Dès que le convoi des Rois fut parti, saint Joseph,
qu’un ange avait averti, prenant avec lui l’Enfant et sa mère, et l’âne, équipé
de façon sommaire, quitta Bethléem. Le tyran maudit n’avait pas encore porté
son édit, qu’eux fuyaient déjà, trompant sa colère, et gagnaient au loin l’exil
tutélaire.
Au cours du voyage, il advint ceci que je vais
narrer dans un bref récit. Ayant traversé la Judée entière, ils ont pu
franchir, enfin, la frontière, et sont, désormais, en sécurité. De là, pour
atteindre un sol habité, c’est un long trajet qu’il leur faudra faire. Maintenant,
Joseph ne s’en trouble guère ; il leur reste assez de pain ; et voici de l’huile,
du miel, des dattes aussi… L’outre a conservé son eau fraîche et claire. Le
baudet, gaillard plus qu’âne sur terre, va son petit train, comme à
l’ordinaire. Et, s’il n’avait pas, au cœur, le souci des enfants qu’Hérode abat
sans merci, saint Joseph, d’avoir si bien réussi, rirait, dans sa barbe et dans
sa prière.
C’est toujours, pourtant, le sable et la pierre, le
morne désert, sans lac et sans bois ! À part un chétif palmier, quelquefois, rien
ne rompt l’ennui de la plaine immense, où le chemin fuit, fuit et recommence… Il
faut s’arrêter, le soir, quelque part, pour manger, dormir ! Ici. Sans retard, la
Vierge dépose, en une corbeille qu’elle a pour cela choisie, au départ, le bébé
Jésus qui, déjà, sommeille. Son voile, plié sur le petit nid, comme un édredon,
le couvre à merveille ! De ses deux paniers l’âne est dégarni. Sans parler, leurs
cœurs gonflés de mystère, le repas frugal est vite fini. Après quoi, pour
couche, ils auront la terre… Bientôt, sur ce groupe humble et solitaire : l’âne
et saint Joseph, Marie et l’Enfant, la lune, qui monte au ciel vaste, étend sa
lumière pure et céruléenne… Or, fraîche est la nuit, quoique égyptienne. La
chose, là-bas, arrive souvent dans les mois d’hiver ; et, ce soir, le vent
souffle de la mer méditerranée ! Dans son lit d’osier, la tête inclinée, le Poupon
divin dort bien chaudement. Mais, à ses côtés, sa frêle maman de froid et de
vent est toute glacée. Longtemps elle prie… Enfin, harassée, la Vierge
s’endort, mais, en grelottant. L’Enfant se réveille, en ce même instant. Il
regarde. Il sort un bras de ses langes. Il lève trois doigts. Oh ! Trois cent
mille anges l’entourent, soudain !… Lui, silencieux, leur montre sa mère, avec
de gros yeux. C’est alors qu’eut lieu, vraiment, un miracle ! Indicible !
Unique ! Inouï spectacle, que le ciel entier a vu, sûrement ! Remontés d’un vol
en plein firmament, vers je ne sais quel bizarre instrument, – immense
appareil, surgi brusquement, rappelant de loin nos métiers à toile – chacun,
pour navette ayant une étoile ; leur troupe scindée en deux légions, d’un geste
alterné croisant les rayons ; sans un brin de trop, ni méprise aucune, les
anges tissaient, oui ! Du clair de lune !… Et, tout leur travail étant achevé dans
le temps qu’on prend à dire un ave, les bons tisserands revinrent, ensuite, soumettre
à Jésus la pièce produite. Lui, qui justement venait de poser un doigt sur sa
bouche, en fit un baiser ! Alors, deux d’entre eux, lentement, couvrirent la
Vierge endormie. Et tous repartirent…
Plus que les satins, brocarts et velours portés par
les saints dans leurs beaux atours, cette étoffe était merveilleuse ! Et telle que,
depuis, Marie a voulu, toujours, même en Paradis, la garder sur elle.
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