jeudi 2 janvier 2020
Les Mages
Matthieu rapporte qu’après la naissance de Jésus des
mages s’en vinrent d’Orient à Jérusalem. Ils étaient à la recherche du roi des
Juifs qui venait de naître et dont une étoile leur avait annoncé la venue. Ces mages pourraient avoir été des astrologues babyloniens,
experts dans l’interprétation des songes ; des membres de la caste
sacerdotale perse, qui se distinguaient par un savoir surnaturel. Les Juifs
chassés à Babylone avaient sans doute parlé aux astrologues du lieu de leur
attente d’un Messie. L’art du christianisme primitif a représenté les Mages
comme des prêtres de la religion de Mithra, la principale concurrente de
l’Église naissante.
Il faut voir dans ce fait une
signification toute particulière. Matthieu et les Pères de l’Église ont
interprété l’adoration de ces Mages comme le signe que les sages et les initiés
du monde entier venaient vers le Christ pour lui rendre hommage et lui apporter
des présents. Tout ce que les hommes avaient jamais pu amasser de savoir et
d’expérience débouchait sur l’adoration de l’Enfant divin.
C’est une très ample vision
que Matthieu nous transmet ainsi. Où et de quelque façon que l’on soit en
quête, quelque expérience que l’on accumule, en astrologie ou dans
l’interprétation des songes, dans la magie ou les pratiques ésotériques, peu
importe : ce que l’on retrouve au fond de tout cela, c’est la nostalgie de
l’Enfant divin, du dieu qui devient visible en s’incarnant. Il y a toujours eu
dans l’Église des courants qui, dans leur inquiétude, distinguaient
radicalement le christianisme de toutes les autres religions et condamnaient
toutes les autres voies vers le divin. Matthieu nous montre, lui, un autre
chemin.
Il s’agit de penser jusqu’au
bout le savoir du monde. On aboutit alors à ces questions : quel est le
but de l’astrologie ? Que recherche l’ésotérisme, dans toutes ses branches
si nombreuses et si diverses ? Le but, c’est de déchiffrer le mystère de
la vie : qu’est-ce que l’homme, et qui est Dieu ? D’où venons-nous, où
allons-nous ? Celui qui va jusqu’au bout de son savoir arrivera toujours
au Dieu fait homme ; c’est au Christ que le mène son savoir.
C’est pourquoi nous n’avons
pas à considérer avec inquiétude les autres voies vers le divin. Elles ne
représentent aucun danger pour notre foi chrétienne. Au contraire :
toutes, elles témoignent du profond désir de trouver le Roi nouveau-né,
l’Enfant divin à travers lequel rayonne la majesté de Dieu.
Les Mages ne représentent pas
seulement les autres peuples, les autres civilisations, les autres chemins de
la religion, mais aussi notre propre quête. Où que celle-ci se tourne, nous
sommes en route vers le Roi qui vient de naître ; en dernière analyse,
tous les chemins mènent à lui. Même celui de la magie, que figurent les Mages,
peut nous conduire jusqu’au Dieu fait homme.
Il y a une magie qui désire
s’emparer du divin, en faire sa chose. Ce n’est pas elle qui nous conduira vers
Dieu ; avec elle, nous nous cramponnons à notre Moi. La magie originelle,
au contraire, croit que Dieu se manifeste dans ce monde, et que nous pouvons
donc le connaître en accordant notre attention à l’existence terrestre et en la
vivant de façon concrète. Par la naissance du Christ, Dieu s’est révélé en
vérité dans la sphère de ce monde, dans la chair, dans l’être humain.
Mais les Mages ne parviennent
jusqu’au Christ qu’en se mettant en route et en renonçant à s’emparer de Dieu
par les pratiques de la magie. Leur chemin sera long, ils devront laisser
derrière eux tout leur savoir et se prosterner, dans un étonnement absolu,
devant le mystère de Dieu qui rayonne à travers l’enfant de Marie.
Dans l’Écriture, les Mages
sont également qualifiés d’astrologues. Ils interprètent les étoiles du ciel,
et aussi celles qui se lèvent dans nos cœurs. Si nous interprétons correctement
les astres de notre destinée, nous verrons partout présente dans notre vie la
main de Dieu qui, au-dessus de nous, nous protège et nous guide. Dieu lui-même
nous prend par la main sur les chemins tortueux de notre vie, pour nous
conduire, par-delà nos heures de chance et nos heures de déception, jusqu’à
l’Étoile qui brille au-dessus de l’Enfant divin.
Même si souvent, dans notre
nuit obscure, nous ne la voyons plus, quand nous nous sentons abandonnés de
Dieu sur notre route, Dieu nous conduit jusqu’au lieu où nous nous
prosternerons, où nous pourrons nous oublier nous-mêmes, libérés de nos
ruminations sur le chemin parcouru. Là où nous parvenons à nous oublier, nous
sommes au but, tout à nous-mêmes et tout en Dieu.
L’étoile au firmament de ton
cœur, c’est l’image de la nostalgie qui te meut. Fais confiance à ta nostalgie,
suis-la jusqu’au bout. Elle ne te laissera pas de trêve avant que tu n’aies
trouvé Dieu, son but ultime et le tien. La route sera parfois difficile ;
le désir se fera pure douleur, parce que le véritable objet de la quête ne sera
pas encore atteint.
Mais tu trouveras Dieu si tu
te laisses conduire par ta nostalgie ; elle te mènera jusqu’à la maison où
se trouvent Marie et l’Enfant divin. Là où tu prendras celui-ci dans tes bras
maternels, tu seras vraiment à la maison — chez toi.
Anselm
Grün
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire