mercredi 12 juin 2019

Conte nature et jardin -Publié par Cap-Éveil Sophie et l'arbre magique Texte de Soph' Atchoum


Il était une fois une petite fille prénommée Sophie qui vivait depuis toujours avec son grand-père.
Un jour, le vieil homme alla chercher dans le grenier une boîte où il avait précieusement conservé de multiples souvenirs accumulés tout au long de son existence : une lettre jaunie par le temps et gribouillée d'encre noire, une boîte d'allumettes portant des inscriptions mystérieuses, quelques pièces de monnaie que Sophie n'avait jamais vues auparavant, un ruban de la couleur des roses fanées que le grand-père embrassa en silence, la photo noir et blanc d'un petit garçon aux cheveux bouclés... et tant d'autres trésors encore.
A un moment, le grand-père plongea sa main tout entière sous un amas de cartes postales, fouilla le fond de la boîte, puis en ressortit son poing serré.
Il tourna sa paume au ciel et rouvrit doucement ses doigts, dévoilant aux yeux de la petite fille une sorte de pépite couleur or qui scintillait de mille feux.
« Ma petite Sophie, ceci est la graine d'un arbre magique. Il te suffit de la planter sous quelques centimètres de terre, dans un endroit du jardin que tu aimes, pourvu qu'il soit au soleil et à l'abri du vent...
- Ooooh ! interrompit Sophie. Un arbre magique ? Mais de quelle magie parles-tu grand-père ?
- Tu le sauras si tu chéris et protèges cette graine, puis l'arbre qu'elle fera naître, tout comme le secret qu'il recèle. Maintenant va, ma petite. »
Sophie ne demanda pas son reste et fila à toute allure. Elle savait déjà où elle planterait cette pépite magique : tout au fond du jardin, entre le vieux pommier et la cabane où elle se cachait souvent pour raconter des secrets à sa poupée et où personne ne venait la déranger.
Elle creusa un trou avec application, y déposa la graine en se répétant les mots de grand-père : « quelques centimètres... au soleil... et à l'abri du vent. »
Une fois cela terminé, elle alla remplir son arrosoir d'eau fraîche et arrosa copieusement la terre. Elle traça aussi un cercle autour de la pépite enfouie et le décora de jolies pierres empruntées à l'allée du jardin. Puis elle recula de quelques mètres, admira fièrement son ouvrage, et attendit quelques instants, espérant voir surgir une petite pousse verte du sol. Mais rien ne se passa.
Elle se rappela que les plantes, les fleurs et les arbres ont besoin de temps pour grandir et regagna donc la maison, résignée à patienter jusqu'au lendemain.
Sitôt réveillée, Sophie bondit de son lit, dévala les escaliers, traversa la cuisine comme une fusée, laissant à peine échapper un furtif « B'jour » à son grand-père qui préparait le petit déjeuner.
Elle se précipita vers la vieille porte de la maison et galopa jusqu'au fond du jardin. Arrivée près de sa cabane et de son pommier fétiches, elle demeura bouche-bée.
Se dressait devant- elle le plus joli des arbres que ses yeux eussent jamais vus : il mesurait quelques mètres de haut, n'étant ni démesurément grand, ni trop petit. Son contour figurait une courbe arrondie dans le ciel et ses feuilles, en forme de larges cœurs et d'un vert vif et tendre, le décoraient à merveille.
Sophie s'approcha avec hésitation, comme si elle ne pouvait pas croire au spectacle qui s'offrait à elle. Elle frôla le tronc de la main pour s'assurer que l'arbre était bien réel.
« Shhhhhh... » Il agita son feuillage qui siffla dans l'air.
Sophie fit un bond en arrière. Puis elle se ravisa, s'approcha à nouveau et vint cette fois tâter l'arbre avec plus d'assurance.
« Shhhhh... Shhhhhh... » Il remua ses branches de plus belle.
« Mon bel arbre, tu essaies de me parler ? tenta Sophie.
- Shhhh ! Shhhh ! Shhhh ! lui rendit-il en se démenant comme un diable.
Sophie comprit le message cinq sur cinq.
Elle demanda toutefois :
- Tu es bien un arbre magique, n'est-ce pas ?
- Shhhh... Shhhh...
- Alors tu devrais pouvoir parler comme moi, non ?
L'arbre demeura silencieux.
- A quoi peux-tu donc servir dans ce cas ?
Rien ne se passa.
Sophie observa l'arbre, perplexe, essayant de décrypter son secret, mais après quelques minutes, finit par se lasser et sentit son ventre gargouiller.
- Écoute, dit-elle, je reviendrai te voir plus tard. Pour l'heure, je m'en vais déjeuner car mon ventre crie famine. »
Elle tourna les talons un peu déçue et commença à redescendre vers la maison. Mais au même moment, un curieux bruissement se fit entendre derrière elle. Sophie fit volte-face et vit l'arbre s'ébranler vigoureusement, faisant tourbillonner toutes ses feuilles sur elles-mêmes comme autant de petites girouettes.
Lorsque l'ordre fut revenu, l'arbre portait sur ses branches une multitude de petits pains au chocolat.
Sophie n'en revint pas. Elle contempla l'arbre magique puis se décida à cueillir un petit pain au chocolat qui se trouvait là, juste à porter de main. Hum... Il était délicieux : encore tiède, comme ceux de la boulangerie au petit matin, et tellement moelleux !
Sophie en savoura chaque bouchée, tandis qu'une idée un peu farfelue naissait en elle : et si l'arbre magique pouvait satisfaire ses autres envies ?!
Quand elle eut finit son petit déjeuner improvisé au fond du jardin, elle s'adressa à son nouveau compagnon :
« Veux-tu bien jouer l'air que maman me chantait lorsque j'étais bébé ? »
Aucun son ne se fit entendre.
Un peu triste, Sophie songea avec mélancolie à ce refrain qu'elle aimait tant. Alors, l'arbre fit une nouvelle fois frémir et tournoyer ses feuilles à vive allure. Puis il ralentit ses mouvements et Sophie découvrit des notes de musique perchées dans les airs et que l'arbre faisait tinter successivement :
« La lalala la la, la la la la la... »
Elle reconnut la mélodie et se mit à fredonner de concert : « Colchiques dans les prés, fleurissent fleurissent... »
Elle comprit aussi que l'arbre pouvait en fait exhausser les vœux qu'il lisait dans ses pensées de petite fille.
A la fin de la chanson, les notes s'immobilisèrent, mais demeurèrent en place. Sophie eut l'idée de se munir d'une petite baguette de bois et tapota l'une d'elles qui vibra en émettant un joli son aigu. Elle pianota ainsi sur plusieurs notes et s'amusa à composer sa propre mélodie.
Ensuite, elle songea très fort à Noël et aux lumières qui illuminent alors joyeusement toutes les rues et les fenêtres des maisons. L'arbre s'ébroua encore tout entier, puis réapparut aux yeux émerveillés de Sophie, vêtu d'un festival de guirlandes et de lumières colorées.
La petite fille passa ainsi un long moment à jouer avec l'arbre et à voir chacun de ses désirs se concrétiser.
Le lendemain était jour de classe. Sophie se rendit à l'école tout excitée, pressée de raconter à ses petits camarades les prouesses de son arbre magique.
Après les cours, elle voulut absolument leur montrer le pouvoir qu'elle possédait maintenant grâce à la pépite confiée par grand-père. Elle les mena en haut du jardin, où ils restèrent d'abord un peu sceptiques devant le spectacle d'un arbre qui leur parut des plus ordinaires.
Pour les épater, Sophie pensa très fort à des dizaines de bonbons, dont elle pourrait régaler tous ses amis. Comme elle l'avait vu faire la veille, l'arbre se mit à frémir bruyamment en agitant ses feuilles et ses branches.
Lorsqu'il cessa, il était affublé de pompons multicolores de toutes parts.
« Mais non ! s'exclama Sophie. Ce n'est pas ce que je t'ai demandé ! Je voulais des bonbons, tu comprends ? Pas des pompons ! »
Mais rien ne se passa.
Très bien, songea Sophie, essayons autre chose. Elle se concentra très fort sur sa chanson préférée pour faire apparaître les notes de musique avec lesquelles elle s'était amusée la veille.
L'arbre entra en mouvement, fit tournicoter ses feuilles, puis s'arrêta.
Maintenant, il était couvert de gros corbeaux tout noirs qui coassaient à tue tête en lançant des gammes absolument disgracieuses :
« Coa Coa Coa Coa Coa... »
Sophie commença à perdre patience, à la fois vexée d'être ridiculisée devant ses petits camarades et très énervée que ses désirs ne fussent plus exhaussés à la lettre.
Ne voulant ni céder ni perdre la face, elle demanda par la pensée des sacs de billes, mais récolta des paquets de lentilles, commanda des étoiles mais obtint d'affreux lambeaux de toiles, rêva de poupées pour jouer, mais l'arbre lui offrit des épis de maïs, insista pour qu'il se couvre de ballons de baudruche, mais il lui servit des oeufs d'autruche !
Au fur et à mesure que Sophie s'emportait et lançait des requêtes en rafales, les feuilles de l'arbre tournaient de plus en plus vite. Des tourbillons s'élevaient désormais jusqu'à plusieurs mètres de haut et un épais nuage de poussière finit par dissimuler entièrement l'arbre, des racines aux plus hautes de ses branches.
Puis, progressivement, les courants d'air ralentirent leurs courses folles, les tourbillons perdirent de leur vigueur et le brouillard commença à se dissiper. Lorsque le calme fut enfin revenu, l'arbre avait disparu.
Sophie resta sous le choc ; ses petits amis repartirent en se moquant bien de ses caprices.
Il fallut longtemps à la petite fille pour comprendre qu'elle avait trahi le secret de son grand-père et de l'arbre magique.
Elle réalisa que les trésors dont vous gâte parfois la vie sont, par nature, éphémères. Qu'il faut savoir les chérir précieusement, sans jamais chercher à en retirer un pouvoir quelconque sur les choses ou les êtres. Que la convoitise et la vantardise enfin, peuvent se révéler très destructeurs.
Sophie disposait maintenant en elle d'une nouvelle pépite, qui germa au fil des années et produisit de très jolis effets !

Aucun commentaire: