Auteur : Filloux, H. | Ouvrage : Au Cœur des Grandes
Alpes. Dauphiné et Savoie.
Au bord du lac
Qu’elle est belle, cette route Napoléon ! Elle
longe le beau lac de Laffrey, aux reflets d’azur… Voici maintenant le lac de
Pétichet moiré d’argent, plus loin, le lac de Pierre-Châtel plein de mystère,
parmi le chuchotement des roseaux. N’est-ce pas une bonne grand -mère, qui
rentre, chargée de bois mort, dans le soir tombant ?
— Grand’mère, il doit en passer des autos sur
la route !
GRAND-MÈRE. — L’été, ça ne cesse pas. Si vous aviez
été ici, l’autre année, en septembre, vous en auriez compté des mille. C’était
le Centenaire de la Salette.
FRANÇOISE. — Qu’est-ce que la Salette ?
GRAND-MÈRE. — Une haute montagne, à près de
deux mille mètres et bien sauvage. Quelques prairies avec beaucoup de pierres
et de rochers. Pas un arbre, pas un buisson. Et tout là-haut, une magnifique
église où l’on vient de partout prier Notre-Dame. Ah ! J’y suis allée tant
de fois quand j’étais jeune. On se mettait en route, avant le soleil,
à pied, par les sentiers de la montagne, en chantant des cantiques. Ces
veillées en plein air, ces processions aux flambeaux, c’était très beau !
ANNE-MARIE. — Pourquoi a‑t-on bâti une église
si haut ?
GRAND-MÈRE. — C’est une merveilleuse histoire.
Rentrez donc. Mon fourneau est « éclairé ». Nous serons mieux au
chaud. Et je m’en vais « puis » vous faire une –
« pogne » 1. Vous goûterez ça !
La merveilleuse visite
19 septembre 1846. — Une claire journée de soleil.
Près du ruisseau, deux petits bergers gardent leurs troupeaux : Maximin et
Mélanie. Ils descendent la pente en courant.
Tout à coup, Mélanie s’arrête, appelle Maximin.
— Viens vite ! Viens voir ! Une grande
clarté, là !
Dans la grande lumière, plus éclatante que le
soleil, une Dame vient d’apparaître. Elle est assise, vêtue comme une
paysanne, mais elle porte un diadème de Reine. La tête dans ses mains, elle
pleure…
Les enfants ont peur, mais voici que la Dame se
lève et croise les bras. Elle est tout enveloppée de lumière et son visage
rayonne. Elle regarde les petits avec tant de bonté, sa voie est si douce
qu’ils se sentent rassurés.
« Avancez, mes enfants, n’ayez pas peur. Je
suis ici pour vous conter une Grande Nouvelle. »
Maximin et Mélanie s’approchent. La Dame parle
et les enfants écoutent ses paroles, de bien graves paroles.
« Si mon peuple ne veut pas soumettre, je suis
forcée de laisser aller le bras de mon Fils… Et mon peuple va pleurer.
Des yeux de la Belle Dame, des larmes coulent…
« Je vous ai donné six jours pour travailler.
Je me suis réservé le septième et on ne veut pas me l’accorder… Et aussi ceux
qui mènent les charrettes ne savent pas jurer sans mettre le nom de mon
Fils au milieu… Ce sont les deux choses qui appesantissent tant le
bras de mon Fils… Il viendra une grande famine.
S’ils se convertissent, les pierres et les rochers
deviendront des monceaux de blé…
— Dites-moi, mes enfants, faites-vous bien votre
prière ?
— Pas bien, Madame.
— Il faut bien la faire, mes enfants, soir et matin…
Allons, mes enfants, faites passer mon message à tout mon peuple… »
Enveloppée de lumière, la Dame remonte le
ravin, effleurant l’herbe à peine.
Les enfants la suivent, ravis de sa beauté…
Elle s’élève doucement et, bientôt disparaît
laissant les enfants dans l’émerveillement.
1- Pogne, sorte de brioche.
https://www.maintenantunehistoire.fr/la-merveilleuse-visite-a-la-salette/
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