En ce temps-là, il y a très longtemps, vivait un
berger. Ce berger s’appelait Martin et il habitait une petite maison autour de
laquelle gambadaient les chèvres qu’il gardait pour son maître.
Martin aimait bien ses chèvres, qui étaient très
jolies, surtout Sarah, une petite chèvre espiègle et très coquette.
Les fleurs faisaient la révérence devant elle et ne
cessaient de l’admirer.
Sauf le muguet, qui la trouvait trop orgueilleuse.
Ce manque de considération de la part du muguet
vexait très fort Sarah, qui passait devant cette fleur si différente que les
autres en lui lançaient des regards méprisants. Il faut vous dire qu’en ce
temps-là, le muguet n’avait pas encore les jolies clochettes qu’il montre au
printemps : c’était une plante sauvage dont les fleurs étaient dépourvues
d’éclat, rondes et sans ornement.
Plus
capricieuse de jour en jour, la jolie Sarah se moquait aussi de Martin, son berger.
Elle s’éloignait souvent du troupeau et se cachait derrière un buisson où
Martin la retrouvait facilement.
Comme Sarah aimait alors entendre la voix soucieuse
de son berger qui l’appelait, très inquiet!
Parce qu’il craignait de perdre la chèvre la plus
jolie de son troupeau !
Sarah était très fière de le voir la chercher
partout…
Peu à peu, Sarah provoqua ainsi la mauvaise humeur
de ses compagnes. Car elle se moquait bien des autres chèvres, qui n’étaient
pas aussi jolies qu’elle.
Son orgueil devenait vraiment insupportable. Martin
lui-même se fâchait lorsque Sarah se montrait trop désobéissante.
Et l’herbe murmurait :
"Comme
Sarah est capricieuse !"
Les fleurs elles-mêmes ne faisaient plus la
révérence devant une chèvre aussi désobéissante. Elles finirent par partager
l’opinion du muguet. Mais, indifférente
à la mauvaise humeur qu’elle provoquait autour d’elle, Sarah restait
capricieuse.
Un jour, le maître du domaine passa et il demanda à
Martin si ses chèvres se portaient bien.
- Oui, dit Martin, mais Sarah me cause bien des
soucis.
- Mets-lui donc un collier autour du cou ! suggéra
le maître. Un collier muni d’une clochette : de cette manière tu sauras
toujours où elle se trouve en entendant le bruit de la clochette !
Déjà, tout le monde se moquait d’elle. Tout le monde
? Eh bien, non ! Car le muguet ne riait pas. Il avait bon cœur, au fond, le
petit muguet, et il voyait des larmes dans les yeux de Sarah.
La petite chèvre s’en alla tristement à l’écart de
ses compagnes. Et elle se mit à verser de grosses larmes.
Adieu, fierté ! Adieu, caprices ! Elle allait porter
un collier ! Quelle honte pour une petite chèvre indépendante !
Lorsque le maître fut parti, Martin prit un collier
muni d’une clochette et il voulut le passer autour du cou de Sarah. Mais la
petite chèvre fit des bonds si terribles qu’elle abîma le collier et que Martin
dut le jeter.
- Tu ne perds rien pour attendre, dit-il. Je laisse
la clochette sur l’étagère de la grange et j’apporterai un autre collier
demain.
Et Martin regagna sa maison. Sous l’étagère sur
laquelle il avait déposé la clochette, la nuit venue, Sarah pleurait toujours.
Elle regrettait bien, à présent, de n’avoir pas été obéissante. Quand le soleil
réapparut dans le ciel, la petite chèvre se traîna tristement sur l’herbe.
Pris de pitié, le muguet l’appela :
- Secoue l’étagère, dit-il, et fais tomber la
clochette sur le sol, puis apporte-la-moi.
Sarah ne comprenait pas ce que le muguet avait
l’intention de faire, mais elle obéit et lui apporta la clochette.
- Maintenant, dit le muguet, devant toutes les
autres chèvres, promets d’être plus gentille et plus sage !
- Oui, oui, je le promets ! dit Sarah.
- Alors, dit le muguet, rejoins le troupeau comme si
rien ne s’était passé.
- Que vas-tu faire de la clochette ? demanda Sarah.
- J’en fais mon affaire ! répliqua le muguet.
Sarah était si heureuse de pouvoir gambader avec
insouciance qu’elle n’insista guère. Mais elle n’oubliait pas sa promesse et se
montrait gentille et amicale.
Le muguet de son côté, rassembla ses pétales autour
de la clochette qui se trouvait par terre, à côté de lui, la recouvrant presque
complètement. Et il demeura immobile dans cette position, pour cacher la
clochette. Peu à peu, les pétales réunis prirent la forme de la clochette.
C’est de là que vient l’aspect de ces fleurs.
Martin, le berger, ne retrouva jamais la clochette.
Mais il ne s’en soucia guère, car Sarah était
devenue si docile et répondait si bien au moindre de ses appels qu’il n’en
avait plus besoin pour la retrouver. Pourtant, Martin se demanda toujours
pourquoi Sarah caressait du bout de sa langue un étrange muguet qu’elle
semblait adorer. Il ne comprenait pas davantage comment il se faisait que tous
les muguets qui poussaient par- là ressemblaient à des clochettes. Mais il
trouva les fleurs jolies et prit l’habitude d’en offrir à son maître tous les
ans, au mois de mai.
Les
grandes personnes ignorent tout cela, quand elles offrent du muguet. Mais les
enfants pensent toujours à Sarah, au mois de mai.
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