Votre
capsule historique hebdomadaire : la tradition de la Saint-Jean-Baptiste !
Selon le calendrier liturgique
catholique, deux dates sont associées à saint Jean. L’une l’est à saint Jean
l’apôtre et évangéliste (le 27 décembre), l’autre à saint Jean le Baptiste
(24 juin). En fait, les deux sont associés aux solstices, universellement
célébrés en Occident depuis l’Antiquité. Selon les Évangiles, tous deux sont
cousins de Jésus. Mais c’est saint Jean le Baptiste qui attire aujourd’hui
notre attention.
Les fêtes du solstice d’été sont
déjà présentes à l’époque du néolithique, tel que l’archéologie l’a démontré à
Stonehenge (comté du Wiltshire, sud de l’Angleterre). Là, le peuple qui y
vivait a construit il y a plus de 4 000 ans une première enceinte
circulaire constituée d’un remblai de terre qui a servi à la construction d’un
talus en son centre. Plus tard fut ajoutée une première enceinte de pierres
levées, remplacées ensuite par 75 mégalithes de pierre bleue, puis par
30 cromlechs qui forment un cercle. Habituellement, cet ensemble est
considéré comme ayant un lien avec le solstice.
À l’Antiquité, les fêtes du
solstice d’été sont liées à la fertilité. La symbolique du feu visait soit à
soutenir l’action du soleil qui passe de son apogée au déclin, mais est aussi
une réponse terrestre (les feux allumés) au feu céleste (le soleil). Cette fête
de la fertilité s’appliquait autant à la terre (agriculture) qu’à l’élevage et
au couple.
Lorsque le christianisme
s’installe en Europe, elle doit subir la concurrence des religions païennes. La
meilleure façon d’y parvenir consiste à intégrer dans ses rites ceux de ses
concurrentes. Ce syncrétisme permet une transition facile entre les anciens
cultes et les nouveaux. En instituant la Saint-Jean-Baptiste et ses feux aux
rituels chrétiens, l’Église permet une intégration facile à la nouvelle
religion. En associant le feu du soleil à l’eau du baptême, les premiers
chrétiens vont faire une association par opposition.
Jean le Baptiste, selon les
Évangiles, est le cousin de Jésus puisque sa mère, Élisabeth est une parente de
Marie. L’Islam, qui reconnaît Marie (Myriam), Jean (Yahiâ) et Jésus (Issa),
fait de Marie la sœur (ou demi-sœur) d’Élisabeth. Son existence est attestée
dans Les antiquités juives de
Flavius Josèphe. Selon les sources (l’évangile selon saint Jean et Flavius
Josèphe), saint Jean le Baptiste serait lié aux mouvements baptistes du premier
siècle, sans être lié aux disciples de Qumrân (manuscrits de la mer Morte) et
aurait exercé une grande influence sur différents mouvements judaïques de
l’époque. Par son père Zacharie, il serait lié à la caste sacerdotale du
judaïsme (Cohen). Certains écrits apocryphes semblent indiquer que Jésus et
certains de ses premiers disciples (André, Simon-Pierre, Philippe et Nathanaël)
auraient d’abord été des disciples du Baptiste. Selon l’évangile selon saint
Marc, Jean le Baptiste, emprisonné par Hérode Antipas est décapité à la demande
de Salomé. La tradition aurait voulu qu’il soit fêté le jour de sa mort,
mais comme Marie et Jésus, il est principalement fêté le jour de sa naissance.
Au début du christianisme, l’Église cherche à interdire les feux du
solstice, considérés comme païens. Jusqu’au VIIIe siècle, elle
a donc combattu, sans succès, la construction de feux lors du solstice d’été.
Cependant, afin d’aider à la conversion des peuples européens, elle finit par
l’accepter et à l’intégrer. À partir de ce siècle, le rite païen est intégré à
la fête chrétienne, au point que jusqu’au concile de Trente (1545 – 1553) cette
fête était précédée d’une période de jeûne. Le feu de la Saint-Jean et la messe
qui suivait vers minuit mettent, dans la nuit du 23 au 24 juin, fin à ce
jeûne. Les jeunes couples sautent les braises du feu qui s’assoupit avec le
lever du jour afin de se promettre amour et mariage. Dans certains pays, ces
fêtes symbolisent la lutte entre le bien et le mal (le feu purificateur),
l’opposition entre le jour et la nuit : les feux allumés essayant de
repousser l’arrivée de la nuit. Dans certaines traditions orales, les herbes
cueillies la nuit de la Saint-Jean ont des vertus particulières, dont de se
garder « tout l’an » ou même de protéger ses possesseurs : pour certains
c’est de la foudre et des voleurs, pour d’autres de la stérilité (des femmes),
pour d’autres des maladies. Selon une vieille tradition québécoise, récolter
les spores de certaines fougères comme l’osmonde royale (osmunda regalis)
à minuit la nuit de la Saint-Jean, permettait « de connaître le présent et
l’avenir », de trouver des trésors cachés.
En Europe, ces festivités vont se perpétuer jusqu’au XVIIIe siècle
pour tranquillement s’estomper. Chez nous, fêter la Saint-Jean-Baptiste arrête
d’être fêtée avec la Conquête. Pour des raisons inconnues, les Canadiens
finissent par oublier les fêtes de la Saint-Jean. Ce n’est que dans les
années 1830 que renaît cette tradition. Ludger Duvernay, dans une volonté
de donner une fête nationale aux Canadiens (lire ici les habitants du
Bas-Canada, donc du Québec), organise à Montréal un grand banquet le jour de la
Saint-Jean-Baptiste où se côtoient les personnalités les plus en vue de
Montréal, quelle que soit leur origine. Un an après, les journaux encouragent
les Canadiens à fêter ensemble et à reprendre la tradition qui existait lors du
Régime français. Quelques années plus tard, la Rébellion des Patriotes met les
festivités sur pause. Ce n’est que partie remise puisqu’en 1843, dès son retour
d’exil, Duvernay remet en marche le journal La Minerve et
fonde la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et organise le premier défilé
de la Saint-Jean. La tradition se rétablit dans les villes et campagnes. Si
Montréal a son défilé, le 24 juin, Québec remet en pratique la tradition
du feu dans la nuit du 23 au 24 juin. Une nouvelle tradition, celle de la
fête nationale est née. Si elle naît en 1842 avec le premier défilé de la
Saint-Jean, ce n’est que plus d’un siècle plus tard que naît la « Fête nationale du Québec », lorsque le
Gouvernement de René Lévesque en vote la transformation en journée nationale
fériée en 1977.
En fait, le milieu du
XIXe siècle correspond à un renouveau des fêtes
du solstice d’été (le 21 juin est depuis 1996 la journée nationale des
Peuples autochtones) et au retour des traditions millénaires : Pays
scandinaves, slaves et baltes, la France, la Belgique, l’Espagne et l’Italie
participent maintenant à ce renouveau. Chez certains les feux sont allumés la
veille, chez d’autres on organise de grands banquets.
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