Il était une fois un riche paysan qui ne pensait qu’à accumuler les
biens, sans se préoccuper de ceux qui étaient pauvres. Un jour, comme il
contemplait son coffre-fort, on frappa à sa porte. C’était un de ses
voisins, un homme très pauvre, qui avait beaucoup d’enfants à nourrir.
·
Mes enfants ont faim, dit le pauvre
paysan. Je viens vous prier de me prêter quatre mesures de blé.
·
Un rayon de soleil réchauffa le coeur de glace du riche paysan, ou bien,
peut-être eut-il un pressentiment. Toujours est-il qu’il répondit :
·
Je ne vais pas te prêter quatre
mesures de blé. Je vais t’en donner huit. Mais je veux que tu me
promettes que, lorsque je serai mort, tu veilleras pendant trois nuits auprès
de ma tombe.
·
Cette condition ne séduisait pas le pauvre paysan, mais il accepta et
rentra chez lui avec le blé.
Trois jours plus tard, le riche mourut et le pauvre dut tenir sa
promesse. À la tombée de la nuit, il alla dans le cimetière et s’assit
près de la tombe. Les heures s’écoulèrent lentement. Au matin, il
rentra chez lui, La deuxième nuit se passa aussi calmement que la
première. Quand, pour la troisième fois, il se rendit au cimetière, il
eut la surprise d’y rencontrer un homme au visage marqué de cicatrices, le
corps enveloppé d’un grand manteau qui ne laissait voir que ses bottes.
·
-Que faites-vous là? demanda le
paysan. N’avez-vous pas peur, tout seul dans ce cimetière?
·
Je suis un vieux soldat, répondit
l’inconnu. Je veux passer la nuit ici, car je ne sais où aller.
·
Puisque vous n’avez pas peur, dit le
paysan, vous allez m’aider à monter la garde près de cette tombe.
Monter la garde, c’est un travail de soldat, répondit l’autre.
Et ils s’installèrent tous les deux près de la tombe. Jusqu’à
minuit, tout fut calme. Mais, quand sonnèrent les douze coups, le diable
apparut devant les deux gardiens.
·
Allez-vous-en, cria-t-il. Je viens
chercher celui qui est dans cette tombe. Si vous restez là, je vous
emporte aussi !
·
Vous n’êtes pas un officier, je n’ai
pas à vous obéir, répondit le soldat. Nous ne bougerons pas d’ici.
·
Le diable se dit : « avec de l’or, je vais venir à bout de ces deux
nigauds. » Et il leur demanda aimablement.
·
Pour une bourse d’or, vous
accepteriez de partir ?
·
C’est à voir, dit le soldat. Mais une
bourse, ce n’est pas assez. Remplis d’or une de mes bottes et nous
partirons.
·
Je vais en chercher ! s’écria le
diable.
·
Et il partir comme le vent. Le soldat retira une de ses bottes,
et, avec son couteau, en découpa la semelle. Puis, il pose la botte dans
l’herbe, près de la tombe, le talon au-dessus d’une fosse à demi creusée.
Et ils attendirent. Peu de temps après, le diable était de retour, une
bourse d’or à la main.
·
Verse-la dans ma botte, dit le
soldat, mais je suis sûr qu’il n’y en aura pas assez.
·
Le diable versa la bourse ; l’or coula dans la botte et tomba dans la
fosse.
·
Je te l’avais bien dit, ricana le
soldat. Va en chercher d’autres.
Le diable s’en alla et revint au bout d’un moment, un grand sac sous le
bras. L’or coula dans la botte et tomba dans la fosse. Le soldat
plongea la main dans la botte. Le diable fut bien obligé de reconnaître
qu’elle était vide.
·
Si tu ne nous en donnes pas
davantage, nous ne ferons pas affaire dit le soldat.
Le diable partit de nouveau. Quand il revint, il marchait
difficilement, le dos courbé sous un énorme sac. Il en versa le contenu
dans la botte qui resta aussi vide qu’auparavant. Cette fois, le diable
se mit en colère et voulut examiner de plus près cette botte. Au même
instant, le premier rayon de soleil levant parut. Furieux mais
impuissant, le diable disparut. Le mort était sauvé.
Le paysan voulut partager l’or avec son compagnon mais celui-ci lui
dit :
·
Partageons plutôt avec les pauvres.
Nous leur donnerons ma part. Comme je n’ai pas de maison, je vais venir
habiter chez toi et ta part nous suffira pour vivre heureux.
Adapté
du conte de Grimm, Milles ans de contes, tome 2, Éditions Milan, 2007,
p.409-412
https://unebellefacon.wordpress.com/2019/09/15/la-nuit-dans-le-cimetiere-conte/
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