses gentils amis qui l'avaient accompagnée dans son
aventure. Seul, le pic vert ne se montra plus.
Juliette entra dans la maison et
courut vers son père qui lisait au salon. Bastien, le petit frère de notre
amie, jouait avec ses blocs, assis dans son parc.
-Papa !
-Oui, ma chérie.
-Voici une fleur Juliette. Je l'ai
cueillie pour toi.
-Quelle merveille, mon trésor.
Comment l'as-tu trouvée ?
-Des animaux m'ont conduite jusqu'à
elle. Un pic vert, un papillon, un coucou, un grand cerf puis un hibou.
Papa prit sa petite fille sur ses
genoux, puis il lui fit un grand et long câlin.
-Ma fleur préférée, c'est toi,
dit-il.
Et Juliette souriait.
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