Conte
envoyé par Myriam, Belgique, Hainaut. Thème du conte: Penser aux autres plutôt
qu'à soi-même.
Ce soir-là, au château, le Roi Marson et la reine
dînaient aux chandelles.
Les ménestrels jouaient un air de mandoline. On en
était au dessert.
Soudain, la reine dit: «Les fêtes de Noël
approchent, Sire».
«Je sais», dit le roi. «Et je n’oublie pas que nous
régnons déjà depuis 25 ans. C’est l’occasion de faire plaisir à nos sujets.»
Certes, l’occasion était rêvée, mais encore
fallait-il trouver une idée originale, digne d’un palais royal.
Des idées, le roi n’en avait pas.
Il n’en avait jamais et les propositions de la reine
ne lui plaisaient guère.
Quant aux ministres, ils se cassaient bien la tête,
mais ne trouvaient rien d’extraordinaire.
Fut alors appelé le seul vrai savant de la maison,
maître Merlin.
Il était un peu sorcier et débordait d’imagination.
«Moi, j’ai la solution à votre problème, sire!»
Et, il montra un joli coffret précieux rempli de
pièces d’or et une clé.
«Alors?», fit le roi.
«Alors! Voici une clé magique... Elle ne tourne dans
la serrure que si celui qui l’a en main pense justement ce qu’il faut penser.
Lui seul peut alors emporter le coffret et vivre riche.»
«Mais, à quoi faut-il donc penser?» interrogea le
roi.
«Ah! ça c’est un secret que je ne puis dévoiler!
C’est vos sujets qui doivent chercher!», répondit Maître Merlin.
Cette idée plut au roi et à sa dame.
Aussitôt, un jeune troubadour parcourut la ville
pour en informer les habitants.
Un coffret précieux au palais? Une clé à secret?
Emporter le contenu? Pour toujours? Une idée de maître Merlin?.....
En ville, les gens ne parlaient plus que de cela. La
boulangère oublia les pains dans le four. Ils avaient brûlé. Et le fermier, qui
ne pensait plus qu’à gagner ce coffret, laissa la barrière ouverte, si bien que
son cheval s’échappa…
La veille de Noël, dès le matin, une longue file de
chercheurs de bonheur attendait à la porte du palais. Le roi et la reine les
regardaient discrètement d’une petite fenêtre. Ils s’amusaient beaucoup. Un
garde surveillait le coffret pendant que maître Merlin, caché derrière une
tenture, observait le déroulement des faits.
A tour de rôle, les habitants de la région essayaient
de faire tourner la clé.
«Ah! Je vais me faire construire un château aussi
grand que celui du roi» pensa l’aubergiste du village en agitant la clé dans la
serrure.
«Finie, la corvée du pain!» maugréa la boulangère en
s’acharnant sur le coffret.
«Moi, je vais ouvrir une banque… Je serai riche, car
je vais prêter ce trésor avec de gros intérêts!» se dit un des ministres, en
cherchant à forcer le couvercle.
En vain! Au bout de la matinée, personne n’avait
réussi. L’après-midi? Pas davantage.
Oh! Il y avait bien un bandit de grands chemins qui
crut voir son heure de gloire arrivée, quand la clé sembla tourner. Hélas! son
rêve de devenir roi s’effondra, car le coffret ne s’ouvrit pas.
Et le fermier qui pensait racheter un superbe cheval
fut déçu lui aussi.
Comme le tisserand qui ne pensait qu’aux magnifiques
brocards d’or qu’il pourrait acquérir avec tout ce trésor!
Et comme le médecin qui rêvait de devenir maître de
la faculté de Paris…
Une paysanne qui pensait rivaliser avec les beaux
atours de la reine s’y essaya aussi, mais le coffret restait bel et bien fermé.
Et le roi et la reine commençaient à trouver le temps long…
Mais voilà que Marcello, le petit berger, qui
arrivait vers l’église du château pour la messe de minuit entendit parler aussi
de cette nouvelle étonnante. Dans ses montagnes, l’annonce n’était pas venue
jusqu’à lui. Le patron ne riait pas quand un mouton se perdait. Déjà qu’il
recevait à peine de quoi aider sa pauvre famille…
Marcello mit donc à son tour la clé dans la serrure.
Il ne savait vraiment pas à quoi penser. Il avait tant de soucis, mais il se
dit que si le coffret s’ouvrait, il l’offrirait de tout son cœur à ses pauvres
parents…
«C’est vrai», murmura-t-il… «Ils sont si bons, je
leur apporterais nourriture et vêtements; je ferais soigner ma petite sœur
malade; je permettrai à mes frères d’aller à l’école. Et sûrement qu’il
resterait encore des pièces d’or pour les plus malheureux du village!»
Comme il pensait à tout cela, le roi et la reine et
tous les habitants du village n’en crurent pas leurs yeux. La clé venait de
tourner!
Le petit berger en pleura de joie. Maître Merlin
quitta alors sa cachette et le félicita d’avoir pensé aux autres plutôt qu’à
lui-même.
«Emporte ce coffret», lui dit-il, «et vis heureux
maintenant avec tous ceux que tu aimes!» Le bonheur déjà illuminait son visage.
Quand il s’agenouilla devant la crèche, ce soir-là, Marcello se sentit envahi
par une immense paix et une grande joie. Il entendait Jésus lui murmurer dans
le creux de l’oreille: «Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens,
c’est à moi que vous l’avez fait... Ce que vous avez fait au plus petit d’entre
les miens, c’est à moi que vous l’avez fait»…
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