" Et toi Nestor, tu pars où, à la mer ou à la
montagne ?
- Je ne pars pas, je reste ici.
- C'est nul !
- Je sais mais c'est comme ça, laisse-moi
maintenant... "
Les derniers jours d'école avaient été pénibles pour
Nestor, vraiment très pénibles. Tous ses camarades de classe lui avaient posé
la même question et, plutôt que de mentir, plutôt que de répondre " On
part un mois à New-York et un mois à Tahiti ", il avait préféré dire la
vérité. Pas pour qu'on le plaigne mais pas non plus pour qu'on lui dise "
c'est nul ", ça, il le savait déjà. C'était la première fois que ça
arrivait. Sa maman avait longtemps hésité avant de lui avouer. Et puis, un soir
de mai, elle l'avait rejoint dans sa chambre, s'était assise au bord du lit,
lui avait caressé les cheveux.
" Tu sais Nestor, on ne peut pas partir en
vacances cet été. Tu te rappelles les problèmes avec la voiture le mois
dernier, ça a coûté plus cher que prévu et on ne peut vraiment pas se permettre
de partir...
- Mais qu'est-ce que je vais faire ? Tous mes
copains partent ! Je vais m'ennuyer tout seul....
- Ne t'inquiète pas, je suis certaine que tu sauras
te débrouiller, je te fais confiance.
- C'est nul...
- Bonne nuit mon grand.
Deux minutes après, c'était au tour de son papa.
" Ne t'en fais pas, on se rattrapera cet hiver,
on partira skier... Bonne nuit ma puce. "
Dès le départ de son papa, Nestor se mit à pleurer à
chaudes larmes. Tous les étés il partait trois semaines. Une année à la mer,
une année à la montagne. Et Nestor adorait les vacances, les longs trajets en
voiture, il adorait découvrir de nouveaux lieux, se faire des copains anglais
ou allemands, goûter des plats inconnus - il gardait un souvenir ému de son
premier Kouing amman. Et cette année, rien...
Les deux premiers jours, Nestor resta dans sa
chambre à lire et à jouer avec sa Game Boy. Mais ce n'était pas amusant, il
faisait beau dehors : un grand soleil, un ciel tout bleu, ça ne donnait pas
envie de rester enfermé. D'autant plus qu'il lui arrivait d'entendre des
enfants aux voix inconnues jouer juste à côté de la maison. Et ces voix
l'intriguaient beaucoup...
Le troisième jour, il fut dehors dès qu'il entendit
ces voix inconnues. Deux garçons et une fille de son âge jouaient à la pétanque
dans le square voisin. Il ne les avait jamais vus auparavant. Ils n'arrêtaient
pas de rire tous les trois et Nestor s'approcha d'eux tranquillement.
" Eh toi, lui lança l'un des garçons - il avait
un fort accent du midi. Ça te dirait de venir jouer avec nous, on pourrait
faire deux équipes comme ça.
- Pas de problème, moi c'est Nestor. "
Ils se présentèrent les uns aux autres, il y avait
donc Rémy de Perpignan avec sa sœur Léa, et Patrice de Toulouse. Ils passèrent
tout l'après-midi ensemble, à jouer aux boules d'abord, puis à se promener dans
le centre-ville à la recherche d'une glace. Il était sept heures du soir,
l'heure de rentrer dîner, quand la bande des quatre se sépara mais ils se
donnèrent évidemment rendez-vous pour le lendemain matin.
Le soir, Nestor se posa des questions. Il regarda
sur la carte où se trouvaient Toulouse et Perpignan. Cinq cents kilomètres au
sud... Qu'est-ce qu'ils venaient donc faire ici, si loin de chez eux ? Il se
promit de leur demander dès le lendemain. Ils éclatèrent de rire quand Nestor
posa sa question.
" Bé, on est en vacances, qu'est-ce que tu
croyais ?
- En vacances ? Ici ? "
Nestor n'en revenait pas qu'on puisse faire cinq
cents kilomètres pour passer ses vacances dans sa ville...
- Et vous êtes déjà venu ici ?
- Bé non, c'est la première fois.
- Vous voulez que je vous fasse visiter ? Je suis né
ici, je connais plein d'endroits. Vous allez voir, c'est une ville géniale.
"
Les trois compères le suivirent aussitôt et ils ne
se quittèrent plus de toutes les vacances. Nestor leur fit découvrir tous ses
endroits préférés, la promenade près de la rivière et les ruines du château
fort, il leur raconta toutes les légendes de la ville et des villages alentour,
la maison hantée, le bois du sorcier et bien d'autres encore... A la fin du
mois d'août, ils firent une grande fête dans le jardin de Nestor et ils
s'échangèrent leurs adresses, ils promirent de s'écrire tous les mois et de se
retrouver l'été suivant.
" Tu étais où en vacances ?
- Bé, ici.
- C'est nul.
- Bé non, c'est génial ! " Et même si ses
camarades d'école avaient du mal à le croire, Nestor était sincère, il venait
de passer les plus chouettes vacances qui soient...
FIN
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