Elle perdit sa beauté, son visage parfait, sa bouche charmante et la
blondeur de sa chevelure, la grâce de son corps et devint une fille laide au
nez crochue à la bouche édentée , bossue et qui boitait. Son père un grand
seigneur, fit venir la méchante fée et lui ordonna de lever son mauvais
sort :
-Ah ah ! Non je ne lèverai jamais
mon sort !
-Mais enfin pourquoi ? Que vous a- t-elle donc fait ?
-Elle est trop belle pour une
humaine ! Cette beauté n'est réservée qu'aux déesses ! Vous avez
seigneur enfreint la loi sacrée en vous accouplant à une déesse !
-Ma femme était très belle mais ce
n'était pas une déesse car les déesses ne meurent pas, or ma pauvre épouse est
morte le jour où elle mit au monde ma petite fille !
-Ce fut sa punition pour avoir épouser
un humain ! Ajouta la méchante fée.
Et elle disparut laissant le pauvre
père affligé.
Il fit appeler les plus grands médecins
et mages pour soigner sa fille afin qu'elle recouvrât son aspect originel. Rien
n'y fit !
-Hélas mon père ! Je ne pourrais jamais
me marier avec un tel visage et un tel corps! Gémissait-elle en pleurant. Ne
pouvant être princesse je vais partir de part le monde soigner les malheureux
qui auront besoin de moi et qui ne me repousseront pas à cause de ma laideur.
Elle quitta son château et parcourt les routes et les
villages proposant ses services, devenant domestique, ouvrière, infirmière,
bergère paysanne, et même maîtresse d'école. C'est ainsi qu'après de rudes
journées de travail, elle apprenait aux enfants de la ferme, et aux adultes à
lire et à écrire, sans jamais rien demander en retour si ce n’était sa portion
de soupe de viande de pain quotidien.
Cinq années passèrent. Elle apprit que le seigneur de la
contrée, son père se mourrait. Alors elle retourna au château. On ne voulut
pas lui ouvrir les portes.
-Je suis la princesse fille du seigneur !
-Un laideron pareil ? Princesse ! Tu te moques de
qui ? La princesse est morte voilà cinq ans ! Lui dit un soldat en la
repoussant.
-Cela ne se peut ! C'est moi !
L'homme ricana. La jeune fille lui montra alors la seule
chose qu'elle avait gardé de son enfance : la médaille d'or avec le blason
du seigneur
-Et cela vous la reconnaissez ?
L'homme s'approcha et lui arracha la médaille en
hurlant :
-Voleuse ! Elle a volé la princesse et l'a surement
tuée après !
On l’arrêta et on la jeta dans un cachot.
-Je veux voir mon père ! Hurlait la pauvre fille
Elle fut conduite dans une cellule insalubre éclairée par
la lumière du jour qui pénétrait à travers une petite lucarne. Elle
se mit à pleurer.
-Père, je ne vais jamais vous revoir comme je regrette de
vous avoir laissé !
A travers ses larmes, elle vit une colombe qui s'approcha
d'elle tenant en son bec une petite fiole qu'elle laissa tomber à ses pieds. La
jeune fille la prit, l'ouvrit se versa un peu de cette eau parfumée. Elle
sentait bon. Sa main devint toute rose et lisse. Elle prit encore de ce parfum,
le mit sur son visage, sur des cheveux. Elle ressentit une impression de bien-être.
Elle humidifia sa bouche. Elle sentit les dents manquantes reprendre leur
place. Comme il restait encore de cette eau bienfaisante, elle se déshabilla et
se frictionna tout le corps.
Miracle son corps reprit l'apparence d'avant. Les quelques
gouttes qui restaient, tombèrent sur ses vieux vêtements déchirés et se
transformèrent en une robe neuve simple sans dentelle ni
ornement. La métamorphose était terminée lorsque la colombe revint et laissa
tomber à ses pieds une clé.
L'oiseau ne dit rien car les colombes ne parlent pas, mais
la jeune fille entendit une voix lui murmurer :
-On ne voit bien qu'avez le cœur ! Je suis ta
mère ! Ton père est malade. Il faut que tu sois prêt de lui pour l'apaiser
.Va à présent. Attention cependant à ne pas éveiller les soupçons de la fée
jalouse. Vis cachée dans la discrétion, elle te croit morte. Oublie ta
condition de princesse et reste une simple jeune femme au service du peuple et
de la bonté.
La jeune fille ouvrit la cellule. Tous les gardes dormaient
profondément. Elle sortit du donjon, traversa la cour et monta jusqu'à la
chambre du seigneur. Elle y pénétra. Près du lit du mourant, dormait sur un
fauteuil un jeune homme, près de lui les ustensiles du médecin.
-Père ! Père je suis de retour.
-Ma fille c'est bien toi ! Comme tu es belle ! Murmura
t- il très affaibli. Tu es partie bien longtemps mais tu es encore plus belle
qu'avant. Ta robe et ta cape sont bien simples, cependant ...Mais comment as-
tu fais?
-J'étais prisonnière dans le donjon quand une colombe est
venue me porter une potion qui m'a redonné mon apparence d’antan ! Mais je
dois demeurer une fille du peuple pour ma sécurité et ne pas dire que je
suis ta fille!
-Soi! Peu importe si tu t'habilles simplement, si personne
ne connait ta vraie identité du moment où tu demeures auprès de
moi !
Le jeune homme se réveilla : il était aussi beau que
charmant
-Seigneur ne vous fatiguez pas ! Mais qui êtes-vous ?
Dit- il en dévisagea la beauté qui se tenait au chevet de son malade.
-Sa fille ! Mais chut ! Ne le dites à
personne !
- Je croyais sa fille morte voilà cinq ans, partie et
disparue
-Je suis de retour et bien de retour ! Vous êtes son
médecin alors guérissez mon père !
Le jeune homme n'eut pas vraiment à faire de grands
efforts : le retour de sa fille avait guéri le malade de sa longue
mélancolie et langueur !
La jeune princesse s'installa au château comme dame de
chambre et compagnie du vieux seigneur. Aucun domestique ni bavard ne fit de
rapprochement. Tous avaient oublié la belle princesse de quinze ans. La fille
du seigneur se fit discrète, cacha ses cheveux sous des bonnets sobres et ne
sortit se promener que dans le parc du château.
Un jour, le jeune médecin engagea une longue conversation
avec elle :
-Je m'appelle Valentin ! Et vous ?
-Pendant cinq ans : on ne m'appelait pas. Mes maîtres
me disaient « Toi … fais ceci, Toi fais cela « toi » était mon
nom.
-Mais comment vous appelaient vos parents, pardon votre
père ?
-Ma chérie ma petite !
-Voulez -vous être ma femme ? Ma Valentine ? Si
vous acceptez ma main, Valentine sera désormais votre prénom !
-Oui murmura la jeune fille ! Oui je veux bien être
Valentine
Le seigneur qui s'était bien rétabli fut ravi de ces
épousailles et organisa pour son médecin personnel et sa fiancée sa dame de
compagnie un beau mariage.
Plus tard, entouré de ses petits- enfants et avant de
mourir, il fit graver à l'entrée de sa demeure cet adage
"Pour
vivre heureux vivons cachés."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire