Fillette et le langage de la forêt
Il était une fois, à la lisière des bois, une petite cabane de bois.
Fillette l’habitait, et s’occupait tout à côté d’un petit potager. Tout l’été,
Fillette se régalait des légumes de son jardin. Mais lorsque le froid arrivait,
les récoltes se raréfiaient…
Ainsi, un jour d’automne où elle n’avait plus rien à manger, elle alla
visiter son potager pour voir ce qu’il y restait. Malheureusement, on n’y
voyait plus rien, plus rien qu’un chou-rave… Mais elle avait tant pris soin de
lui pendant les dernières semaines, qu’il était vraiment beau, et gros, et
paraissait croquant et juteux à souhait ! Alors Fillette décida de le vendre au
marché. Elle mit le chou-rave dans son panier, et se dirigea d’un pas décidé
vers la ville la plus proche. Elle n’avait pas avancé plus de dix minutes
lorsqu’elle rencontra, sur le bord du chemin, une petite vieille toute ridée,
assise sur une grosse pierre, et qui se lamentait…
« Que vous arrive-t-il, bonne vieille, demanda Fillette ?
·
Oh, ma petite, répondit la petite vieille toute ridée, si tu savais
comme je suis fatiguée, comme j’ai froid, comme j’ai faim ! Je crois que je
vais me laisser mourir au bord du chemin… »
Fillette ne pouvait pas faire grand-chose pour la petite vieille, qui
paraissait si pauvrette et fragile… Alors elle détacha son bon châle de laine,
qu’elle posa sur les épaules de la petite vieille, afin qu’elle ait moins
froid. Et puis, elle regarda son chou-rave, dans son panier, et pensa une
dernière fois à tout ce qu’elle aurait pu acheter en le vendant au marché… Et
avec un dernier soupir, elle le prit et le déposa dans les mains de la petite
vieille.
« Voici, ma bonne vieille, au moins vous pourrez manger ce chou-rave ce
soir, il vous ragaillardira, et fera s’envoler toutes vos mauvaises pensées !
Allez vite le déguster !
·
Chère petite, quelle générosité ! Pour te remercier de ce si doux
cadeau, je voudrais moi aussi te donner quelque chose…
·
Quelque chose ? Mais vous ne possédez rien, bonne vieille, répondit
Fillette étonnée !
·
Oh, je n’ai peut-être l’air de rien, mais je peux tout de même te faire
un grand cadeau : à partir d’aujourd’hui, tu entendras le langage de la forêt.
A partir d’aujourd’hui, tu comprendras le langage des arbres… »
Et avant que Fillette ait eu le temps d’ouvrir la bouche, la bonne
vieille s’était évaporée ! Peut-être était-ce un esprit de la forêt ? Mais ce
n’était pas cela qui allait remplir son panier ! Alors Fillette reprit le
chemin de sa petite cabane de bois, son panier vide, ne sachant trop ce qu’elle
allait bien pouvoir manger…
Mais à peine s’était-elle avancée de quelques pas, qu’elle entendit
comme un murmure… « Mmmmmmmh »… Elle s’arrêta, posa son panier à terre et
tendit l’oreille : « Grrrmlllblmmmrrbllll »… C’était plutôt un grommellement,
en fait ! Fillette s’approcha de l’arbre d’où semblait s’échapper le bruit,
colla son oreille au tronc, et entendit :
« Une pierre à mes pieds
Qui m’empêche de respirer…
Une pierre à mes pieds
Qui m’empêche de respirer… »
Qui m’empêche de respirer…
Une pierre à mes pieds
Qui m’empêche de respirer… »
Fillette n’en revenait pas : elle avait compris ce que venait de dire
cet arbre grognon ! Et effectivement, il y avait de quoi être de mauvaise
humeur : une grosse pierre venait écraser sa plus belle racine ! Alors Fillette
rassembla toutes ses forces pour pousser cet énorme caillou un peu plus loin…
Elle entendit l’arbre tout entier se mettre à respirer amplement, et lui
souffler « Meeeeerciiii Fiiiiillette », tandis que ses branches s’agitaient
doucement, pour faire tomber des pommes rouges dans son panier.
« Mon panier n’est plus vide à présent », s’écria Fillette tout excitée
! Et elle reprit sa route vers la cabane de bois, le cœur moins lourd. A peine
avait-elle fait une dizaine de pas qu’elle entendit de nouveau comme un
murmure… « Mmmmmmmh »… Elle s’arrêta, posa son panier à terre et tendit
l’oreille : « Grrrmlllblmmmrrbllll »… C’était plutôt un grommellement, en fait
! Fillette s’approcha de l’arbre d’où semblait s’échapper le bruit, colla son
oreille au tronc, et entendit :
« Mon tronc troué
Laisse ma sève s’écouler…
Mon tronc troué
Laisse ma sève s’écouler… »
Laisse ma sève s’écouler…
Mon tronc troué
Laisse ma sève s’écouler… »
Fillette n’en revenait pas : elle avait compris ce que venait de dire
cet arbre grognon ! Et effectivement, il y avait de quoi être de mauvaise
humeur : un trou sur son tronc laissait couler la sève de l’arbre ! Alors
Fillette ramassa un peu de boue, la mélangea à quelques herbes séchées, et
l’appliqua sur le trou, pour le boucher et empêcher la sève de couler…
Elle entendit l’arbre tout entier se mettre à respirer amplement, et lui
souffler « Meeeeerciiii Fiiiiillette », tandis que ses branches s’agitaient
doucement, pour faire tomber des poires jaunes dans son panier.
« Mon panier est à moitié rempli maintenant », s’écria Fillette tout
excitée ! Et elle reprit sa route vers la cabane de bois, le cœur presque
léger. A peine s’était-elle avancée sur le chemin qu’elle entendit de nouveau
comme un murmure… « Mmmmmmmh »… Elle s’arrêta, posa son panier à terre et
tendit l’oreille : « Grrrmlllblmmmrrbllll »… C’était plutôt un grommellement,
en fait ! Fillette s’approcha de l’arbre d’où semblait s’échapper le bruit,
colla son oreille au tronc, et entendit :
« La lumière cachée
Je ne peux respirer…
La lumière cachée
Je ne peux respirer… »
Je ne peux respirer…
La lumière cachée
Je ne peux respirer… »
Fillette n’en revenait pas : elle avait compris ce que venait de dire
cet arbre grognon ! Et effectivement, il y avait de quoi être de mauvaise
humeur : un enchevêtrement de branches mortes et de feuillages secs s’était
accumulé au-dessus de lui, et la lumière ne pouvait plus venir jusqu’à lui !
Alors Fillette s’appliqua à faire, un peu plus loin, un tas avec tous les
branchages et les feuilles morts… Et le soleil put à nouveau inonder l’arbre de
sa lumière !
Elle entendit l’arbre tout entier se mettre à respirer amplement, et lui
souffler « Meeeeerciiii Fiiiiillette », tandis que ses branches s’agitaient
doucement, pour faire tomber des prunes bleues dans son panier.
« Mon panier est presque plein à présent », s’écria Fillette tout
excitée ! Et elle reprit sa route vers la cabane de bois, le cœur moins lourd.
A peine avait-elle tourné au coin du chemin qu’elle entendit de nouveau comme
un murmure… « Mmmmmmmh »… Elle s’arrêta, posa son panier à terre et tendit
l’oreille : « Grrrmlllblmmmrrbllll »… C’était plutôt un grommellement, en fait
! Fillette s’approcha de l’arbre d’où semblait s’échapper le bruit, colla son
oreille au tronc, et entendit :
« L’eau s’est arrêtée,
Ma gorge est desséchée…
L’eau s’est arrêtée,
Ma gorge est desséchée… »
Ma gorge est desséchée…
L’eau s’est arrêtée,
Ma gorge est desséchée… »
Fillette n’en revenait pas : elle avait compris ce que venait de dire
cet arbre grognon ! Et effectivement, il y avait de quoi être de mauvaise
humeur : le petit ruisseau qui venait baigner ses racines avait été détourné
par un éboulis de cailloux ! Alors Fillette s’appliqua à déplacer un à un tous
les cailloux qui empêchaient l’eau de couler en direction de l’arbre… Et
bientôt, le petit ruisseau chantait de nouveau gaiement, en baignant les
racines de l’arbre assoiffé.
Elle entendit l’arbre tout entier se mettre à respirer amplement, et lui
souffler « Meeeeerciiii Fiiiiillette », tandis que ses branches s’agitaient
doucement, pour faire tomber des noix brunes dans son panier.
« Mon panier est débordant maintenant, s’écria Fillette tout excitée !
Décidément, que la nature est généreuse quand on sait l’écouter ! Que la nature
est généreuse quand on prend le temps de s’en occuper… »
Et Fillette reprit sa route vers la cabane de bois, le cœur léger et
joyeux, persuadée qu’à présent, elle ne manquerait jamais de rien, simplement
parce qu’elle s’appliquerait à écouter les murmures de la forêt...
En espérant que cela vous ait plu !
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