Auteur : Nette, Jean | Ouvrage : Et maintenant une histoire Noël
Le crépuscule tombait sur Bethléem… Était-ce la
froidure particulière qui incitait les habitants à garder leur porte close ou
bien le cœur de ces gens était-il particulièrement froid et fermé ?
De fait, nul ne répondait aux appels timides et
angoissés de l’homme aux pauvres habits, au visage noble et maigre, qui
conduisait un petit âne, lequel semblait porter avec peine une petite femme à
l’adorable visage fait de douceur et de lumière. L’homme demandait un gîte…
même pas un abri pour la nuit… Nul ne répondait, si ce n’est avec des paroles
dures et menaçantes… Et le petit groupe, triste et exténué, voyait les
dernières maisons de Bethléem se présenter à ses yeux…
Conte pour les enfants à Noël : santon La fillette
du potier. Sur le seuil d’une porte se tenait une petite forme blanche, assise
immobile sur une jatte renversée. Aucune vie ne semblait l’agiter, mais les
lèvres frémissaient sous l’ardente prière qui chaque soir montait du cœur
d’Ismaïla, la fille du potier ; et ce petit cœur disait
« Quand viendra-t-Il ? Seigneur tout-puissant, quand
viendra-t-Il ? Celui que Vous nous avez promis, le Messie, quand viendra-t-Il ?
Si peu de chose que je sois, mon Dieu, je serai la première à L’adorer… et à Le
servir. »
Depuis quelques minutes, l’homme et la femme étaient
arrêtés devant Ismaïla qui n’avait pas levé la tête.
Ils avaient entendu le murmure de l’enfant, et des
yeux de la jeune femme deux perles brillantes glissaient, tandis qu’un doux
sourire éclairait ses traits fatigués. L’homme, ému lui aussi, posa sa main sur
la tête de l’enfant en lui disant tout bas
« Espère, enfant. Celui que tu attends ne saurait
tarder… »
Saisie, la fillette s’était dressée et, dans
l’obscurité, ouvrait désespérément des yeux sans vie et sans couleur… Quelle
était cette fugitive présence où il avait semblé à Ismaïla respirer un parfum
de miracle ?
« Hélas murmura-t-elle en retombant sur son siège,
hélas ! Mon Dieu, comment pourrai-je Le servir avec des yeux sans vie ? »
Car la petite fille du potier était aveugle.
L’étable qui s’y trouve a misérable apparence, mais
c’est là, bergers, c’est là, rois, que le Berger des âmes, que le Roi du monde
est né ! Réjouissez-vous ! »
La nuit orientale résonne de mille chants doux et
mystérieux ; le parfum du miracle se répand : tout à l’entour sur les collines
les bergers se lèvent, prennent de tendres agneaux dans leurs bras, et, les
yeux fixés sur l’étoile sainte, ils s’acheminent vers le lieu qu’elle indique.
Dans la maison du potier, sur sa couche de paille,
une petite fille qui ne dormait pas a perçu les chants ! Son cœur a tressailli
en devinant que le miracle s’était réalisé ; et tout doucement, Ismaïla, petite
forme blanche, se glisse hors de la maison dans l’obscurité doublement noire
pour elle.
Anges enfantins marchant sur la neige vers la crèche
de la Nativité. Elle va, la petite fille, vers Celui qu’elle attendait, auquel
elle s’est déjà donnée de tout son cœur. Elle n’a pour se guider que le
tintement des clochettes des troupeaux. Elle marche, butant contre les pierres
du chemin, se griffant aux épines des cactus et des ronces… Vaillante, elle va
toujours, ne voulant rien sentir que la joie de son âme…
Mais voilà une heure que les petits pieds nus
foulent un sol pierreux… ils sont ensanglantés, et soudain Ismaïla sent une
cruelle fatigue l’envahir. Où est-elle ? Où sont les tintements des troupeaux ?
Où sont les chants de la nuit ? Plus rien que le silence profond, le silence
noir qui enveloppe la petite fille. Exténuée, sentant qu’elle s’est perdue pour
n’avoir pu comme les bergers suivre l’étoile sûre, elle tombe sur le chemin et
pleure…
Elle ne pourra aller adorer le Sauveur… Elle ne
pourra aller Lui faire offrande de son cœur. Et les larmes coulent, désespérées,
de ses pauvres yeux morts… C’est alors qu’en cette nuit divine un second
miracle s’accomplit. De la nuit, deux étoiles se détachèrent et lentement
descendirent vers la petite forme blanche… Elles disparurent entre les doigts
qui pressaient les pauvres paupières meurtries et… quand, tout à coup redressée
et reposée, Ismaïla retira ses doigts, ce fut pour « voir » le ciel criblé de
diamants, la nuit magnifiquement sereine et tout près d’elle une petite étable
autour de laquelle, silencieux et prosternés, se tenaient les bergers.
Et Jésus sourit à Ismaïla dont les yeux, en Le
contemplant, brillaient comme des étoiles…
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