Ma vie est un tableau que je me suis efforcé d'enrichir chaque jour avec de belles couleurs, ajoutant patiemment, à l'aide de mon pinceau, un détail ou un reflet à ce merveilleux décor que Dieu m'avait demandé de créer pour Lui.
Un matin, en me réveillant, il me sembla que j'étais arrivé au terme de mon œuvre et que mon tableau était parfait. Oui, j'avais l'impression qu'il ne lui manquait rien, qu'il était pur et sans défaut.
C'est alors que, dans un moment d'inattention, le pinceau m'échappa des mains…
et je fis une vilaine tâche noire au centre du tableau !
Quel drame ce fut pour moi ! Vous ne pouvez pas vous imaginer !
La tâche était si laide que tout le reste du paysage me paraissait horrible. Un
peu comme un beau costume blanc sur lequel on aurait renversé un produit
indélébile, et que l'on ne pourrait plus mettre pour se rendre à un mariage. Un
peu aussi comme un mal qui toucherait un seul organe,
mais qui rendrait tout le corps malade.
Ah, Seigneur ! Tout ce que j'avais mis des années et des années à créer avait
été gâché en une seule seconde ! Mais comment cela avait-il pu m'arriver à moi,
qui suis d'ordinaire si prudent !
Le tableau me faisait honte et j'avais envie de le jeter à la poubelle ! Je ne
pouvais plus le supporter ! J'avais si peur des reproches que Dieu pourrait me
faire !
Je passais des jours et des jours à pleurer ainsi et à me lamenter
devant mon œuvre. J'étais tellement malheureux ! Toute ma vie semblait réduite
à néant !
Un soir, mon pinceau entre les mains, l'idée me vint de faire de cette tâche noire un méchant serpent… un peu, sans doute, pour exorciser ma peine et pour donner une "forme concrète" à la rage qui bouillonnait en moi.
C'est alors qu'emporté par le tourbillon de la création, je décidai de
peindre également une femme très belle - et d'une douceur ineffable - juste
au-dessus du serpent. Avec son pied, elle écrasait l'animal. Peu à peu, je
donnai à cette femme les traits de la Vierge Marie.
Après plusieurs heures de travail intense, je pris un peu de recul pour
contempler ma nouvelle œuvre et là, ô miracle, elle me paru vraiment superbe !
Oui, elle me sembla extraordinaire ! Je dirais même qu'elle me plaisait
beaucoup plus qu'auparavant !!
En effet, elle était désormais "habitée" par une présence qui
dominait la tâche, tant et si bien que cette dernière n'était plus centrale.
Pour mon plus grand bonheur, j'étais parvenu à transformer un paysage où
le mal n'existait pas en un paysage où le mal était présent…
mais vaincu ! Je sentais avec bonheur et soulagement que Dieu, dans le
ciel, me souriait, et que mon œuvre lui plaisait.
C'est depuis ce jour, je crois, que mes péchés ne me poussent plus à me
haïr moi-même, mais qu'ils m'appellent au contraire à aller toujours plus loin
sur le chemin de la conversion, et ceci en mettant toutes mes imperfections
sous les pieds de la Mère de Dieu !
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