| Ouvrage : 90 Histoires pour les catéchistes I, II. Les sept sacrements. Temps de lecture : 6 minutes
Josepho a douze ans et a été baptisé voici une
semaine. Le Père l’a donné en exemple à ses compagnons de classe, car il sait
son catéchisme sur le bout du doigt C’est d’ailleurs pourquoi il porte
aujourd’hui autour du cou un chapelet plus beau que celui de ses camarades.
Personne cependant ne le jalouse, car tous savent que c’est une récompense
méritée et que par ailleurs Josepho est le plus aimable garçon de l’école. Hier
encore, il est parti avec deux maigres poulets pour acheter des remèdes à sa
bonne maman qui est très malade. Josepho l’aime tellement !
Hélas, il sera bientôt orphelin, murmure-t-on autour
de lui et il est le seul catholique de toute sa famille ! Cependant, tout ce
que l’enfant a appris au catéchisme, il l’a redit et expliqué du mieux qu’il a
pu à sa mère. Le Père a dit que celui qui meurt aussitôt après son baptême va
droit au Paradis. Josepho voudrait bien voir sa maman heureuse auprès du «
Grand Dieu des Blancs », car elle a toujours été bonne pour lui. Mais comment
faire ? Toute la famille s’oppose au baptême de la malade. L’année précédente
quelqu’un n’est-il pas mort au village peu après avoir été baptisé ? C’est le
missionnaire qui lui avait jeté un mauvais sort, a murmuré le sorcier…
Si aujourd’hui la mère de Josepho devient chrétienne
elle mourra certainement aussitôt après ! Triste raisonnement de ces pauvres
Noirs victimes de leur ignorance et esclaves de leurs sorciers ! La mère de
Josepho ne les connaît que trop bien… Aussi donne-t-elle à son fils des
conseils de prudence. « Josepho, si je meurs baptisée, tu seras chassé de la
famille ! Où iras-tu alors ? » Et pourtant le missionnaire l’a dit : « Celui
qui meurt aussitôt après le baptême entre tout droit au ciel ! » Et cette nuit
sera peut-être la dernière que maman passe sur la terre, songe Josepho. Que
faire ?
La nuit est maintenant venue. Tout le monde pense
que Josepho est parti se coucher dans une case voisine de celle où agonise sa
mère surveillée par des païennes farouches. Mais l’enfant ne dort pas ! Il est
là, tout près, caché dans la brousse, malgré le voisinage des fauves. Seul avec
le Bon Dieu, il prie de tout son petit cœur afin que sa maman ne meure pas sans
baptême. « S’il le faut, mon Dieu, faites un miracle », supplie le courageux
enfant.
Dix heures viennent de sonner dans le lointain.
Josepho écoute puis, s’avançant vers la case où repose sa mère, il grimpe sur
la toiture d’herbes sèches. Écartant quelques touffes, il aperçoit, hélas, deux
vieilles négresses accroupies près de la malade et qui la surveillent
attentivement. C’est trop tôt, pense Josepho en se glissant à nouveau le long
des parois de la case ; je reviendrai. Doucement il se retire puis, regagnant
sa cachette dans la brousse, prend son chapelet.
Se dirigeant alors sans bruit vers la porte, il
entre et s’approche de sa maman qui elle a les yeux grands ouverts. « Maman,
maman, c’est moi Josepho, lui murmure-t-il à l’oreille. Dites vite au bon Dieu
que vous l’aimez ! » Puis, prenant de l’eau dans une calebasse toute proche il
ajoute, en mouillant le front de sa mère « Maman, je vous baptise, au nom du
Père et du Fils et du Saint-Esprit… Au revoir, maman, au ciel ! » Le cœur
bondissant de joie, Josepho quitte en hâte la case, sans être remarqué par les
dormeuses, et regagne la forêt. Là, il songe avec joie à l’âme toute blanche de
sa maman. Dans quelques heures, se dit-il, elle sera auprès du Bon Dieu !
Au lever du soleil, tout le village retentissait de
cris de deuil. La mère de Josepho était morte dans la nuit !
Quand le missionnaire sortit de sa hutte, un enfant
de douze ans s’approcha en pleurant :
Jeune africain et missionnaire« Père, lui dit-il,
maman est morte !
— A‑t-elle été baptisée, mon petit ?
— Oui, Père, je l’ai baptisée moi-même cette nuit. »
Mettant alors la main sur la tête crépue de Josepho
le Père ajouta :
« C’est bien, mon petit ; tu as ouvert toi-même le
Paradis à ta mère ! Là-haut, elle priera pour toi et le Bon Dieu te bénira !
— Une question, Père… quand je l’ai baptisée, j’ai
dit seulement : Maman, je te baptise au nom du Père et du Fils et du
Saint-Esprit. J’ai oublié de lui donner un nom. Le baptême est-il bien fait
quand même ?
— Bien sûr, affirma le Père.
— Oui, mais, continua Josepho, ne dites jamais que
je l’ai baptisée, on me battrait et on me chasserait du village !
— Sois tranquille, je ne dirai rien, promit le
missionnaire.
— Tu l’appelleras « Maman du Paradis ». C’est un
très joli nom !
— Entendu Père, merci, s’écria Josepho tout joyeux.
Je vais assister à son enterrement ! »
Et il partit en répétant comme s’il craignait de
l’oublier : Ma maman du Paradis ! Ma maman du Paradis.
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