dimanche 2 septembre 2018

CONTE D’UN JOUR : TITA L’ENFANT QUI SEMAIT À TOUT VENT


Un jour, dans une lointaine contrée, naquit la princesse Tita. Ses parents voulurent en faire une princesse modèle et lui offrirent tout ce qu’il est de plus beau et de plus précieux. Des mets les plus délicieux aux vêtements les plus somptueux en passant par les meilleurs professeurs du royaume qui lui prodiguèrent une éducation exemplaire. Cette enfant couverte d’or n’avait plus rien à attendre de l’existence qui l’avait tant gâtée.
Arrivée à la majorité, la jeune Tita voulut sortit de sa prison dorée et supplia ses parents de partir à l’aventure découvrir le monde. Une princesse n’abandonne pas son royaume. Le couple royal s’opposa fermement à cette folle envie. Mais la princesse Tita ne pouvait réprimer sa curiosité. Elle insista tant et plus jusqu’à ce qu’un jour, la nuit venue, elle fit arnacher deux beaux chevaux princiers qu’elle chargea d’or, de vivres et d’étoffes précieuses avant de s’échapper à pas de loup du palais.

Elle partit ainsi sur les chemins, de village en village, demandant l’hospitalité qu’on lui accordait volontiers, bien que l’on lise dans les regards une surprise non dissimulée à la vue d’une princesse ainsi livrée à elle- même sans protection. À chaque arrêt la princesse remerciait ses hôtes grassement en leur offrant de l’or, de l’encens des habits somptueux.
Au bout de deux mois, elle atteignit une ferme à l’autre bout du royaume. Lorsque vint le moment de quitter les lieux, elle s’aperçut qu’elle n’avait plus rien à offrir. Elle proposa donc au fermier l’un de ses deux chevaux en gage de reconnaissance. Malheureusement, les deux étalons étaient frères et il lui fut impossible de les séparer. La princesse abandonna donc sa monture au fermier et s’apprêtât à repartir vêtue d’une simple robe de lin avec pour seul moyen de locomotion, ses deux jambes et ses deux pieds… Devant tant de générosité, le fermier ne put laisser la jeune femme reprendre sa route sans rien. Il lui offrit un petit sac rempli de graines.
– MERCI, DIT TITA. À QUOI VONT DONC ME SERVIR CES GRAINES MAINTENANT QUE J’AI PERDU LA TRACE DU PALAIS ET QUE JE N’AI PLUS AUCUN BIEN. – SÈME ET TU VERRAS, RÉPONDIT LE JEUNE AGRICULTEUR.
Alors la princesse poursuivit son chemin. Plus personne ne l’identifiait comme une princesse et elle dut travailler pour pouvoir se nourrir et demander le logis dans les fermes alentours. Malgré tout, à chaque endroit, pour remercier ses hôtes, elle semait l’une des graines offertes par le fermier. Lorsqu’on lui demandait ce qu’elle faisait, Tita répondait qu’elle honorait sa parole. On lui avait demandé de semer ces graines, elle tenait son engagement.- Mais comment veux-tu t’enrichir, pauvre misérable, si le peu que tu as, tu le sèmes à tout vent ! Maugréaient les paysans. A cela Tita ne répondait pas et, dans un grand éclat de rire, s’en allait vers d’autres contrées une fois la semence en terre. L’hiver fut vite venu, et il ne restait plus qu’une graine en poche à la jeune femme. Plus aucun fermier ne voulait l’accueillir, le travail de la terre étant en sommeil pendant les froids. Tita commença à avoir froid, et à se demander quelle folie l’avait poussée à abandonner son palais. Ses pieds nus se craquelaient, elle n’avait plus rien à manger. Dans ses rêves, ses regrets se mettaient en scène.
Elle finit par trouver une grotte à flanc de montagne où s’abriter et n’ayant d’autre ressource ni d’autre lien au monde que sa petite graine, elle décida de la planter à l’entrée du refuge, dans un recoin abrité, avec l’espoir que, peut-être, il en naisse quelques fruits. Cette graine était sa seule chance et elle ignorait ce qui pouvait en sortir. A sa grande surprise, au bout de quelques jours à peine, une magnifique plante commença à germer. Tita n’en avait jamais vues de telles auparavant. Au bout d’une semaine, la plante offrit un gros kaki gorgé de nutriments et de sucre, ce qui combla la jeune princesse de joie. Sept jours encore s’écoulèrent et la plante donna trois pommes de terre et l’hiver passa ainsi sans que la jeune femme ait à se soucier de se nourrir.
Le printemps venu, son premier réflexe fut de retrouver le fermier qui lui avait offert ces graines magiques. Quelle ne fut pas sa surprise, en rebroussant chemin, de trouver en chaque endroit où elle avait, après un dur labeur, semé une graine, des habitants heureux et comblés car l’arbre qui en était sorti leur avait apporté tantôt les fruits, tantôt le coton, tantôt le complément de récolte manquant pour nourrir toutes les bouches.
LES GRAINES DE TITA N’ÉTAIENT PAS DES GRAINES ORDINAIRES. ELLES COMBLAIENT LES SOUHAITS ET BESOINS DE CHACUN SELON L’ENDROIT OÙ ELLES POUSSAIENT.
C’est ainsi que le voyage retour de Tita fut parsemé de présents et d’offrandes. Rapidement la nouvelle se répandit dans tous le royaume et tous ceux qui avaient rencontré la jeune femme sur son chemin voulurent la remercier. Un grand rassemblement fut organisé pour donner à Tita le titre honorifique de reine du royaume. Lorsque la rumeur parvint jusqu’aux oreilles de la cour, le roi en personne se déplaça pour connaître l’origine de tant d’engouement et mettre fin à ce mouvement du peuple pour finalement découvrir que celle que l’on voulait sacrer Reine l’était déjà depuis longtemps…
C’est ainsi que Tita devint véritablement reine, non par naissance mais par les qualités de bravoure, de confiance et de persévérance qu’elle développa sur son chemin. On dit que, quelques années plus tard, elle épousa le jeune fermier qui lui avait procuré la semence et que, des siècles durant la corne d’abondance, coula à flots dans le royaume rebaptisé le « Titan » en hommage à la princesse vertueuse.
Ainsi, notre richesse ne vient pas de ce que nous croyons posséder mais de combien nous donnons sans attentes. Comme Tita nous ignorons souvent le trésor que nous avons entre nos mains lorsque nous semons autour de nous l’indulgence, la bienveillance, la reconnaissance et la patience. Semer, c’est offrir, c’est vivre et partager avec la source. Celui qui donne ne connaîtra pas la misère car l’univers le lui rendra en mille. Il est fou celui qui n’a plus rien et danse sous la pluie. Il est fou celui qui n’a plus rien et continue à remercier, partager et honorer. Il est fou celui qui brave sa peur de l’inconnu et ne se fie qu’à son coeur. Mais il est sage surtout.

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