Un barbier passait dans un boisé lorsqu’il entendit une voix enjôleuse : « Tu aimerais posséder les sept vases remplis d’or? » « Bien sûr! » s’écria-t-il. « Alors, retourne chez toi et tu les y trouveras. » Le barbier rentra promptement chez lui. Effectivement, les sept vases trônaient au milieu du logis – tous remplis d’or, sauf un qui ne l’était qu’à moitié. Le barbier éprouva à cet instant un impérieux besoin de le remplir. Il vendit tous les biens qu’il jugeait superflus pour les convertir en or, qu’il déposa dans le vase à moitié plein. Mais le vase demeurait à moitié plein. Il s’acharna tout de même. Il épargna, lésina sur tout, se priva et priva sa famille, en vain : quelle que fût la quantité d’or qu’il déposait dans le vase, celui-ci ne se remplissait jamais.
Alors un jour, il demanda au roi une augmentation : on doubla son salaire. Et la bataille reprit pour remplir le vase. L’homme en vint même à mendier. Le roi finit par s’étonner de l’apparence misérable du barbier : « Que vous arrive-t-il, mon brave? Vous étiez si heureux auparavant. Depuis qu’on a doublé votre salaire, vous semblez abattu. N’auriez-vous pas les sept vases d’or en votre possession? » Le barbier s’étonna : « Qui vous a dit cela, Majesté? » Le roi se mit à rire : « Personne ne m’en a rien dit, mais vos symptômes parlent pour vous! Le fantôme m’a également offert ces sept vases il y a longtemps. Je lui ai demandé si l’argent pouvait être dépensé ou simplement entassé, et le fantôme à disparu sans mot dire. Cet argent ne peut être dépensé : il apporte seulement avec lui le besoin impérieux de l’entasser. Allez rendre les vases au fantôme et vous retrouverez le bonheur. » (Un conte d’Anthony De Mello)
Ce conte s’actualise constamment à travers le monde et les siècles. Qui n’aimerait pas posséder ces sept vases d’or lui assurant la puissance, le pouvoir, le prestige, l’ascendance? Qui n’aimerait pas un jour pouvoir contrôler les autres par la puissance de l’argent. Ce barbier rêvait de posséder sept vases bien remplis mais comme il en manquait un peu au septième, il en éprouva une immense déception. En effet, on est jamais assez riche et puissant car la richesse est une maitresse qui exige une soumission totale en rendant le coeur insensible aux détresses humaines. Elle exige qu’on la serve sans conditions. Cela explique qu’aujourd’hui les richesses de ce monde soient possédées par une infime partie de l’humanité. Tandis que quelques personnes vivent dans l’opulence, des masses humaines souffrent de maladies et de la faim. Ce drame des inégalités se perpétue au cours des siècles et sur tous les continents et est à la base de toutes les guerres, de toutes les révolutions, de tous les mouvements de libération.
Ce conte me rappelle une autre histoire. « Il y avait un homme riche dont la terre avait beaucoup rapporté. Il se demandait : « Que vais-je faire? Car je n’ai pas d’endroit où engranger ma récolte. » Puis il se dit : « Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes anciens greniers, j’en bâtirai de plus grands encore et j’y entasserai tout mon blé et mes biens.» Et je me dirai à moi-même : « Te voilà enfin riche et avec des réserves pour de nombreuses années; repose-toi, mange, bois, fais bombance, gâte-toi! » Mais Dieu lui dit : « Insensé, cette nuit même on te redemande ta vie et ce que tu auras mis de côté, qui l’aura? » Voilà ce qui arrive à celui qui amasse un trésor pour lui-même au lieu de s’enrichir auprès de Dieu. » (Lc 12,16-21) Cette parabole de Luc nous pose la vraie question : être riche pour soi ou en vue du Royaume? Vivre centré sur soi ou vivre selon l’esprit du Royaume!
Dans la foi, nous réalisons que l’argent est un outil possible de promotion humaine et des valeurs du Royaume tout comme il peut devenir un outil de la promotion de soi et des valeurs étrangères au Royaume : puissance, exploitation, domination, faire-valoir. Jésus nous rappelle le danger des richesses et il nous rappelle que nous ne pouvons servir deux maîtres à la fois. « Faites-vous un trésor inaltérable dans les cieux; là ni voleur n’approche, ni mite ne détruit. Car où est ton trésor, là aussi est ton coeur. » (Lc 12, 33-34) Alors dis donc! Où est ton trésor?
Ces sept vases remplis d’or deviennent des symboles de notre quête d’absolu. Aurons-nous l’audace de choisir comme valeur absolue, la quête du Royaume, la quête de la vie éternelle en assujettissant tous les autres biens à cette quête? Vivons donc maintenant en endossant les valeurs du Sermon sur la montagne, en endossant les valeurs des Béatitudes pour nous maintenir dans ce Royaume et pour y grandir sans cesse. Nous découvrirons alors que ces vases d’or du conte ont rendu ce pauvre barbier esclave et désespéré. Le maître qu’il avait choisi de servir lui empoissonnait la vie. Il était loin de se retrouver sur le chemin de la plénitude de la vie impérissable.
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