jeudi 16 juillet 2020


Il était une fois des insectes frileux qui, à l’approche des fêtes de fin d’année, se réunirent
au coin du feu pour bavarder un peu. Tout autour d’eux, le monde semblait joyeux et préparait fébrilement jolis paquets et décorations scintillantes…
 
Plus envie de chanter, plus envie de voleter, plus envie de butiner…
« Mais que se passe-t-il ? » dit le grillon,
« Je ne tricote plus » dit l’araignée,
« Juste envie d’hiberner » dit la fourmi…
 
Il fallait faire quelque chose pour réveiller ce petit monde invisible qui frissonnait sous les premiers flocons de neige !
C’est à ce moment-là qu’ils se souvinrent tous de leur ami Jeanjean, jardinier de la Reine,
qui transformait les massifs du château en de merveilleux terrains de jeu où à la belle saison ils pouvaient sans retenue déguster les nectars les plus rares.
« Toc toc » pas de réponse…
 
Tout semblait endormi dans la forteresse moyenâgeuse. Le papillon s’élança dans le ciel
nuageux et de son souffle chaud fit fondre le givre d’une fenêtre. Celle de la cuisine où le jardinier sommeillait au coin du feu.
« Toc toc » notre ami ouvrit un oeil et s’émerveilla des battements d’ailes multicolores qui lui rappellaient le printemps !
« Que se passe-t-il ? »
Le beau lépidoptère ne tarda pas à lui répondre : « Venez nous sauver de la tristesse ! Le monde est tellement heureux autour de nous et nous n’arrivons pas à expliquer pourquoi en hiver, la vie nous semble tellement ennuyeuse…».
 
Sortant de sa torpeur, le jardinier alla consulter dans sa bibliothèque un des livres de magie hérités de son amie la fée des fleurs. Au chapitre « Insectes devenus tristes », il trouva la recette qui pouvait peut-être sauver ses petits amis de la morosité ! Il s’agissait de créer une fleur dont la robe pourrait être rouge comme la passion, blanche comme la neige ou rose comme la tendresse.
 
La rose existait déjà, il était hors de question d’en copier la beauté, elle qui se vantait déjà d’être la reine des fleurs!
 
Réfléchissons un peu…
Jeanjean se mit au travail. Il fouilla dans les malles à la recherche des plus belles soies, feuilleta les nuanciers de couleurs, découpa des pétales opulents aux bordures dentelées…
Le travail fut long, mais nos amis les insectes connaissaient la patience et contemplaient
Jeanjean travailler en silence.
 
Et à l’aube d’un jour ensoleillé, une merveille de fleur vit le jour.
« Je te baptise Pivoine » dit le jardinier magicien. Pivoine était le nom d’une princesse qui un jour était venue visiter les jardins du château et dont il était tombé secrètement amoureux.
Les insectes soudain retrouvèrent le sourire !
 
Cependant, leur bonheur n’était pas complet… Il manquait à cette fleur ce « je ne sais quoi » qui la rendrait irrésistible. « Votre création est magnifique » dit la cigale à moitié endormie à
Jeanjean le jardinier, « mais je sais ce qui lui manque ! »
C’est alors qu’elle se souvint d’un séjour qu’elle avait fait à Grasse, capitale mondiale de la
parfumerie… Dans les laboratoires enchantés de la Parfumerie Fragonard on imaginait des senteurs qui faisaient tourner la tête des belles marquises et rendaient charmants les princes.
 
Jeanjean se mit en route vers cette contrée ensoleillée.
« Toc toc »… Pas de réponse
« Toc toc, je suis un ami de la cigale », la porte s’ouvrit.
« Nous n’ouvrons qu’aux amis qui possèdent le mot de passe » dit le parfumeur rêveur.
« Tout ce qui se passe ici est absolument secret ».
 
Jeanjean parla de la tristesse des insectes en hiver, de sa création inachevée car non parfumée… C’est alors qu’émanant d’un alambic de cuivre, la plus délicieuse des fragrances distilla ses effluves enchanteresses : la Pivoine avait trouvé son parfum.
 
De retour au château, Jeanjean le jardinier n’en cru pas ses yeux : le Roi et la Reine avaient organisé un grand bal dont la Pivoine était l’invitée d’honneur.
Les insectes y dansèrent toute la nuit pour fêter la Pivoine bienheureuse qui dispersait
sous la caresse du vent Fragonard son parfum enchanteur !

Aucun commentaire: