Pour aider un pays il faut le
connaître.
Totosidy, le dernier né d’une famille de sept
enfants, perdit sa mère en naissant. Il n’avait jamais vu son père, mort quatre
mois avant qu’il fût mis au monde. Une sœur grincheuse, hautaine, avare,
menteuse, sale, impitoyable, crapuleuse, peu éduquée, ignorante, jalouse,
difforme de corps et laide de figure, cette sœur éleva Totosidy. A dix ans,
l’enfant fut abandonné, et le partage de la succession ne lui attribua qu’un
coq, deux poules et deux marmites en fonte. La gale aime les pauvres et
Totosidy devint galeux ; la maladie et la misère aiment aller de pair, et
Totosidy souffrit de rachitisme « ny manana tsy havan’ny ory » (Le riche ne
peut pas être le parent d’un malheureux) et les frères ont éliminé Totosidy du
foyer paternel …
Et voici le pauvre enfant, sans biens, sans
fortunes, sans parents et sans amis, errant de case en case, chassé de partout
et n’ayant autre espoir que dans le secours du Dieu clément.
On avait dit à Totosidy que ce Dieu existait quelque
part et qu’il fallait le trouver pour avoir sa grâce. Il part donc à sa
recherche… Il va, il va, il traverse des forêts, des vallées, des montagnes. Il
fait nuit et le malheureux garçon est chez Totozamanidrao, chez cet ivrogne né,
qui se piquait d’avoir bu en cinquante ans, trente mille calebasses de betsabetsa
– record connu dans la région –. Au demeurant, c’était un homme au cœur noble
et généreux. Le garçon était sage, l’ivrogne franc, tous deux pauvres et
sincères. Quand l’ivrogne ne parlait pas d’alcool, quand l’enfant ne parlait
pas de sobriété, quand la conversation se tournait vers Dieu et sa bonté, alors
c’était une joie indescriptible, intarissable. Le matin, Toto demanda à son
hôte où il allait ; l’enfant expliqua qu’il recherchait Dieu pour lui demander
secours. – Ah ! dit l’ivrogne, si tu le rencontres quelque part, demande-lui où
sera ma place après ma mort. – « Oui », dit l’enfant.
Et le garçon continua son chemin. Il devait
traverser un étang peuplé de caïmans, il eut peur. Les caïmans lui dirent : «
Passe, jeune homme, nous ne te ferons pas de mal ». Quand il fut sur l’autre
rive, il expliqua qu’il allait chercher Dieu pour lui demander son secours. –
Ah ! Lui dirent les sauriens, tu nous vois ici affamés, misérables. Nous
attendons l’ordre de Dieu. Nous ne savons pas s’il nous est permis de manger
des bœufs, des chiens, ou des hommes. Si tu le rencontres quelque part,
demande-lui ce qu’il nous autorise à manger. – « Oui », dit l’enfant…
Et le garçon continua son chemin. La nuit, il se
trouva chez un croyant. Ce croyant, c’était un homme qui priait matin et soir,
qui ne parlait que de Dieu, d’âme, de paradis, de séjour céleste. Il recevait
de Dieu sa ration quotidienne.
Totosidy fut donc son hôte. Vers huit heures du
soir, Dieu envoya deux assiettes pleines de riz ; le croyant ne laissa sur la
natte qu’une assiette, dont il fit encore disparaître la moitié. Totosidy
mangea le peu qu’on lui cédait. Dieu envoya ensuite deux lits, mais le croyant
laissa Totosidy dormir sur une natte. L’enfant dormit… Et pendant qu’il
sommeillait, le croyant vint reprendre l’assiette pleine de riz qu’il avait
cachée : il ne trouva que des serpents. Il alla ensuite chercher les deux lits
de Dieu : il ne vit, à la place, qu’une natte sale… Sans se troubler, il se mit
à genoux, leva les yeux au ciel, croisa ses mains sur sa poitrine et il se
recommanda à Dieu, trouvant bon de jeûner cette nuit et de dormir sur une natte
déchirée en signe de pauvreté.
Le matin, le garçon salua son hôte. Il lui dit qu’il
allait chercher Dieu pour lui demander son secours. – Si tu le rencontres quelque part demande-lui
où sera ma place après ma mort, lui déclara le croyant. – « Oui », dit
l’enfant…
Totosidy continua son chemin. Un jour, il rencontra
un vieillard à la barbe longue qui lui demanda où il allait. Il lui répondit
qu’il cherchait Dieu pour lui exposer ses misères. Dieu se dévoila, et le
garçon lui raconta ses disgrâces. Il reçut un petit paquet qu’il devait enfouir
au pied d’un tamarinier, à l’Est de son village natal. Avant de retourner, il
posa toutes les questions dont on l’avait chargé en cours de route. Dieu lui
déclara que le croyant serait jeté en enfer, car il avait le cœur méchant ; que
les caïmans étaient autorisés à manger des bœufs, des chiens et non des hommes
à moins que ces derniers ne les attaquent (A l’heure actuelle, les caïmans
s’attaquent sans pitié aux hommes. Auparavant, ils ne mangeaient que des bœufs
et des chiens. Mais les hommes se sont vengés en lançant des sagaies sur les
caïmans. Alors l’interdiction fut levée.) ; que l’ivrogne aurait sa place
réservée au ciel, car il avait le cœur généreux.
Sur le chemin du retour, Totosidy informa le croyant
que sa place serait en enfer ; les caïmans, qu’ils pourraient manger des bœufs,
des chiens, et sous certaines réserves, des hommes ; l’ivrogne qu’il serait
l’élu du Ciel. Arrivé au village, il cacha le paquet sous la tamarinier.
Le lendemain, il fut tout surpris de trouver cent
cruches pleines d’argent. Le voilà devenu riche, aimé de ses frères, adoré de
sa sœur, chanté par les amis, débarrassé de la gale et guéri du rachitisme. On
l’appela « Zoboke » (Grand frère.) il resta bon et charitable.
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