samedi 16 mai 2020

La légende du Puy des Roches


Les Pierres ou Rochers de la Vierge ou Roches de Narfouilloux (Villemonteix)
Les Roches se situent à Puy des Roches sur les hauteurs de Villemonteix.
Les gens du pays disent que la Sainte Vierge les avait portées dans son tablier.
Au sommet d’une éminence dominant le village de Villemonteix, on remarque deux énormes masses rocheuses que dans la région on appelle « Les Roches ». On prétend que c’est la Sainte Vierge qui les a apportées dans son tablier, et on y montre la trace de ses pas ainsi que la forme gravée du « berceau de l’Enfant Jésus ». L’endroit est mal famé. Ces roches ont longtemps servi de tannière à une louve qui fit beaucoup de victimes dans le pays.
                 (Denise Roux)
Albert Goursaud : Pierres à légendes et pierre curieuses du Limousin (BSELM n°34, Limoges, 1969, page 154)

Version religieuse de l’histoire des Roches de Villemonteix

Voici la version religieuse de l’histoire des Roches de Villemonteix, racontée par Françoise Myrh, qui la tenait d’un vieux curé qui lui avait fait lire cette légende.
Comme toutes les mères douloureuses, quand la Sainte Vierge vit son fils expirer sur la croix, elle resta un long moment complètement insensible, à force de souffrance, et sa raison vacilla, telle la raison de toutes les pauvres mamans amputées de leurs enfants… Dieu eut pitié de ce cœur en détresse : deux anges descendirent du ciel et portèrent la Vierge en la soutenant de chaque côté, la portèrent en volant, par-dessus les collines, par-dessus les vallées, par-dessus les hautes montagnes, afin de bercer sa douleur, afin de la ramener à la réalité et à la vérité qui est dans le calme et dans l’acceptation de tout ce qui nous arrive par la volonté du Tout-Puissant.
Elle parcourut ainsi la Palestine et l’Europe Centrale, puis arriva dans un pays d’Occident, pays sauvage et frais dont l’air vif la fit sortir de sa torpeur et la força à examiner les lieux. L’herbe humide, les genêts verts, les mousses crissantes, les bruyères roses répandaient des parfums pénétrants qui, avec l’appel de la grande forêt, l’incitèrent au repos et à goûter un peu la douceur et la fraîcheur du climat Lemovice. Elle demanda à s’arrêter sur une humble colline de faible altitude, couverte de bruyère rose et d’ajoncs piquants. Elle se recueillit un peu au sein de cette nature morose et mélancolique et en joignant les mains pour sa prière instinctive, elle s’aperçut qu’elle avait emporté deux petits cailloux qu’elle avait arrachés en se roulant de douleur là-bas sur le Golgotha. Elle leur dit en les posant à terre et sans penser que c’étaient des choses inertes et inanimées : « – Croissez, croissez petites pierres et donnez-moi le calme en soulageant ma peine. »
Dès qu’elle eut prononcé cette vague formule, elle vit les deux petites pierres grandir rapidement et former deux énormes blocs de granit gris. Les deux anges qui ne l’avaient pas quitté, la hissèrent au sommet des roches et ce qu’elle vit, l’hypnotisa et la charma de suite.
Dans une sorte d’excavation de l’une des roches, creusée en forme de berceau où plutôt de crèche, un petit enfant rose aux cheveux blonds vagissait et souriait… Elle poussa un cri de bonheur angoissé, auquel une voix douce et connue répondit doucement : « – Ne pleure pas, c’est moi »… et alors elle pleura, pleura tant et tant que ses larmes creusèrent et remplir l’autre excavation qui est en forme de chaudron. Et quand elle eut pleuré, pleuré toutes les larmes de son corps, comme le veut l’expression consacrée à la douleur, quand elle eut bien épanché sa peine comme tous les humains… le petit enfant qui n’était qu’un mythe hélas, le petit enfant rose disparut du berceau… mais la mère consolée, grave et sereine, reprenait le chemin de son pays de la même manière qu’elle était venue en répandant autour d’elle un charme suave et doux qui persiste encore et berce les douleurs. Un chevrier qui ramenait une bande de chevrettes sauvages et un chasseur qui portait un chevreuil sur un épieu pointu, furent témoins des faits que je viens de vous raconter.
Ils aidèrent à bâtir la chapelle qui, transformée et rapetassé bien des fois depuis ce temps, sert encore d’église au lieu- dit « Cheissoux-la-Chapelle », on peut même y constater l’absence de clocher, car ce n’était pas une vraie église. Le chevrier qui n’était pas un artiste, essaya pourtant de fixer les traits de la Vierge et des anges, et ne réussit qu’à deux statuettes grossières, qui ornent quand même la grande croix de granit qui marque l’entrée de la chapelle, là-bas, dans le fond du petit bourg de Cheissoux. Celui-ci ne voulait pas que je vous décèle sa légende, car il préférait vivre heureux et caché dans le calme paisible de son air embaumé.
Une statue de la Vierge trône et orne seule l’humble église du village. Jadis les mariées portaient toutes leur bouquet nuptial sur l’autel de Marie et recevaient en récompense au bout du temps prescrit, le petit bébé rose qui avait consolé la mère douloureuse. Je sais qu’ayant abandonné cette pieuse coutume, elles n’ont plus aussi facilement d’aussi beaux enfants, ni d’aussi nombreux enfants que les mamans de jadis.
Je sais pourtant que du haut de sa petite chapelle, la Vierge Marie leur sourit à toutes, qu’elle aime tous leurs petits- enfants et réserve aux mamans douloureuses l’apaisement et le calme lorsqu’elles ont pleuré à ses pieds.


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