Confortablement installé dans son fauteuil,
Grand-père regardait les enfants jouer autour de lui. Tristan et ses trois
amis, Pierre, Olivier et Chantal avaient l’air de bien s’amuser avec leurs
jouets. – Grand-père, demanda Chantal, est-ce que c’est vrai que Tristan est le
garçon le plus intelligent que tu connaisses ? D’après lui, c’est ce que tu as
dit. Grand-père demeurait pensif. – Je sais que Tristan est très dégourdi, finit-il par répondre. Et il se
débrouille bien à l’école. Mais je ne me rappelle pas avoir dit qu’il était le
garçon le plus intelligent que je connaisse. Tristan leva les yeux : – Mais je
suis très intelligent et je connais des tas de choses ! – Le plus important,
c’est d’avoir des amis qui t’aiment, rectifia Grand-père en souriant. Et pour
ça, tu n’as pas besoin d’être le plus intelligent. Cela me rappelle l’histoire
d’une certaine étoile de mer : elle pensait qu’il lui fallait être meilleure
que les autres pour mériter l’amitié de ses amis. – Oh, Grand-père, raconte-nous cette
histoire, implorèrent les enfants, tous en chœur. Les quatre bambins
s’installèrent sur le plancher pendant que Grand-père allait chercher son livre
d’histoires. Enfin, il l’ouvrit et commença :
Il était une fois un hippocampe nommé
Hubert et une étoile de mer appelée Léonie. Ils regardaient les étoiles
scintiller dans le ciel, et Hubert récita un poème que sa mère lui avait
appris.
– Quel
beau poème ! fit Léonie. Sais-tu qu’avant j’étais une étoile ? – Une étoile
dans le ciel ? demanda Hubert. Léonie hocha la tête en souriant. – Vraiment ?
Mais alors, que t’est-il arrivé ? Le sourire de Léonie se figea. Elle avait
menti pour impressionner Hubert.
Si
maintenant, je lui dis la vérité, se dit-elle, il pensera que je suis comme
tout le monde et il ne m’aimera peut-être plus ! Il faut que j’invente une
histoire. – Hum, avant de te rencontrer, commença-t-elle, je vivais dans le
ciel, tout là-haut. J’étais une étoile. Une étoile pas comme les autres, à vrai
dire, car je pouvais changer de couleur. – Incroyable ! s’exclama Hubert.
–
Mais les autres étoiles étaient jalouses, poursuivit Léonie, parce qu’elles ne
pouvaient pas, comme moi, changer de couleur. Alors elles décidèrent de se
débarrasser de moi. Un jour, elles m’ont poussée et je suis tombée dans
l’océan. J’ai coulé à pic, jusqu’au fond. Si bien qu’aujourd’hui, au lieu
d’être une belle étoile aux couleurs chatoyantes, je suis devenue une vilaine
étoile de mer, comme toutes les autres.
– Que c’est triste ! s’écria Hubert. Mais pour
moi, tu n’es pas une vilaine étoile de mer. Je t’ai toujours aimée comme une
amie. Léonie, soulagée, retrouva son sourire. Mais ce soir-là, au moment de
s’endormir, elle se sentit troublée : Je n’aurais jamais dû inventer pareille
histoire, se dit-elle amèrement. Maintenant, Hubert va croire que c’est une
histoire vraie.
Et s’il allait la raconter à quelqu’un ?
Qu’est-ce qu’on va penser de moi ? Ce qu’elle redoutait arriva. Le lendemain,
Hubert répéta l’histoire à deux poissons, le vieux Mondéo et Gobie. Ce dernier
devint perplexe : – Mais ma mère m’a toujours dit que les étoiles de mer
n’avaient rien à voir avec les étoiles qui sont dans le ciel. – Tu pourrais
toi-même lui poser la question, suggéra Hubert. Ils allèrent donc trouver
Léonie. Celle-ci semblait très mal à l’aise.
Est-ce que c’est vrai ? Parce que nous,
on n’a jamais entendu parler d’une étoile qui se soit transformée en étoile de
mer. Ils étaient tous là autour d’elle à attendre sa réponse… L’anxiété se
lisait sur son visage. Qu’est-ce que je dois faire ? pensa-t-elle. Continuer de
mentir, ou dire la vérité ? Elle comprit ce qu’elle devait faire. –
Pardonnez-moi, dit-elle, je n’ai jamais été une étoile du ciel.
J’ai toujours été une simple étoile de
mer, terne et sans couleurs. – Mais alors, pourquoi m’as-tu menti ? S’enquit
Hubert, avec la même gentillesse. – Parce que je voulais te faire croire que je
n’étais pas comme les autres, pour que tu m’aimes davantage, répondit Léonie. –
Mais je t’aime déjà comme tu es ! s’écria Hubert. Tu es mon amie et c’est tout
ce qui compte ! – C’est vrai, approuva Gobie.
– On
est tous différents, remarqua Mondéo. Et c’est pour ça que chacun de nous est
unique ! – Tu as raison, soupira Léonie. Je suis désolée. Je n’inventerai plus
jamais ce genre d’histoires. Je suis très heureuse d’avoir des amis comme vous
! Ils pardonnèrent tous à Léonie d’avoir menti, et leur amitié s’en trouva
restaurée. Sur ce, nos quatre amis s’en allèrent, en bande joyeuse, vers de
nouvelles aventures. Grand-père referma son livre au moment même où l’on
sonnait à la porte. – Ce doit être vos parents, fit-il remarquer. – Merci pour
l’histoire, Grand-père ! lancèrent Pierre et Olivier. – Tes histoires nous
apprennent toujours à être de meilleurs amis, ajouta Chantal. – J’en suis ravi,
dit Grand-père en souriant.
J’ai
plaisir à vous lire ces histoires, car elles sont très instructives. – Je suis
content que mes amis m’aiment tel que je suis, conclut Tristan. – C’est vrai !
approuva Grand-père, tout en lui ébouriffant les cheveux. Au revoir, les
enfants ! À la prochaine ! – Au revoir, répondirent-ils. Chacun de nous est
absolument unique, car c’est ainsi que Dieu nous a faits.
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