L’autre jour, en traversant la forêt enneigée, j’ai
vu filer devant moi un renard, rapide comme l’éclair. Avant de disparaître
derrière un monticule de neige, il se retourna vers moi, me faisant un clin
d’œil. Quelle ne fut pas mon étonnement quand je remarquai qu’autour de son
cou, il portait une écharpe rousse brillant de mille feux. Il s’enfuit ensuite
dans une gerbe de neige et je me retrouvai à nouveau seule. Avançant
péniblement sur le chemin dans lequel je m’enfonçais, j’écoutais les oiseaux
s’en donner à cœur joie, distillant au sommet des branches des mélodies
gracieuses qui me rappelaient confusément certains chants de mon enfance.
Sur une branche de sapin lourdement chargée de neige
et traînant presque à terre, une mésange, dont le charmant pépiement surpassait
les autres notes, battit des ailes à mon passage. Je vis que son tout petit cou
était orné d’une minuscule étoffe jaune et noire. Étonnée, je continuai
cependant mon avancée, sentant confusément que flottait partout un parfum de
mystère.
Alors que je peinais de plus en plus sur le chemin,
je remarquai qu’une piste s’enfonçait dans le sous-bois sur ma droite.
Impossible pour moi de rester sur ma route, une force invisible me poussait à
emprunter ce nouveau sentier. Je tentai de me retourner mais sans succès et il
fallut donc me résoudre à accepter cette invitation. C’est alors que je
distinguai devant moi une biche gracieuse qui gambadait avec agilité. Un bonnet
surmonté d’un gros pompon de la couleur de son pelage ornait sa tête délicate
et ses yeux noirs, lorsqu’elle se retourna pour voir si je la suivais, me
lancèrent un regard espiègle.
Je ne compris pas comment je me retrouvai une
seconde plus tard au milieu d’un cortège d’animaux : des chevreuils devisaient
entre eux, un gros blaireau se dandinait en compagnie d’un hérisson, un chamois
racontait ses escapades montagnardes à un bouquetin qui l’écoutait l’air un peu
jaloux pendant qu’une ribambelle d’écureuils distribuaient des noisettes à tout
le défilé. Des merles et des mésanges voletaient entre les branches pendant
qu’un casse-noix jacassait en compagnie d’une marmotte bien boulotte et un
majestueux cerf élaphe paradait au milieu d’un parterre de louveteaux fougueux.
Un faon s’approcha de moi, glissant sa charmante tête sous ma main pour une
caresse. Mais ce qui me sembla le plus fabuleux, c’était que chaque animal
portait un vêtement en laine assorti à la couleur de son plumage ou de son
pelage. Ainsi, l’ours qui marchait à ma gauche paradait avec une superbe
pelisse en laine épaisse et brune et à ma droite un mouflon trottait, son
puissant cou emmitouflé dans une étole somptueuse. En me retournant pour voir
qui devisait derrière moi d’une petite voix si aigüe, je ne pus que m’extasier
sur le manteau d’une blancheur étincelante de Dame hermine.
Notre procession a duré longtemps. Soudain, un
chalet en bois surgit dans la clairière où se reposaient de nombreux moutons.
De la fumée sortait de la cheminée alors que des ombres furtives s’affairaient
à l’intérieur. La porte s’ouvrit et un très vieil homme barbu salua de la main
tous les animaux réunis. Un énorme tonnerre d’applaudissement retentit et se
répercuta très loin à la ronde.
Des lutins surgirent alors derrière le gros bonhomme
et m’apportèrent une écharpe blanche et scintillante. Il me fit signe de
l’enrouler autour de mon cou, ce que je fis et à l’instant même, je fus envahie
d’une douce et intense chaleur. Le bonhomme affable me fit entrer ensuite à
l’intérieur et je compris enfin. Dans une ambiance féérique qui sentait le pain
d’épice, une multitude de lutins tricotaient des habits pour tous les habitants
de la forêt mais également pour les gens de passage venus de très loin. Les
moutons donnaient la précieuse laine qui était ensuite travaillée, colorée et
tricotée par des mains expertes. Dès la fin de l’automne, chaque animal prenait
le chemin du chalet en bois et recevait son cadeau, l’hiver étant ainsi bien
plus chaud et douillet pour chacun d’entre eux. Et la demeure était devenue un
havre de paix et de chaleur où ils se retrouvaient régulièrement pour se
reposer dans une douce ambiance.
Ce jour-là, solstice de l’hiver, la cohorte des
animaux était venue spécialement remercier leur bienfaiteur et tous ses
ouvriers. Une fanfare de farfadets se mit alors en place et les animaux reprirent
en chœur des mélodies de Noël, pendant que des enfants bien emmitouflés et
venant de tous les pays du monde distribuaient biscuits et autres friandises.
S’approchant de moi, le vieil homme murmura une
requête à mon oreille. Puis, quand il me serra la main, je sentis une force
prodigieuse qui me renvoya directement au milieu de mon salon, comme hébétée, à
l’ombre de mon sapin de Noël.
Pendant tout cet hiver-là, j’ai
porté la belle écharpe et aujourd’hui, en souvenir du vieux bonhomme, je vous
livre son message : « N’oubliez jamais de donner la chaleur de votre cœur à
toutes celles et ceux qui croisent votre chemin et qui ont froid tout au fond
d’eux ».
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