Venez avec moi, je
vous montrerai la plus belle maison du village.
La plus belle maison du village, ce n’est pas, à mon avis, ce grand château que vous apercevez là-bas. Avec son parc aux allées sévères, ses pièces d’eau stagnante, ses ifs taillés de façon bizarre, sa façade froide et nue percée de cent fenêtres régulières et banales, le château ne me séduit pas.
La plus belle maison du village, ce n’est pas celle que vient de faire bâtir Beaufils le cabaretier : maison blanche et carrée, couverte de tuiles rouges, maison criarde, insolente et vulgaire, affichant la récente opulence de son propriétaire et narguant l’humble piéton qui s’assied sur la route pour grignoter une croûte de pain et boire à la fontaine…
La plus belle maison du village, ce n’est ni celle du maire, ni celle du médecin, ni le presbytère. Si vous voulez la voir, suivez-moi jusqu’au bout de l’unique rue.
Elle est isolée entre ses deux grandes voisines, son jardin l’entoure de tous côtés. Une porte et une fenêtre au rez-de-chaussée, une seule fenêtre au-dessus, et c’est tout. Le vieux toit moussu s’avance en auvent, offrant aux hirondelles la place la plus commode du monde pour y construire leur nid : elles en ont profité d’ailleurs, car vous n’en trouverez nulle part une aussi grande abondance.
Elle vous paraît, cette maison, bien petite et bien chancelante. Petite, soit, mais chancelante, ne le croyez pas : car de la base au faîte elle est enveloppée, enserrée, étreinte par mille bras dans lesquels circule la vie ; des bras frêles et forts : les multiples rameaux d’une glycine.
La maison est-elle en pierres ou en briques ? A peine saurait-on le dire, tant sa façade est bien couverte, et pour ainsi dire remplacée par cette façade vivante. Le vert feuillage, les magnifiques grappes violettes font en été un cadre ravissant à la porte, et à travers les joints des volets, franchissent les fenêtres, pénètrent dans la maison, enguirlandent, embaument, poétisent l’humble logis. Jamais pareille opulence ne s’est vue au château, jamais boudoir n’a été comparable à cette humble chambrette où, jusques sur le berceau du petit enfant, de belles fleurs sont suspendues. S’il y a des lézardes, la glycine les cache. Et la maison tiendra longtemps, soyez-en sûrs. Il est vrai qu’en hiver le vent souffle très fort ; mais, toute morte que paraisse la glycine, toute dépouillée qu’elle soit, elle vit pourtant, et tient la vieille maison tout aussi fortement embrassée que lorsque, au coeur de l’été, elle lui fait un manteau de verdure et répand sur elle ses parfums.
La plus belle maison du village, ce n’est pas, à mon avis, ce grand château que vous apercevez là-bas. Avec son parc aux allées sévères, ses pièces d’eau stagnante, ses ifs taillés de façon bizarre, sa façade froide et nue percée de cent fenêtres régulières et banales, le château ne me séduit pas.
La plus belle maison du village, ce n’est pas celle que vient de faire bâtir Beaufils le cabaretier : maison blanche et carrée, couverte de tuiles rouges, maison criarde, insolente et vulgaire, affichant la récente opulence de son propriétaire et narguant l’humble piéton qui s’assied sur la route pour grignoter une croûte de pain et boire à la fontaine…
La plus belle maison du village, ce n’est ni celle du maire, ni celle du médecin, ni le presbytère. Si vous voulez la voir, suivez-moi jusqu’au bout de l’unique rue.
Elle est isolée entre ses deux grandes voisines, son jardin l’entoure de tous côtés. Une porte et une fenêtre au rez-de-chaussée, une seule fenêtre au-dessus, et c’est tout. Le vieux toit moussu s’avance en auvent, offrant aux hirondelles la place la plus commode du monde pour y construire leur nid : elles en ont profité d’ailleurs, car vous n’en trouverez nulle part une aussi grande abondance.
Elle vous paraît, cette maison, bien petite et bien chancelante. Petite, soit, mais chancelante, ne le croyez pas : car de la base au faîte elle est enveloppée, enserrée, étreinte par mille bras dans lesquels circule la vie ; des bras frêles et forts : les multiples rameaux d’une glycine.
La maison est-elle en pierres ou en briques ? A peine saurait-on le dire, tant sa façade est bien couverte, et pour ainsi dire remplacée par cette façade vivante. Le vert feuillage, les magnifiques grappes violettes font en été un cadre ravissant à la porte, et à travers les joints des volets, franchissent les fenêtres, pénètrent dans la maison, enguirlandent, embaument, poétisent l’humble logis. Jamais pareille opulence ne s’est vue au château, jamais boudoir n’a été comparable à cette humble chambrette où, jusques sur le berceau du petit enfant, de belles fleurs sont suspendues. S’il y a des lézardes, la glycine les cache. Et la maison tiendra longtemps, soyez-en sûrs. Il est vrai qu’en hiver le vent souffle très fort ; mais, toute morte que paraisse la glycine, toute dépouillée qu’elle soit, elle vit pourtant, et tient la vieille maison tout aussi fortement embrassée que lorsque, au coeur de l’été, elle lui fait un manteau de verdure et répand sur elle ses parfums.
En août dernier, le propriétaire du château, jeune homme fraîchement
émoulu des écoles, passant dans sa calèche, fit arrêter devant cette maison. Il
regarda d’un œil d’envie, non la maison, mais la glycine, alors dans tout son
éclat.
— Voilà qui ferait bien, murmura-t-il, pour la façade de mon château neuf. Et appelant le vieux bonhomme qu’il aperçoit assis sur la porte :
— La belle plante que vous avez là ! Voulez-vous me la vendre ?
— Certainement, monsieur, mais à une condition : c’est que vous achetiez ma maison avec.
— Et pourquoi ?
— C’est que l’une ne va pas sans l’autre ; elles s’aiment toutes deux, voyez-vous, à ne pas pouvoir se séparer. Si vous emportiez ma plante, elle mourrait chez vous, et ma maison croulerait sur moi.
La figure du jeune homme s’assombrit.
— Tenez, Monsieur, ajouta le paysan, en voilà une bouture : je vous en fais cadeau. Elle poussera chez vous comme chez moi, car les plantes sont les mêmes pour tout le monde ; elles récompensent qui les soigne bien. Et dans trente ans, ou à peu près, votre glycine vaudra la mienne.
Le châtelain s’en alla, sa branche à la main. Il était ennuyé : il y a donc des choses que l’argent n’achète pas ! …
Et moi, je ne suis qu’une pauvre maison lézardée, une cabane qui tomberait en ruines et disparaîtrait bientôt sans que personne y prît garde, si le Seigneur, sur ma misère, n’avait jeté le riche manteau de sa grâce, et de ses bras tout-puissants ne me soutenait jour par jour. . .
Elle est bien humble, ma vie, et bien insignifiante ! D’autres que moi possèdent la richesse, les titres et le savoir. Quel serait mon rôle en ce monde si je ne servais de support et de piédestal à la plante divine qui m’enserre, m’étreint, parfume et embellit ma vie, la rend plus heureuse, et, je le crois, plus utile, que celle des hommes de grand renom ?
Ah ! Même si j’avais ces choses que j’ai cessé de désirer depuis que la miséricorde infinie m’a pris entre ses bras : même si j’étais grand autant que je suis petit, je voudrais que ma vie n’eût pour ornement, pour seule parure que la fleur par Dieu même plantée ici-bas !
Si vous me demandez comment ma pauvre existence est devenue heureuse ainsi, comment les lézardes de mon âme ont été recouvertes, comment cette vie nouvelle a commencé pour moi, et si vous me demandez comment, à votre tour, vous pouvez posséder la Plante royale, comment, pour vous aussi, la décrépitude morale, la honte, le péché, peuvent disparaître, sous les fleurs et les parfums du ciel, — je vous répondrai comme le paysan au châtelain :
« C’est par une petite bouture qu’il faut commencer. »
Il faut que, par la foi, l’âme s’empare de Jésus, ce « rejeton qui sort d’une terre sèche » et le transplante en elle-même, l’arrosant des larmes de sa repentance et de son amour naissant.
La bouture prendra-t-elle, grandira-t-elle ?
— Laissez-la faire ! Tous vos soucis, tous vos efforts n’y pourraient rien. Si vous avez commencé par le commencement, si votre repentance est vraie, si votre foi au Christ vivant est sincère, alors soyez sans inquiétude. Les fleurs viendront en leur temps. Avec une rapidité merveilleuse, la plante céleste croîtra, vous enveloppera, vous pénétrera, s’identifiera à vous comme la triomphante glycine à la vieille masure. Elle entourera de ses splendeurs les détails de votre vie ordinaire, elle tressera une guirlande de fleurs immortelles autour du berceau de vos enfants et de la tombe de vos bien-aimés ; autour de votre propre lit de mort, quand l’heure sera venue pour vous de partir.
O Jésus, Rose de Saron, Cep divin aux grappes généreuses ! Viens naître, viens grandir en nous ! Que chaque année, chaque jour, chaque heure ajoute de nouvelles branches à celles par lesquelles tu nous tiens enlacés ! Divine Plante de renom, revêts- nous de toi tellement qu’on nous confonde avec toi-même, qu’on ne voie plus nos misères, et qu’on admire, en t’adorant, comment ta tendresse a su cacher nos laideurs sous ta beauté !
— Voilà qui ferait bien, murmura-t-il, pour la façade de mon château neuf. Et appelant le vieux bonhomme qu’il aperçoit assis sur la porte :
— La belle plante que vous avez là ! Voulez-vous me la vendre ?
— Certainement, monsieur, mais à une condition : c’est que vous achetiez ma maison avec.
— Et pourquoi ?
— C’est que l’une ne va pas sans l’autre ; elles s’aiment toutes deux, voyez-vous, à ne pas pouvoir se séparer. Si vous emportiez ma plante, elle mourrait chez vous, et ma maison croulerait sur moi.
La figure du jeune homme s’assombrit.
— Tenez, Monsieur, ajouta le paysan, en voilà une bouture : je vous en fais cadeau. Elle poussera chez vous comme chez moi, car les plantes sont les mêmes pour tout le monde ; elles récompensent qui les soigne bien. Et dans trente ans, ou à peu près, votre glycine vaudra la mienne.
Le châtelain s’en alla, sa branche à la main. Il était ennuyé : il y a donc des choses que l’argent n’achète pas ! …
Et moi, je ne suis qu’une pauvre maison lézardée, une cabane qui tomberait en ruines et disparaîtrait bientôt sans que personne y prît garde, si le Seigneur, sur ma misère, n’avait jeté le riche manteau de sa grâce, et de ses bras tout-puissants ne me soutenait jour par jour. . .
Elle est bien humble, ma vie, et bien insignifiante ! D’autres que moi possèdent la richesse, les titres et le savoir. Quel serait mon rôle en ce monde si je ne servais de support et de piédestal à la plante divine qui m’enserre, m’étreint, parfume et embellit ma vie, la rend plus heureuse, et, je le crois, plus utile, que celle des hommes de grand renom ?
Ah ! Même si j’avais ces choses que j’ai cessé de désirer depuis que la miséricorde infinie m’a pris entre ses bras : même si j’étais grand autant que je suis petit, je voudrais que ma vie n’eût pour ornement, pour seule parure que la fleur par Dieu même plantée ici-bas !
Si vous me demandez comment ma pauvre existence est devenue heureuse ainsi, comment les lézardes de mon âme ont été recouvertes, comment cette vie nouvelle a commencé pour moi, et si vous me demandez comment, à votre tour, vous pouvez posséder la Plante royale, comment, pour vous aussi, la décrépitude morale, la honte, le péché, peuvent disparaître, sous les fleurs et les parfums du ciel, — je vous répondrai comme le paysan au châtelain :
« C’est par une petite bouture qu’il faut commencer. »
Il faut que, par la foi, l’âme s’empare de Jésus, ce « rejeton qui sort d’une terre sèche » et le transplante en elle-même, l’arrosant des larmes de sa repentance et de son amour naissant.
La bouture prendra-t-elle, grandira-t-elle ?
— Laissez-la faire ! Tous vos soucis, tous vos efforts n’y pourraient rien. Si vous avez commencé par le commencement, si votre repentance est vraie, si votre foi au Christ vivant est sincère, alors soyez sans inquiétude. Les fleurs viendront en leur temps. Avec une rapidité merveilleuse, la plante céleste croîtra, vous enveloppera, vous pénétrera, s’identifiera à vous comme la triomphante glycine à la vieille masure. Elle entourera de ses splendeurs les détails de votre vie ordinaire, elle tressera une guirlande de fleurs immortelles autour du berceau de vos enfants et de la tombe de vos bien-aimés ; autour de votre propre lit de mort, quand l’heure sera venue pour vous de partir.
O Jésus, Rose de Saron, Cep divin aux grappes généreuses ! Viens naître, viens grandir en nous ! Que chaque année, chaque jour, chaque heure ajoute de nouvelles branches à celles par lesquelles tu nous tiens enlacés ! Divine Plante de renom, revêts- nous de toi tellement qu’on nous confonde avec toi-même, qu’on ne voie plus nos misères, et qu’on admire, en t’adorant, comment ta tendresse a su cacher nos laideurs sous ta beauté !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire