La petite Thérèse était une charmante enfant, aux
yeux bleus rayonnants, aux joues roses et aux longues tresses ! Vraiment, on ne
pouvait s’empêcher de l’aimer. Disons plutôt : on n’aurait pu s’empêcher de l’aimer,
s’il n’y avait pas eu une chose : les mains de cette petite Thérèse ! Ses mains
? Qu’avaient-elles de particulier ? N’étaient-elles pas propres ? Pour sûr,
elles l’étaient : sa maman s’en occupait quand elle revenait de l’école ou du
jeu et devait se mettre à table. Il fallait alors laver ces mains fort
longtemps avec du savon, et même avec la brosse si c’était nécessaire, jusqu’à
ce qu’elles fussent propres comme un sou neuf.
Mais il y a avait tout autre chose : c’est que ces
mains avaient des doigts trop longs, qui fourraient partout. Ils trouvaient
toutes les sucreries de la maison. Hélas, les mains de la petite Thérèse
volaient ! Qui l’aurait cru ! Mon Dieu !… tout ce que ces mains avaient déjà
attrapé ! Du sucre surtout, et encore du sucre, et toujours du sucre ! S’il y
avait eu encore des magiciens et des sorcières, il y a bien longtemps que cette
enfant aurait été punie. Ils auraient certainement transformé notre petite
Thérèse en un pain de sucre. Mais comme il n’y avait plus de magiciens ni de
sorcières, Thérèse volait tant et plus. Elle croquait du sucre par ci, du sucre
par là. Elle en croquait à tout moment, en cachette de sa maman.
Combien de fois déjà, sa mère l’avait-elle surprise
dans sa détestable gourmandise ! Elle l’avait souvent avertie et punie. Quand
on la reprenait, elle pleurait et promettait de se corriger. Pourtant, quelques
jours plus tard, les mains incorrigibles avaient de nouveau touché au sucre
défendu et la petite bouche gourmande s’en était délectée.
La maman attendait une occasion favorable pour
corriger l’enfant de ce vilain défaut. Comme la petite Thérèse allait se
préparer à sa première communion, un jour, sa maman la prit à part et lui dit :
« Ma chère petite Thérèse, le moment est venu de te préparer à recevoir Jésus.
Tu as l’occasion de montrer maintenant ce que tu préfères : Jésus ou le sucre
que tu voles. Tu sais, ma chérie, chaque fois que tu ne sais pas surmonter ta
gourmandise, tu mets Jésus de côté, tu le repousses. Vois-tu combien c’est
honteux, méchant de ta part. Tu sais si bien être une enfant aimante, quand tu
le veux ; ainsi, ma petite Thérèse, tu vas surmonter ta gourmandise, afin que
le bon Jésus te pardonne, oublie tes vilaines fautes et vienne avec joie dans
ton cœur bien préparé. »
C’est ainsi que la maman avait parlé à sa petite
Thérèse. Et l’enfant avait mis sa main dans celle de sa maman et avait promis
de ne plus être gourmande. Vraiment, Thérèse prit la chose au sérieux et mit
tout son cœur à tenir sa promesse.
Pendant longtemps, la petite Thérèse avait été très
fidèle, bien qu’elle eût brûlé d’envie de goûter au sucre défendu. Ses mains
s’étalent souvent tendues vers l’armoire où il était enfermé. Mais toujours
elle les avait retirées à temps, car elle ne voulait pas mettre Jésus de côté.
Tout paraissait bien aller, lorsqu’un jour, le
sucrier si tentant se trouva près d’elle. L’eau lui en monta à la bouche si
fort qu’elle oublia sa belle promesse. Vite, vite ses petits doigts
s’emparèrent de la friandise, le sucre disparut dans la bouche gourmande.
En ce moment la maman entra. Elle ne dit pas un mot,
lorsqu’elle vit la petite voleuse devant le sucrier. Mais son regard était si
triste, et elle avait l’air de dire : « Oh ! n’as-tu pas honte, mon enfant ?
Alors que tu vas bientôt recevoir Jésus. Tu n’as pas pour lui plus d’amour et
de bonne volonté que cela ? Thérèse, Thérèse. Où vas-tu ?… »
Comme elle eut honte, la petite Thérèse ! Comme
jamais dans sa vie ! Le soir dans son lit, elle ne pouvait se calmer, et, le
cœur gros, elle pleurait à chaudes larmes, à cause de se faute. Bien que sa
maman ne l’eût pas punie, ni même grondée. Mais elle ne l’avait pas embrassée
et ne lui avait pas dit « Bonne nuit ». Cela lui faisait plus de peine que la
plus sévère des punitions. Oh ! comme elle souffrait en son cœur !
L’enfant s’endormit enfin, de grosses larmes sur les
joues. Et voilà qu’elle eut un rêve. N’était-ce pas son ange gardien qui le lui
envoyait pour son bien ? Il connaissait sa protégée et savait que c’était une
enfant de bonne volonté, mais faible. Thérèse rêva du jour de sa première
Communion, et voici comment :
Sur le chemin de l’église. Thérèse marche toute
seule, vêtue de sa robe blanche et portant la couronne de première communiante.
Au loin, elle entend sonner les cloches, joyeuses et solennelles, comme aux
jours de première Communion. À chaque son, le divin Ami des enfants semble dire
: « Mes enfants, je vous attends et je me réjouis de me donner à vous. »
La petite Thérèse entend les cloches et se hâte, car
elle ne veut pas être en retard. Elle monte la colline presqu’en courant. De
là-haut on peut déjà voir l’église.
La voilà arrivée au sommet. Mais… que se passe-t-il
? Terrifiée, elle s’arrête. Elle regarde à droite. Elle regarde à gauche, elle
regarde en face… ! Où donc est l’église ? Elle n’est plus là ! De la tour de
l’église les cloches appellent encore, cependant l’église a disparu. Un mur
énorme traverse la vallée. Il est si haut, si haut que seule la fine pointe du
clocher le dépasse.
Quel méchant mur ! La petite Thérèse se trouve là-devant,
ne sachant que faire ! Elle voudrait pourtant entrer à l’église où Jésus
l’attend et l’appelle. Inquiète, elle cherche une porte, qui lui permette de
passer. Mais elle ne voit aucune porte. Rien ne paraît qu’un mur géant, et
derrière lui, les cloches semblent répéter : « Mes enfants. Je vous attends, Je
me réjouis de me donner à vous… »
Impuissante, la petite fille reste un instant
debout, en face de ce mur. Peu à peu les cloches ont cessé de sonner : tout est
redevenu silencieux. Le petite Thérèse se rend compte qu’elle a manqué son jour
de première communion. Elle ne recevra pas Jésus comme les autres enfants qui
sont à l’église en ce moment.
Une peine profonde emplit son âme. Il lui semble,
que son petit cœur doit cesser de battre et qu’elle va mourir de chagrin.
Manquer à l’appel de Jésus ! Quel enfant supporterait un tel malheur !
Bientôt les cloches recommencent à sonner. « C’est
pour l’élévation, se dit Thérèse. Après l’élévation vient la communion. Alors,
tous les enfants peuvent aller à Jésus, tous excepté moi, à cause de ce gros
mur qui me barre le chemin. Oh ! le vilain mur ! » Thérèse le regarde de plus
près. Il a l’air drôle, ce mur ! Quelles drôles de pierres : toutes sont comme
d’immenses blocs blancs et brillants, on dirait qu’ils sont de sucre. Thérèse
les tâte… Ils sont de sucre, en effet !
Pauvre, pauvre petite Thérèse ! Elle comprend à
présent ; elle est devant le mur qu’elle a elle-même élevé ! Ce qui lui barre
le chemin pour arriver à Jésus, ce sont les nombreux morceaux de sucre qu’elle
a volés pendant sa vie. Tous ces morceaux réunis sont devenus un grand mur !
À peine, la petite Thérèse a-t-elle vu de quoi il
s’agit, qu’elle tremble et pousse un cri. Ce cri est désolé, comme seul le peut
être celui d’un grand pécheur qui paraît devant Dieu et apprend qu’il est perdu
pour toujours.
À ce cri, la fillette se réveille et se frotte les
yeux gonflés par les larmes. Se maman est auprès du lit. Elle a entendu le cri
de l’enfant et elle est accourue aussitôt. Qu’a donc son enfant ? Un rêve
effrayant peut-être !
Pour calmer sa fillette, elle la prend dans ses
bras. Thérèse sanglote ; entre ses sanglots elle essaye de dire sa peine à sa
maman. Celle-ci la rassure : « Mon enfant, ce n’est qu’un rêve qui t’a fait
peur ! Calme-toi, ce n’est rien. »
La petite Thérèse secoue la tête. « Oh, non ! Maman,
ce n’est pas un rêve. Le vilain mur est là. Il me barre la route qui conduit à
Jésus. Maman, Maman, tu verras. Je ne prendrai plus jamais du sucre ! Non, plus
jamais ! »
En silence, la mère presse l’enfant sur son cœur et
remercie le Bon Dieu. Elle comprend que sa petite a reçu une grande grâce.
C’était le vendredi saint. La croix repose sur les
marches de l’autel. Le bon Jésus y est suspendu et souffre horriblement. Les
premiers communiants en rangs viennent baiser les saintes plaies. Avec quel
recueillement et quel respect ils le font, pour consoler le Sauveur souffrant.
Après s’être relevés, les enfants s’en vont déposer le billet de leurs
sacrifices dans une petite corbeille. Ces sacrifices sont leur offrande de
carême. Ils veulent ainsi se préparer avec plus de soin encore au jour de la
première communion.
Parmi les petits billets il y en avait un sur lequel
on pouvait lire : « J’ai pris le thé sans sucre pendant tout le carême. »
C’était le billet écrit par la petite Thérèse.
Comme elle a généreusement combattu son défaut,
et par quel sacrifice ! Jésus qui lit au fond des cœurs jette sur la généreuse
enfant un regard plein d’amour et, ses mains transpercées se tendent vers elle
pour la bénir. D’avance Notre Seigneur se réjouit ; car dans quelques semaines,
ce sera la première communion de tous ces chers enfants. La petite Thérèse
pourra elle aussi recevoir Jésus, car il n’y aura aucun mur cette fois pour lui
barrer la route. Et le Cœur de Jésus s’ouvrira tout grand pour elle, et pour
les autres premiers communiants de la paroisse.
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