Sainte Kateri
Tekakwitha : seconde patronne de l’Église des missions par Christophe Albert
Kateri Tekakwitha, "la plus belle fleur épanouie au
bord du Saint-Laurent", telle est l' inscription en iroquois qu'on peut
lire sur la tombe de cette jeune Indienne, morte à 24 ans. Preuve que Dieu aime
"ce qui est petit" et qu'il choisit souvent des enfants ou des gens
très simples.
La vie de Kateri Tekakwitha est tout entière un message de
simplicité évangélique, de générosité, de confiance et d'amour ardent pour le
Christ.
C'est au cœur de la Nouvelle-France, futur Québec, qu'est
née en 1656 Tekakwitha, d'une mère algonquine chrétienne et d'un père iroquois.
A quatre ans, elle se retrouve orpheline, seule survivante de sa famille,
emportée par une terrible épidémie de petite vérole. Son visage est marqué et
sa vue en ressort affaiblie, d'où le nom de Tekakwitha,
"celle-qui-avance-en-hésitant". Miracle vivant que cette enfant,
désormais revêtue d'un grand châle qui protège ses yeux du soleil, et qui n'aura
pourtant de cesse de réaliser sans hésiter sa vocation : être pleinement unie à
Dieu, alors qu'elle ne connaît pas encore le baptême. Mystère que cette humble
présence de Dieu dans le cœur d'une fillette, isolée au milieu d'un peuple
encore sauvage qui vit dans la forêt. Car, de sa petite enfance, Tekakwitha a
gardé en mémoire les chants et les prières que lui a appris sa mère
"Fleur-de-la-prairie". Dans le silence de la forêt, elle aime la
retrouver, grâce au "Grand-Esprit", et prier sans cesse. Les Iroquois
eux-mêmes sont bien en peine de la comprendre. Certes, elle participe aux
travaux de la tribu, elle charme tout le village par sa gentillesse et sa
docilité, mais ses refus successifs de toute proposition de mariage choquent
les mœurs des Indiens et provoquent mépris et jalousie. A plusieurs reprises,
elle est même obligée de s'enfuir, ce qui ne l'empêche pas, au retour, de
pardonner à tous ceux qui la font souffrir.
Un jour, des missionnaires jésuites décident de s'installer
pour quelques années au village. A leur contact, Tekakwitha prend conscience du
désir qui l'anime : elle aspire, par le baptême, à devenir véritablement
chrétienne. De sorte qu'en 1673, après que trente Iroquois adultes ont reçu le
baptême, un des pères jésuites, Jacques de Lamberville, la remarque. Très vite,
il est touché par la pureté et le courage de cette jeune fille. Tekakwitha a
dix-sept ans ; grâce à lui, elle devient catéchumène et se passionne pour
l'histoire sainte. Trois ans plus tard, enfin, elle réalise son vœu le plus
cher : elle est baptisée le dimanche de Pâques 1676 en adoptant le nom de
Kateri (Catherine, en iroquois). Sa simplicité, sa joie modeste, sa douceur
foncière font l'émerveillement de tous les assistants et lui gagnent
l'affection d'une partie de la population.
Kateri réalise des progrès étonnants et rapides : ainsi elle
manifeste une ferveur particulière devant le Saint-Sacrement qu'elle vient
adorer une grande partie de la journée. Elle aime aussi retrouver sa chère
forêt et prier devant une croix qu'elle a elle-même tracée sur l'écorce d'un
arbre. Elle prie régulièrement pour le salut de ses frères, les Indiens, malgré
la méchanceté, les calomnies et les persécutions de bon nombre d'entre eux qui
n'acceptent pas la singularité et l'originalité de sa foi. Pour la protéger, le
P. de Lamberville l'aide à se réfugier à la Mission Saint François-Xavier, sur
le Saint-Laurent. "Vous connaîtrez bientôt le trésor que nous vous
donnons, écrit-il au P. Frémin. Gardez-le donc bien ! Qu'entre vos mains il
profite à la gloire de Dieu…"
Kateri, à la Mission, semble avoir trouvé sa vraie famille.
Des Indiens de tous les clans, en général ennemis (Algonquins, Hurons,
Iroquois), y vivent en frères et s'aiment profondément. C'est dans ce milieu si
favorable qu'elle s'épanouit, et qu'elle se prépare à la première communion
pour Noël 1677 en se confiant à Marie, "la Mère du Grand-Esprit"
comme l'appellent les Indiens. Le P. Cholenec écrit : "Cette jeune fille,
toute sauvage qu'elle était, se trouvait si pleine de Dieu, et elle goûtait
tant de douceurs, dans cette possession, que tout son extérieur s'en
ressentait… Il ne fallait pas être longtemps avec elle pour en être ému et pour
être réchauffé de ce feu divin." La jeune Amérindienne, illettrée,
parvient même à ce que les théologiens appellent "l'union divine".
Avec quelques amies, elle songe alors à fonder une communauté de religieuses
indigènes, mais son directeur spirituel, l'estimant encore trop jeune dans la
foi, l'en dissuade. Son désir d'être consacrée à Dieu seul, de ne vivre plus
que pour Lui ne cesse de grandir ; elle soupire après la vie consacrée des
"femmes blanches", les religieuses au service du Seigneur. Or, chez
les Indiens, cela n'existe pas ; même les chrétiens du village ne peuvent
admettre une telle démarche. Mais, le 25 mars 1679, le P. Frémin permet enfin à
Kateri de prononcer officiellement le vœu de virginité. A partir de là, sa vie
n'est plus qu'action de grâce ; elle s'impose des mortifications de plus en
plus pénibles, pour s'unir plus intimement, par amour, aux souffrances du
Christ. L'église devient presque son unique demeure. Été comme hiver, avant le
soleil, elle se lève à quatre heures du matin et vient s'agenouiller sur le
seuil, immobile, en adoration ; elle assiste à toutes les messes et reste
longtemps en prière devant le tabernacle ; elle visite les malades, rassemble
autour d'elle les enfants, aide les missionnaires…
Mais à un tel rythme, sa santé décline au point qu'elle est
bientôt contrainte de s'aliter. Les enfants et les jeunes du village viennent
la voir. Tous veulent l'écouter parler de Marie, de Jésus, du "Père qui
est dans le ciel", des saints. Son visage est lumineux, les missionnaires
le verront même transfiguré, au soir de sa mort, le mercredi saint de l'année
1680.
En cette fin de XVIIème siècle, où s'épanouissent le règne
de Louis XIV et la grande spiritualité française, une petite âme infiniment
discrète, à l'autre bout du monde, s'en va rejoindre le ciel à la rencontre du
Seigneur. Une petite âme, dont la vie effacée, empreinte de réserve et de
modestie, était toute tournée vers Dieu et vers son peuple pour lequel elle
priait sans cesse, suppliant qu'il daigne accueillir pleinement la Bonne
Nouvelle. "Qui est-ce qui m'apprendra ce qu'il y a de plus agréable à
Dieu, afin que je le fasse ?", avait-elle coutume de dire. Trois siècles
plus tard, en 1980, le Pape Jean-Paul II élève Kateri au rang des Bienheureux,
puis la nomme seconde patronne de l'Église des Missions en 1983. Dieu,
vraiment, aime "ce qui est petit"…
Elle est canonisée par le Pape Benoît XVI le 21 octobre 2012
et devient la première sainte amérindienne
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire