Oh, la belle vigne ! La belle vigne qu’avait le bon Dieu ! Rien
que d’en avoir ouï parler à leurs anciens, nos grands-pères en avaient l’eau à
la bouche, ou plutôt comme un goût de bon vin, et parfois aussi une larme de
regret à l’œil.
Où était exactement cette vigne ? On n’en est pas bien sûr. Etait-elle à
Cornac, à Chapou, ou bien à Cala- mane, ou encore à Puy-l’Evêque ?
Personne ne le sait au juste. Ce qui est clair comme le jour, c’est qu’elle
était quelque part en Quercy, sur une pente douce, tournée vers le soleil
levant, mais pourtant bien exposée au Midi, avec une source dans le fond et de
beaux osiers tout autour de la source. Sans osier, un vigneron serait fort en
peine, et le bon Dieu le savait bien.
Rien ne manquait à cette vigne. Quels arbres il y avait, quels fruits ! Pêches, figues, abricots, prunes, cerises, d’autres encore, car il y avait de tout ! Mais le plus beau dans la vigne, c’étaient encore les ceps ; les ceps aussi vieux peut-être que le monde, hauts comme des chênes, larges comme des noyers, avec des grappes qui retombaient de partout, des grappes dont la vue seule réjouissait le cœur de Dieu et faisait l’allégresse des anges.
La vigne du Seigneur était seulement pour les bienheureux, mais elle n’en portait pas moins la paix et l’abondance dans tout le pays. Notre vieux Quercy en devînt semblable à la sienne puisqu’il ne pouvait pas faire la sienne plus belle que la vigne du Seigneur.
Le bon Dieu qui voit tous les coeurs essaya de le châtier pour le faire rentrer en lui-même, et le frappa naturellement dans ses treilles tant aimées. Un troupeau de chèvres brouta ses pampres et lui enleva, en quelques coups de dents, la moitié de sa récolte future.
Hélas, le pauvre pécheur ne s’amenda pas ; ce fut, au contraire, comme de l’huile sur le feu. Il roula dans son esprit les plus sombres rancîmes et les projets les plus hardis.
Personne, jusqu’à ce jour, n’avait songé à séparer son champ de celui du voisin. D’honnêtes bornes, grosses pierres fichées en terre, indiquaient à peu près les limites, et chacun s’en tenait content. Mais notre envieux se dit que si sa vigne avait été défendue par une haie, elle aurait été épargnée.
« Ah, disait-il en lui-même, notre excellent maître, le bon Dieu, a eu grand soin de protéger la sienne contre bêtes et gens ! Et l’on vient nous dire que faire comme lui serait méconnaître la loi naturelle ! Sommes-nous assez niais ! »
Chaque jour, en voyant ses treilles ravagées, il s’exaspérait davantage. D’autant que la vigne du Seigneur était maintenant en pleine fleur ; bien loin à la ronde, le vent portait de là un parfum céleste, et, qui sait ? peut-être aussi des semences de vie. Le malheureux éprouva comme une fièvre de colère. Il résolut de mettre la haie du Seigneur autour de sa vigne qui serait désormais garantie des chèvres, et les chèvres mangeraient la vigne du Seigneur !
Cette histoire est ancienne ; elle se renouvelle chaque jour dans bien des cœurs.
L’homme dont parle notre conte attendit le dimanche, un beau dimanche matin ou tout le monde était à la messe : le bon Dieu, les anges , les saints , et le peuple tout entier. Alors, lui, prit sa bêche , sa pioche, une corde, et comme un enragé il se mit à arracher la haie, la belle haie vive du Seigneur. Il allait, il allait. Il ne songea même pas à ôter son bonnet quand la cloche sonna l’élévation. Le bon Dieu, qui voit tout, en frémit. Maintenant l’homme ayant fait un gros fagot de buissons le mit sur son dos pour l’emporter à sa vigne. Il laissa, sans remords, la vigne du Seigneur ouverte à tout venant et partit vite. Il voyait déjà dans son esprit la haie qu’il allait planter à son coin de colline, et, derrière, ses propres souches reverdies, et aussi belles que celles du Seigneur.
Mais il allait depuis longtemps et ne retrouvait plus son chemin. Il ne l’a jamais retrouvé. Dieu ne pouvait pas laisser son crime impuni. Après avoir dépassé la terre, le malheureux est encore en route. Quand la nuit est claire, vous pouvez le voir dans la lune, son fagot de buissons sur le dos, qui cherche désespérément sa vigne. Et cela durera jusqu’au jugement dernier. Espérons qu’auparavant le pécheur se sera repenti, et que, dans sa miséricorde, Dieu lui aura pardonné.
Et nous aussi nous lui pardonnerons, à l’homme de la lune, mais il nous a fait bien du mal.
Car la brèche qu’il avait faite dans la haie du bon Dieu était restée ouverte. L’esprit malin riait tout seul en y pensant, et l’on devine aisément ce qui arriva.
Tant que les grappes furent vertes, nos bons vieux pères résistèrent à la tentation, le verjus ne leur disant rien qui vaille. Mais quand on fut en vendanges, et que, par cette malheureuse ouverture, ils virent les cuves remplies par les anges, pleines à déborder d’un beau moût rouge et dont l’odeur donnait soif, ils ne surent, ne purent plus y tenir. Ils entrèrent dans la vigne du Seigneur, ils goûtèrent à son vin !
Le bon Dieu se détourna d’eux, il les abandonna à l’ivresse, et désormais nos bons vins légers et parfumés du Quercy ôtèrent la raison à tous ceux qui étaient entrés dans la vigne du seigneur. Hélas, les meilleurs mêmes y entraient, entraînés par le diable. La crainte et le respect s’en allaient petit à petit ; les antiques vertus simples et faciles furent ébranlées.Alors le bon Dieu abandonna son enclos, ses plants divins. Les ronces envahirent la haie, et bientôt la vigne tout entière, que les anges ne venaient plus visiter. Si bien qu’on n’en sait plus la place, et la tristesse se répandit sur tout le pays. Les hommes se laissant de plus en plus aller à l’ivresse, la vigne fut, pour leur châtiment, atteinte de mille maux. Oh ! les sombres jours ! Le Quercy sans ses vignes n’était plus le Quercy. Sa population antique allait le fuir.
Hélas, combien sont déjà partis !
Mais le bon Dieu se souvient de notre vieille terre, et de sa race honnête et joyeuse. Il bénit notre travail, et de nouveau, les pampres reverdissent au printemps et rougissent à l’automne. De nouveau, le parfum de la vigne flotte dans l’air comme au temps de nos aïeux. Puisse-t-il, comme à eux, nous donner la simplicité, le contentement, et la paix pour tous..., même pour l’homme de la lune.
Rien ne manquait à cette vigne. Quels arbres il y avait, quels fruits ! Pêches, figues, abricots, prunes, cerises, d’autres encore, car il y avait de tout ! Mais le plus beau dans la vigne, c’étaient encore les ceps ; les ceps aussi vieux peut-être que le monde, hauts comme des chênes, larges comme des noyers, avec des grappes qui retombaient de partout, des grappes dont la vue seule réjouissait le cœur de Dieu et faisait l’allégresse des anges.
La vigne du Seigneur était seulement pour les bienheureux, mais elle n’en portait pas moins la paix et l’abondance dans tout le pays. Notre vieux Quercy en devînt semblable à la sienne puisqu’il ne pouvait pas faire la sienne plus belle que la vigne du Seigneur.
Le bon Dieu qui voit tous les coeurs essaya de le châtier pour le faire rentrer en lui-même, et le frappa naturellement dans ses treilles tant aimées. Un troupeau de chèvres brouta ses pampres et lui enleva, en quelques coups de dents, la moitié de sa récolte future.
Hélas, le pauvre pécheur ne s’amenda pas ; ce fut, au contraire, comme de l’huile sur le feu. Il roula dans son esprit les plus sombres rancîmes et les projets les plus hardis.
Personne, jusqu’à ce jour, n’avait songé à séparer son champ de celui du voisin. D’honnêtes bornes, grosses pierres fichées en terre, indiquaient à peu près les limites, et chacun s’en tenait content. Mais notre envieux se dit que si sa vigne avait été défendue par une haie, elle aurait été épargnée.
« Ah, disait-il en lui-même, notre excellent maître, le bon Dieu, a eu grand soin de protéger la sienne contre bêtes et gens ! Et l’on vient nous dire que faire comme lui serait méconnaître la loi naturelle ! Sommes-nous assez niais ! »
Chaque jour, en voyant ses treilles ravagées, il s’exaspérait davantage. D’autant que la vigne du Seigneur était maintenant en pleine fleur ; bien loin à la ronde, le vent portait de là un parfum céleste, et, qui sait ? peut-être aussi des semences de vie. Le malheureux éprouva comme une fièvre de colère. Il résolut de mettre la haie du Seigneur autour de sa vigne qui serait désormais garantie des chèvres, et les chèvres mangeraient la vigne du Seigneur !
Cette histoire est ancienne ; elle se renouvelle chaque jour dans bien des cœurs.
L’homme dont parle notre conte attendit le dimanche, un beau dimanche matin ou tout le monde était à la messe : le bon Dieu, les anges , les saints , et le peuple tout entier. Alors, lui, prit sa bêche , sa pioche, une corde, et comme un enragé il se mit à arracher la haie, la belle haie vive du Seigneur. Il allait, il allait. Il ne songea même pas à ôter son bonnet quand la cloche sonna l’élévation. Le bon Dieu, qui voit tout, en frémit. Maintenant l’homme ayant fait un gros fagot de buissons le mit sur son dos pour l’emporter à sa vigne. Il laissa, sans remords, la vigne du Seigneur ouverte à tout venant et partit vite. Il voyait déjà dans son esprit la haie qu’il allait planter à son coin de colline, et, derrière, ses propres souches reverdies, et aussi belles que celles du Seigneur.
Mais il allait depuis longtemps et ne retrouvait plus son chemin. Il ne l’a jamais retrouvé. Dieu ne pouvait pas laisser son crime impuni. Après avoir dépassé la terre, le malheureux est encore en route. Quand la nuit est claire, vous pouvez le voir dans la lune, son fagot de buissons sur le dos, qui cherche désespérément sa vigne. Et cela durera jusqu’au jugement dernier. Espérons qu’auparavant le pécheur se sera repenti, et que, dans sa miséricorde, Dieu lui aura pardonné.
Et nous aussi nous lui pardonnerons, à l’homme de la lune, mais il nous a fait bien du mal.
Car la brèche qu’il avait faite dans la haie du bon Dieu était restée ouverte. L’esprit malin riait tout seul en y pensant, et l’on devine aisément ce qui arriva.
Tant que les grappes furent vertes, nos bons vieux pères résistèrent à la tentation, le verjus ne leur disant rien qui vaille. Mais quand on fut en vendanges, et que, par cette malheureuse ouverture, ils virent les cuves remplies par les anges, pleines à déborder d’un beau moût rouge et dont l’odeur donnait soif, ils ne surent, ne purent plus y tenir. Ils entrèrent dans la vigne du Seigneur, ils goûtèrent à son vin !
Le bon Dieu se détourna d’eux, il les abandonna à l’ivresse, et désormais nos bons vins légers et parfumés du Quercy ôtèrent la raison à tous ceux qui étaient entrés dans la vigne du seigneur. Hélas, les meilleurs mêmes y entraient, entraînés par le diable. La crainte et le respect s’en allaient petit à petit ; les antiques vertus simples et faciles furent ébranlées.Alors le bon Dieu abandonna son enclos, ses plants divins. Les ronces envahirent la haie, et bientôt la vigne tout entière, que les anges ne venaient plus visiter. Si bien qu’on n’en sait plus la place, et la tristesse se répandit sur tout le pays. Les hommes se laissant de plus en plus aller à l’ivresse, la vigne fut, pour leur châtiment, atteinte de mille maux. Oh ! les sombres jours ! Le Quercy sans ses vignes n’était plus le Quercy. Sa population antique allait le fuir.
Hélas, combien sont déjà partis !
Mais le bon Dieu se souvient de notre vieille terre, et de sa race honnête et joyeuse. Il bénit notre travail, et de nouveau, les pampres reverdissent au printemps et rougissent à l’automne. De nouveau, le parfum de la vigne flotte dans l’air comme au temps de nos aïeux. Puisse-t-il, comme à eux, nous donner la simplicité, le contentement, et la paix pour tous..., même pour l’homme de la lune.
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