C'est
l'histoire d'une femme. Elle était sourde, tellement sourde qu'elle n'entendait
rien. Tous les matins, elle portait son enfant sur son dos et se rendait à son
champ. Elle avait un immense champ d'arachides. Et un matin qu'elle était là,
tranquillement à travailler dans son champ, arrive un monsieur. Un monsieur
tellement sourd qu'il n'entendait rien. Et ce monsieur cherchait ses moutons. Écoutez
bien ! Il s'adressa à la dame : « Madame, je cherche mes moutons, leurs
traces m'ont conduit jusqu'à votre champ. Est-ce que vous ne pourriez pas
m'aider à les retrouver ? D'ailleurs, on les reconnaît bien, mes moutons. Parmi
eux, il y a un mouton blessé. Madame, si vous m'aider à retrouver mes moutons,
je vous donnerai ce mouton blessé, vous pourrez toujours vous en servir. »
Mais elle,
n'ayant rien entendu, rien compris, a pensé que le monsieur lui demandait juste
jusqu'où allait son champ. Elle se retourna pour lui dire :
« Mon champ
s'arrête là-bas. »
Le monsieur a
suivi la direction indiquée par la dame et par un curieux hasard trouva ses
moutons en train de brouter tranquillement derrière un buisson. Tout content,
il les rassembla et vint remettre à la dame le mouton blessé. Mais celle-ci,
n'ayant rien entendu, rien compris, pensa que le monsieur l'accusait d'avoir
blessé le mouton. Alors elle se fâcha :
« Monsieur,
je n'ai pas blessé votre mouton. Allez accuser qui vous voulez mais pas moi.
D'ailleurs des moutons, je n'en ai jamais vu. »
Quand il vit que
la femme se fâchait, le monsieur pensa qu'elle ne voulait pas ce mouton mais un
mouton plus gros. Et à son tour, il se fâcha :
« Madame,
c'est ce mouton que je vous ai promis. Il n'est pas du tout question que je
vous donne le plus gros de mes moutons. »
Tous les
deux se fâchèrent à tel point qu'ils finirent par arriver au tribunal.
Le tribunal, dans
cette Afrique d'il y a longtemps, se tenait sur la place du village, à l'ombre
d'un grand arbre, l'arbre à palabres, le plus souvent un baobab. Le juge qui
était en même temps le chef du village était là, entouré de tous ces gens qu'on
appelle les notables.
La dame et le
monsieur arrivèrent tout en continuant leur querelle. Après les salutations,
c'est elle qui parla la première :
« Ce
monsieur m'a trouvé dans mon champ et m'a demandé où mon champ s'arrêtait. Je
lui ai montré et j'ai repris mon travail. Il est parti et est revenu quelques
instants après avec un mouton blessé, m'accusant de l'avoir blessé. Or, je jure
que des moutons, je n'en ai jamais vu. Voilà pourquoi on est ici, monsieur le
juge. »
Ce fut le tour du
monsieur :
« Je
cherchais mes moutons, dit-il, et leur traces m'ont conduit jusqu'au champ de
cette dame. Je lui ai dit que si elle m'aidait à retrouver mes moutons, je lui
donnerai l'un d'entre eux, mais j'ai bien précisé le mouton blessé. Elle m'a
montré mes moutons et je lui ai donné le mouton blessé. Mais elle veut un
mouton plus gros. Pensez-vous que je vais lui donner le plus gros de mes
moutons à deux pas de la fête des moutons ? »
Le juge se leva.
Il était aussi sourd qu'un pot. Tellement sourd qu'il n'entendait rien. Et
quand il a vu l'enfant sur le dos de sa mère, il a pensé qu'il ne s'agissait
que d'une petite querelle de ménage. Alors, il s'adressa au monsieur :
« Monsieur,
cet enfant est votre enfant. Regardez d'ailleurs comment il vous ressemble. A
ce qu'il me semble, vous êtes un mauvais mari. Et vous, Madame, des petits
problèmes comme cela, ce n'est pas la peine de venir jusqu'ici les étaler
devant tout le monde. Rentrez chez vous ! Je souhaite que vous vous réconcilier. »
Ayant entendu ce
jugement, tout le monde éclata de rire. Et le rire contamina le juge, la dame
et le monsieur. Que firent-ils ? Ils éclatèrent de rire à leur tour, bien que
n'ayant rien compris.
Le conte pose la
question : Lequel de ces trois est le plus sourd ?
La leçon :
Il vaut mieux ne pas se dépêcher de donner une réponse. On conseille, quelque
part en Afrique, d'avoir le cou aussi long que celui du chameau, afin que la
parole, avant de jaillir, puisse prendre tout son temps.
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Source :
« Les plus beaux contes africains » recueillis par
Guelord Grembo
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