LE CONTE DU PETIT HÉRISSON QUI NE PIQUAIT PAS DE
L’INTÉRIEUR
Il était
une fois un jeune hérisson pour qui la vie avait été difficile jusque-là. La
seule chose pour laquelle il semblait vraiment doué, c’était de se mettre en
boule… De nombreuses attaques lui avaient appris à se protéger et il savait se
faire tout rond plus vite que n’importe quel hérisson. À force de se faire
agresser, il avait d’ailleurs fini par croire que tout le monde lui en voulait.
Bien des êtres avaient essayé de s’en approcher et s’en étaient retournés tout
meurtris. C’est qu’en plus, il avait aiguisé chacun de ses piquants et prenait
même plaisir à attaquer le premier. Sans doute se sentait-il plus important
ainsi...
Avec le temps, il était devenu très solitaire. Les autres se
méfiaient de lui. Alors il se contentait de rêver à une vie meilleure ailleurs,
ne sachant plus comment s’y prendre pour sortir de cette situation d’agression
permanente. Un jour qu’il se promenait toujours seul, non loin d’une habitation,
il entendit une étrange conversation entre deux garçonnets.
– Tu sais, sur le dos il y a plein de piquants, mais mon père dit que le ventre
est aussi doux que Caramel, tu sais, ma peluche préférée, disait le plus petit.
– J’aimerais bien voir ça !
– Moi, je sais où il se cache, dit l’autre, sous ces haies.
» Tiens, se demanda notre ami à quatre pattes, ne
seraient-ils pas en train de parler de moi ? »
Ces paroles avaient excité sa curiosité. Était-il possible qu’il soit fait
d’autre chose que des piquants ? Il se cacha dans un coin et regarda
son ventre. Il lui sembla faire ce mouvement pour la première fois. Il avait
passé tellement de temps à s’occuper des petites épées sur son dos qu’il en
avait oublié cette fourrure douce et chaude qui le tapissait en dessous..
» Mais oui, moi aussi je suis doux en dedans,
constata-t-il avec étonnement. Doux dedans, doudedan, doudedan »
chantonnait-il en sautillant d’une patte sur l’autre. Celles-ci le faisaient
rebondir. Tiens, il avait aussi oublié le plaisir de danser. Car les hérissons
dansent les soirs de lune, le saviez-vous ?
Tout en dansant, il s’était rapproché des deux garçons. Le plus
grand disait à l’autre :
– Les renards font pipi dessus pour les obliger à s’ouvrir. On pourrait bien en
faire autant, comme ça on verrait…
– Ah non ! dit le plus jeune. Je ne veux pas leur faire de mal. Ils sont très
gentils. Il faut en apprivoiser un en lui apportant tous les jours un œuf. Les
hérissons adorent les œufs.
– D’accord, mais il faut d’abord en trouver un ! dit son compagnon.
Le petit animal tendait l’oreille. Cette histoire commençait à
beaucoup l’intéresser. Comment ? il existait quelqu’un qui ne lui voulait pas
de mal ! Après bien des péripéties que je vous laisse imaginer, et aussi
des doutes, des hésitations, des peurs et des envies de fuir, notre ami
Doudedan, c’est ainsi qu’il s’appelle lui-même, accepta de se laisser
apprivoiser.
Il passa de
moins en moins de temps en boule. Chaque jour il s’exerçait à montrer sa
fourrure. Du coup elle devenait de plus en plus douce et soyeuse. Et ses
piquants à force d’êtres délaissés finirent par s’émousser et devinrent de
moins en moins piquants. Ah ! Que c’était bon d’avoir des amis… et aussi de se
sentir si doux. À force d’apprendre à être doux, il avait même fini par
rencontrer une compagne qui elle aussi avait un ventre très, très doux… et
devinez ce qui arriva ?…
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