Il y a
longtemps, bien longtemps, avant que nos ancêtres ne viennent s’établir dans
cette contrée, le Ciel et la Terre, non seulement vivaient en bonne compagnie,
mais résidaient à proximité l’un de l’autre. Ils pouvaient ainsi se concerter
lors de décisions importantes à prendre qui concernaient la survie de
l’humanité aussi bien que des animaux, des plantes, des roches et minéraux dont
le rayonnement apportait tant de bienfaits. Le Ciel penchait bien souvent son
regard bienveillant vers les êtres vivant juste en dessous de lui. Il se
courbait si fort qu’il lui arrivait de frôler la cime des manguiers et des
fromagers. Parfois même, des vieux très grands de taille, comme ceux qui
habitent les bords du fleuve, sentaient un frisson parcourir leur crâne aux cheveux
soigneusement rasés. Ils savaient alors que le ciel leur témoignait une
attention toute spéciale. Ils en retiraient un sentiment encore plus aigu de
leur importance et de leurs responsabilités. Un jour, une jeune femme, saisit
une jarre de terre cuite et la plaça sur les trois pierres qui constituaient le
foyer. Le bois avait déjà donné de hautes flammes. A présent, les braises
rougeoyaient en sifflant harmonieusement, comme pour donner le maximum de leur
chaleur. La femme s’activait, maniant avec dextérité la longue spatule de bois
qui servait à remuer le mélange d’eau et de farine fermentée dans l’eau, afin
d’obtenir une pâte homogène, à la surface bien lisse. Elle réalisait toutes ces
opérations en silence. Car la concentration était nécessaire à une pleine
réussite de cet art demeurant délicat même s’il se répétait quotidiennement.
Après avoir fini de cuire la pâte de maïs qui constituait l’essentiel du repas
familial, la jeune femme racla soigneusement le fond de la marmite pour la
débarrasser des morceaux qui y restaient attachés. Elle y versa deux ou trois
calebasses d’eau qu’elle prit d’un énorme récipient, de terre cuite également,
placé près du puits pour contenir la réserve pour la journée.
Malencontreusement, elle remua la marmite en tout sens, puis, d’un geste
distrait, elle lança le contenu bien haut, de toutes ses forces. Malheur !
L’eau s’éleva si haut qu’elle s’en vint cogner la voûte céleste. Le Ciel, bien
entendu, se mit en colère. Il gronda de plusieurs coups de tonnerre sans qu’il
fasse réellement de l’orage. Mais cela ne suffit point à l’apaiser.
- Que
ferais-je pour manifester mon mécontentement ? dit-il à nouveau, dans un
roulement sourd.
Tomber
de toute ma puissance sur cette femme et l’écraser ? Cela ne convient pas à ma
grandeur. Je ferais mieux tout simplement de me mettre désormais hors de la
portée des humains. Depuis ce jour, le Ciel se retira loin, bien loin de la
Terre. Il ne consentit plus jamais à descendre jusqu’à une distance de contact
avec les humains. Quelques morceaux de pâte de maïs flottaient dans l’eau qui
le toucha. Ils y restèrent collés et forment aujourd’hui les étoiles.
C’est
ainsi que par l’inadvertance d’une femme la face du monde fut irrémédiablement
changée.
Extraits
du "Caméléon bavard" de Dominique Aguessy, éditions Lharmattan (Bénin
et Sénegal)
http://conteursdelalouvree.over-blog.com/conte-du-mois-d-aout.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire