Sainte Walburge
Au VIIIe siècle vivait une fille de roi qui
s’appelait Walburge, ce qui signifie « Gracieuse ». Cette princesse
perdit sa mère de bonne heure, et lorsque le roi décida de se joindre
à ses deux fils, dans leur pélerinage aux Lieux Saints, Walburge qui avait
alors onze ans, lui dit :
— Mon père, que ferai-je à la Cour sans vous et
mes deux frères ? Laissez-moi vous attendre dans un monastère.
Et le roi l’accompagna jusqu’à l’abbaye bénédictine
de Winborn.
L’année suivante, ayant appris la mort de son père,
la princesse résolut de demeurer dans sa retraite, et quand elle eut dix-huit
ans, elle se consacra définitivement à Dieu.
Les années passèrent ; les premiers cheveux
blancs apparurent mais le voile cachait ces témoignages du temps. Walburge
vivait heureuse et s’apprêtait à terminer ses jours à Winborn lorsque
l’évêque Saint Boniface, qui était son oncle et l’apôtre de l’Allemagne, la fit
venir, elle et plusieurs de ses compagnes, pour fonder un monastère de femmes
dans son diocèse.
C’est ainsi que Walburge, fille de roi, devint
abbesse de Heindenheim. Elle avait près de cinquante ans.
Peu après, il se passa un fait extraordinaire… Mais
chut !… Écoutez la cloche du soir au monastère de Heindenheim… huit… neuf… dix…
onze coups !
Entendez-vous comme la campagne retentit encore de
ce bruit d’airain ? Les religieuses ont l’habitude ; elles sont
depuis peu endormies et le son familier ne les gêne guère. L’abbesse,
agenouillée dans la chapelle, prolonge, selon sa coutume, une prière
fervente.
Elle se
lève soudain, s’enveloppe de sa cape et après avoir jeté un dernier regard
d’amour vers le tabernacle, quitte la chapelle et sort du monastère. Elle
a pris une lampe qui jette des lueurs falotes dans la noire campagne de
Thuringe. La douce, l’exaltante nuit l’enveloppe, mais Walburge ne remarque ni
les étoiles qui lui sourient par myriades, ni le souffle léger du vent qui lui
caresse le visage et fait voler son voile, ni le bruit de ses pas sur le
chemin. Elle va, en toute hâte, sait-elle où ? S’éloignant de plus en plus
du monastère qui se fond peu à peu dans l’obscurité.
Par-delà
la vaste plaine qui s’étend devant elle, campé au sommet d’une colline, se
dresse un vieux château. Walburge se dirige de ce côté sans hésiter. La route
est longue et les pieds de l’abbesse, peu habitués à une telle marche,
trébuchent parfois sur les pierres. Bientôt, la masse imposante du château se
rapproche et Walburge distingue une lumière qui se fait de plus en plus
éblouissante au travers d’une fenêtre de l’édifice. La voici enfin arrivée
devant la lourde porte d’entrée.
C’est alors qu’une horde de chiens l’entoure,
aboyant, hurlant, sautant près d’elle, sans cependant lui faire le moindre
mal.
Walburge leur parle avec douceur, mais les bêtes
redoublent de rage et de cris, jusqu’à faire sortir du château le maître des
lieux. Les chiens se taisent alors et se perdent dans l’obscurité des
alentours, tandis que Walburge considère un moment celui qui vient de
paraître.
C’est un homme assez jeune, dont le visage exprime
une noire désolation. Les cheveux défaits, la barbe hirsute, le regard sombre
et comme égaré, tout en lui dénote une détresse dont Walburge mesure la
profondeur lorsqu’elle s’entend dire :
— Venez-vous ajouter à notre détresse ?
Que voulez-vous à cette heure ? Pourquoi mes chiens ne vous ont-ils
pas mise en pièce ?
— Dieu m’a gardée de leurs dents féroces,
répond-elle. C’est lui qui m’envoie vers vous.
— Dieu ? dit-il en la regardant avec
étonnement. En ce cas, entrez, ma Mère, je ne saurais aller contre Lui.
Et après avoir refermé la porte
derrière elle :
— Pourtant, il me faut remonter là-haut. Voulez-vous
me suivre ?
Sans répondre, l’abbesse emboîte le pas à son
guide et tous deux pénètrent bientôt dans une chambre éclairée par
d’innombrables bougies illuminant toute chose comme le plein soleil. Dans un
coin de cette chambre meublée richement, un lit est dressé tendu de soie et
d’or, au pied duquel se tient une femme éplorée, et, dans le lit, une pâle
figure d’enfant, les yeux grands ouverts sur cette féerie de lumière.
À cette vue Walburge s’arrête.
— Notre fille, notre unique, va mourir, dit le père.
Mais la nuit l’épouvante, c’est pourquoi nous avons allumé tous ces
flambeaux.
— Dieu ne veut pas que cette enfant meure, dit
Walburge. Il a puissance sur la vie et sur la mort elle-même. Croyez-vous
cela ?
— Hélas ! dit la mère, les plus habiles
médecins sont venus et n’ont rien pu pour la guérir.
— Dieu est le seul véritable médecin, reprend
Walburge. Lui seul envoie la mort ou la vie, frappe ou guérit selon ses
desseins miséricordieux et impénétrables. Éteignez ces lumières !
Une telle autorité émane d’elle que les parents
n’osent s’opposer aux désirs de l’abbesse. Une à une les chandelles sont
éteintes. Il n’en reste qu’une seule et Walburge congédie le père et
la mère.
— Je passerai la nuit ici, poursuit-elle. Vous,
aidez-moi dans mes prières en mettant toute votre confiance en Dieu.
Qui connaîtra les échanges d’amour entre le Créateur
de l’Univers et son humble servante ?
À l’aube, l’enfant qui s’était assoupie sans
ressentir aucune frayeur, ouvre les yeux et sourit à Walburge. Et
celle-ci, toute pénétrée de l’admirable condescendance divine, rend leur fille
unique aux parents éperdus de reconnaissance.
— Je ne vous demande qu’une grâce, c’est de me
reconduire à Heidenheim, je n’en connais pas le chemin.
…
Mais Sainte WALBURGE connaissait mieux que quiconque le chemin qui mène
à Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ.
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