Au temps de Catherine, des fléaux s’abattent sur
l’Europe : peste, famines, guerres. L’Église elle-même traverse une crise
majeure de son histoire. Un pape est à Rome, l’autre à Avignon. La chrétienté
se divise en deux. Le clergé délaisse de plus en plus le soin des âmes pour le
luxe et la décadence. C’est dans ce contexte que Catherine travaillera à
réformer l’Église et la société par la prière, le dialogue et l’espérance
invincible en l’amour du Christ. La liberté que lui donna l’Esprit nous inspire
encore aujourd’hui.
La cellule intérieure
Caterina naît à Sienne, le 25 mars 1347, jour de
l’Annonciation. Elle est le vingt-troisième enfant de Lapa dei Nuccio et du
teinturier Giacomo Benincasa. À l’âge de six ans, elle reçoit une apparition du
Seigneur sur le chevet de l’église des Dominicains. Il lui sourit et la bénit.
Émerveillée par la beauté du Christ, l’enfant n’aura plus d’autre espoir que de
lui appartenir entièrement. Elle se retire souvent dans une pièce obscure de la
maison familiale pour prier et espérer en son divin Époux.
Sa famille souhaiterait un autre époux, en chair et
en os celui-là, pour la jolie fille qui vient d’avoir douze ans. Mais après la
mort en couches de sa sœur Bonaventura, en 1362, Catherine se coupe les cheveux
et mène une vie austère. La famille fait d’elle la servante de la maison et lui
retire sa chambre. C’est alors qu’elle découvre sa « cellule
intérieure » que personne ne pourra lui enlever. Elle ne sort plus de ce
lieu puisqu’elle y retrouve la présence de son Bien-Aimé. Pour elle, la vie est
un pont, on la traverse sans y fixer sa demeure. Le Christ est le vrai pont qui
va de la terre au ciel.
À cette époque, devant le manque de ferveur du
clergé, des chrétiens aspirent à la perfection, sans vouloir vivre dans les
cloîtres. À seize ans, Catherine est admise dans la confrérie des Mantellate,
du nom du manteau que portent les membres. Ce n’est pas un ordre religieux,
mais une sorte de communauté nouvelle. Catherine restera laïque. Les membres
des confréries vivent dans leur propre maison ou en petits groupes, dans la
solitude et l’espérance, et se sanctifient par une vie d’oraison intense qui
rythme leur journée.
L’épouse du Christ
Un jour, en prière dans sa cellule, Catherine a une
vision : Marie prend sa main et la met dans celle de Jésus qui lui passe
un anneau d’or au doigt. Ces épousailles mystiques inaugurent le ministère
apostolique de Catherine. Elle sort de sa solitude et se met au service des
autres. Son amour de Dieu débouche sur l’action. Elle veut sauver les âmes, en
commençant par les pauvres, les malades, les prisonniers et les condamnés à
mort. Femme d’espérance, elle a l’élan pour aimer jusqu’au bout, comme le
Christ qui aima les siens jusqu’à la fin. Jamais, dit-elle, on ne doit estimer
sa misère plus grande que la miséricorde divine.
L’espérance infaillible de Catherine se nourrit dans
un échange cœur à cœur avec le Christ. Elle y expérimente les douleurs de la
passion. C’est ce qui lui donnera la force de devenir messagère auprès des
pontifes et des princes, selon ce message du Christ : « Moi je serai
toujours avec toi, soit que tu ailles, soit que tu reviennes; et toi tu
porteras l’honneur de mon nom et ma doctrine aux petits et aux grands, qu’ils
soient laïques, clercs ou religieux. »
Elle commence sa mission en réconciliant des
familles de la Toscane. Les guérisons et les conversions se font de plus en
plus nombreuses. Des disciples de toutes conditions forment autour d’elle une
fraternité qui l’accompagne dans son ministère. Sa mission est maintenant
claire : ramener à Rome le pape qui, pour des raisons politiques, s’est
installé à Avignon, et faire cesser la division dans l’Église.
Fille de l’Église
En 1370, elle commence une activité diplomatique et
politique qui la mène sur les routes de l’Italie. Elle échange des lettres avec
des cardinaux pour préparer la réforme de l’Église. Elle espère un renouveau
des ordres religieux, un retour à l’Évangile. Mais pour guérir l’Église des
maux qui la ravagent de l’intérieur, Catherine prie et s’offre elle-même.
Contre de telles armes, il ne peut pas y avoir de défaite. Jésus lui avait
dit : « Fais-toi capacité et je me ferai torrent. »
Ses Oraisons, à fort contenu théologique et
liturgique, sont un cri d’amour adressé à la Trinité, la vie de toute vie, la
source d’espérance qui ne tarit jamais. « Ô Trinité éternelle, mon doux
amour! Toi lumière donne-moi la lumière, toi sagesse donne-moi la sagesse, toi
suprême force fortifie-moi. Aujourd’hui, Père éternel, que se dissolve notre
nuage afin que parfaitement nous connaissions et suivions en vérité ta Vérité d’un
cœur pur et libre » (Oraison XXII).
En février 1375, elle se rend à Pise avec son groupe
et y prêche la croisade. Elle reçoit les stigmates dans l’église Santa
Christina de Pise. C’est probablement là qu’elle écrit sa première lettre au
pape Grégoire XI pour qu’il nomme des hommes vertueux comme cardinaux :
« Veillez aux choses spirituelles, mettez de bons pasteurs et de bons
gouverneurs dans nos villes […] Confiez-vous dans le Christ Jésus, et ne
craignez rien. » Elle écrira et dictera des centaines de lettres qui
commencent par cette phrase : « Au nom de Jésus crucifié et de la
douce Marie » et se terminent par « Doux Jésus, Jésus amour ».
Le 18 juin 1376, elle arrive à Avignon et rencontre
le pape. Il fera son entrée à Rome en 1377. Pendant ces années-là, Catherine
transforme un château en monastère et y fait aménager une chapelle. Elle
commence le livre du Dialogue, qu’elle appelle « mon livre », et
qui se présente comme un dialogue amoureux entre « celle qui n’est pas et
celui qui est », entre l’âme et Dieu. « Sois donc attentive à faire
des oraisons pour toutes les créatures douées de raison et pour le corps
mystique de la sainte Église, et pour ceux que Je t’ai donnés pour que tu les
aimes d’un amour singulier […] Mais ne manque pas, toi, ni eux, d’espérer en
moi, et ma providence ne vous manquera pas; et chacun, humblement, recevra ce
qu’il est apte à recevoir » (Le Dialogue, CIX).
En cette même année, éclate dans l’Église le Grand
Schisme qui ne prendra fin qu’au concile de Constance, en 1417. Elle soutient
et encourage le pape Urbain VI qui vient de succéder à Grégoire XI. Elle
exhorte les puissants à se rallier au pontife légitime. Sa santé se détériore.
En ce début d’année 1380, on voit chaque jour cette jeune femme de 33 ans,
revêtue de l’habit des tertiaires dominicaines, se rendre péniblement à la
basilique Saint-Pierre pour accomplir sa mission : prier et s’offrir pour
la guérison de l’Église.
Catherine meurt à Rome le 29 avril 1380. Elle sera
canonisée en 1461. Paul VI la déclare docteur de l’Église en 1970, avec Thérèse
d’Avila. Le 1er octobre 1999, Jean-Paul II place l’Europe sous la
protection de trois patronnes : Brigitte de Suède, Catherine de Sienne,
Édith Stein. Trois femmes d’espérance qui ont donné leur vie pour le Christ et
son Église. Trois femmes de prière qui ont habité leur cellule spirituelle,
celle « de la connaissance de Dieu en soi et de soi en Dieu ».
Extrait de la nouvelle édition de mon livre Les
saints, ces fous admirables, p. 115-118.
https://www.jacquesgauthier.com/blog/entry/29-avril-sainte-catherine-de-sienne-1347-1380.html
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